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Oui au Code, non à la Charte !
L'éditorial par Daniel Gluckstein - la Tribune des travailleurs du 23 février 2016
Il arrive parfois que sur un océan de mensonges flottent quelques morceaux de vérité. C’est ainsi qu’à propos de son projet de loi, la ministre Myriam El Khomri revendique (dans Les Echos) « un changement de philosophie important ».
On ne saurait mieux dire. Qui a déclaré : « Vous avez fait du Code du travail le bouc émissaire de votre incapacité à créer de l’emploi et fait de son démantèlement l’objet même de votre politique » ? François Hollande lui-même, le 21 février 2006, à l’encontre du Premier ministre (de droite) Dominique de Villepin après que celui-ci eut utilisé l’article 49-3 sur le CPE.
Les temps changent. Aujourd’hui, la droite applaudit au projet El Khomri et Hollande se dit confiant dans sa capacité à « trouver une majorité » pour le faire passer.
Changement de philosophie qui touche au fond. L’article 1 du projet de loi El Khomri introduit dans le Code du travail une nouvelle catégorie de restrictions possibles aux droits des personnes et aux libertés individuelles : lorsqu’elles « sont justifiées par (…) les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ».
Changement de philosophie en effet : est-on encore en démocratie quand la « loi travail » prétend subordonner le droit des travailleurs à s’organiser au « bon fonctionnement de l’entreprise » (défini par qui, au fait, sinon par le patron ?) ?
Non : cela, ce n’est plus la démocratie, c’est le corporatisme. Dérive corporatiste confirmée par cet autre passage de la loi : la création, au chapitre 2, d’une « commission de refondation» du Code. Composée d’experts et de praticiens divers associant à leurs travaux « les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés représentatives », cette commission est chargée de refonder la partie législative du Code du travail conformément aux « principes énoncés dans le préambule créé par l’article 1er de la présente loi ».
Les syndicats associés à l’édification d’un ensemble de lois et textes remettant en cause les droits acquis des travailleurs pour les enfermer dans le « bon fonctionnement de l’entreprise » ? Cette tentative a déjà eu lieu dans notre pays : c’était en 1940, lorsque le régime de Vichy chercha à imposer la Charte du travail !
Sur ce point, El Khomri dit vrai : il y a bien changement de philosophie. Le Code du travail est une institution qui correspond à un certain stade de la démocratie politique, laquelle reconnaît à sa façon la lutte de classe, c’est-à-dire le droit pour les travailleurs de s’organiser en toute indépendance pour défendre leurs intérêts.
La Charte du travail — version Vichy ou version Valls-El Khomri — c’est l’intégration de l’organisation ouvrière aux intérêts bien compris de la classe capitaliste et aux exigences et institutions de l’Etat.
Démocratie politique ou corporatisme ?
Code du travail ou Charte du travail ? Au nom de la démocratie politique et de la lutte de classe dont elle est indissociable, un seul mot d’ordre : retrait de la loi Hollande-Valls-El Khomri !
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