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lundi 28 novembre 2016

Bal tragique à la primaire: deux morts

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Bal tragique à la primaire: deux morts

On me pardonnera, je l’espère, de détourner avec un sourire, le titre provoquant de Hara-Kiri le jour de la mort soudaine du Général de Gaulle!

 28/11/2016 00:55 CET | Actualisé il y a 9 heures
Anne SinclairDirectrice éditoriale, Le Huffington Post

AFP
Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et Francois Fillon en septembre 2015 à La Baule. AFP PHOTO / JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP PHOTO / JEAN-SEBASTIEN EVRARD
PRIMAIRE DE LA DROITE - On me pardonnera, je l'espère, de détourner avec un sourire, le titre provoquant de Hara-Kiri le jour de la mort soudaine du Général de Gaulle! Heureusement, ces primaires de la droite et du centre n'auront causé que de brutales morts politiques, mais aussi inattendues l'une que l'autre. Nicolas Sarkozy au premier tour. Alain Juppé au second. Le président qui voulait le redevenir mais qui était resté très impopulaire, et l'éternel mal aimé, un temps porté aux nues, trop vite installé favori et s'écroulant en 3 semaines.
Nous voilà donc avec François Fillon, un Sarkozy sans Sarkozy, sans Gaulois et sans frites. Un homme clairement de droite, peut-être comme il le dit, pour la première fois depuis plus de trente ans, et capable, à la surprise générale, de galvaniser une droite qui semblait n'attendre que cela.
Le peuple de droite a voulu un candidat carré, aux convictions sans équivoque
Les électeurs de dimanche ont adoubé un sprinter inattendu qui pouvait éliminer d'un seul coup le candidat fiévreux dont on ne voulait plus, et celui, raisonnable, qui n'enthousiasmait pas. Le peuple de droite a voulu un candidat carré, aux convictions sans équivoques, se réclamant de ses valeurs traditionnelles. Il a écarté avec dureté son concurrent plus modéré, plus accessible aux fractures d'une société inégale.
Au-delà du destin des hommes, il s'est passé quelque chose en profondeur, qu'il va falloir analyser posément au-delà de la cécité des sondages et des pronostics. L'analogie d'une surprise telle que le Brexit ou la victoire de Trump pourrait venir à l'esprit, mais elle serait fausse. Ce ne sont pas les Français qui se sentent à l'écart, ce ne sont pas les déshérités qui ont voté pour François Fillon; et sa personne même est à l'opposé de celle du président élu des Etats-Unis, aussi sobre que l'autre est sans limites, aussi rationnelle que l'autre est imprévisible.
Cette importante fraction de la France qui a voté massivement pour un programme ultra libéral et probablement difficile à réaliser, est une France bourgeoise, conservatrice, principalement catholique, et provinciale.
La route est longue, très longue jusqu'en mai prochain.
Cette mouvance va-t-elle, peut-elle prospérer, enthousiasmer au-delà de son périmètre électoral de dimanche pour se projeter jusqu'à la présidence de la République? On serait tenté aujourd'hui de répondre oui, en oubliant qu'elle ne représente que le dixième du corps électoral français, que 40 millions d'électeurs peuvent encore la rejoindre ou s'en démarquer, et que la route est longue, très longue jusqu'en mai prochain.
Pour l'heure, cette primaire va provoquer des dégâts au sein de l'extrême-droite, qui se trouve bousculée dans ses repères, et qui va essayer d'investir un terrain social que la droite de dimanche semble laisser de côté. Mais François Fillon aura sans doute l'intelligence de se recentrer pour ne pas laisser à Marine Le Pen le terrain des droits acquis, celui de la défense des fonctionnaires, ou de la laïcité. Si oui, le danger est grand pour l'extrême-droite et l'opportunité est forte pour les fillonistes de grignoter ce que le FN croyait être son actif inoxydable. Ce ne serait pas le moindre des paradoxes.
Les remous du vote de dimanche vont très vite atteindre la gauche
Mais les remous du vote de dimanche vont d'abord très vite, dès cette semaine, atteindre la gauche. Avec, dès à présent, une démonstration évidente: pour que la droite gagne avec cette ampleur, il aura d'abord fallu que la gauche soit bien défaillante, épuisée, divisée, ayant perdu toute confiance en elle-même et ayant abandonné son hégémonie sur le terrain des valeurs.
La tourmente qui la secoue est de celles qui surviennent habituellement aux lendemains d'élections perdues. Or les règlements de compte, qui apparaissent au grand jour, ont lieu pour la première fois avant une élection qu'elle a peur de perdre. Entre un président qui se pense le meilleur candidat de gauche face à une droite dure, mais qui fait l'impasse sur le désaveu que suscite sa personne, et qui croit encore aux retournements d'impopularité. Et un Premier ministre, partagé entre la loyauté dont il a fait sa marque, et la lucidité qui le fait constater qu'un président à ce point affaibli est dans la quasi-impossibilité de relever le défi.
Ce serait l'effet billard de la déferlante Fillon
Ce débat, inédit sous la Vème République hors les cas de cohabitation, peut fracasser la gauche, qui mettra des années à en recoller les miettes. Ce serait l'effet billard de la déferlante Fillon: avoir ressoudé des droites qui ne pensent pas la même chose et avoir, du même coup, fait voler en éclat des gauches moins irréconciliables qu'on ne le croit.
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