Le succès des manifestations anti-loi Travail peut-il suffire à faire reculer le gouvernement?
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SYNDICATS - Ils annonçaient une mobilisation inédite contre la loi Travail. Même la pluie qui s'est abattue sur de très nombreux défilés de la moitié nord du pays n'a pas freiné l'ardeurs des manifestants. Partout, les cortèges étaient beaucoup plus importants que le 24 mars quand seules les organisations de jeunesse avaient appelé à battre le pavé. Dans la plupart des villes, ils étaient même plus fournis que lors de la première journée d'action unitaire du 9 mars.
Que l'on se base sur les chiffres de la police ou sur ceux des organisateurs, la progression en trois semaines est notable, hormis à Paris, où la préfecture de police a encore dénombré 28.000 manifestants: A Rennes, le cortège a par exemple grossi de 50% passant de 4500 à 6500 personnes, selon la police.
Au global, la CGT affirme que l'on est passé de 450.000 à 1,2 million de manifestants dans toute la France. Selon le décompte de la police, 390.000 personnes ont défilé contre 200.000 le 9 mars. Une mobilisation entre 1,95 et 2,66 fois plus importante que le 9 mars dernier, donc.
INFOGRAPHIE - La carte de tous les cortèges
"Cette journée est une réussite, il faut que le gouvernement entende la puissance de la mobilisation", affirme Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Sur les pancartes ou devant les journalistes, les manifestants ont rappelé ce que cela signifiait pour eux: un retrait total de la réforme du code du travail porté par Myriam El Khomri. "Malgré un temps aussi pourri que la loi El Khomri, ce succès impose le retrait le retrait de la loi Travail", veut croire Eric Coquerel, lieutenant de Jean-Luc Mélenchon.
Pas question, a toujours répondu le gouvernement qui a déjà retiré des dispositions controversées comme le plafonnement des indemnités prudhommales. "Sur le fond rien n'a changé, et comme rien n'a changé on continue à se mobiliser et on continuera", promet Philippe Martinez. Malgré le succès de ce 31 mars, il est en effet improbable que l'exécutif donne satisfaction à ses adversaires. Mais ces derniers espèrent que la mobilisation a pris un nouveau départ.
Un rythme de mobilisation qui s'accélère
Les opposants semblent en tout cas avoir changé de stratégie. Jusqu'à maintenant, seules les organisations lycéennes et étudiantes avaient appelé à des rassemblements hebdomadaires. Mais les syndicats professionnels les rejoignent puisque une nouvelle date a été annoncée, dans une semaine. "Il est important d'avoir la semaine prochaine une forte mobilisation. On sait que les salariés qui rejettent massivement le texte ne seront pas là aujourd'hui. Le samedi 9 avril sera l'occasion pour eux de montrer la force du mouvement", affirme Eric Beynel, porte-parole de Solidaires.
En choisissant de manifester un week-end, les organisateurs espèrent mobiliser plus massivement. Ils comptent sur l'arrivée dans les cortèges de personnes qui n'ont pas voulu faire grève ou pas pu poser de jour de congés ce jeudi. Avant cela, lycéens et étudiants seront appelés à de nouvelles actions le 5 avril.
En accélérant le rythme, l'objectif est d'entamer un rapport de force avec le gouvernement. "On est rentré dans un bras de fer", confirme Jean-Claude Mailly, leader de Force ouvrière. "La séquence sociale n'est pas finie, elle commence", abonde William Martinet, président de l'Unef. "La réalité, c'est que tous les gouvernements qui ont été confrontés à des levées massives des travailleurs ont du reculer. Le gouvernement ne reculera pas ce soir. Donc, il faut se préparer à un véritable bras de fer", dit encore Nathalie Arthaud, candidate de Lutte ouvrière pour 2017.
En 2006, lors du CPE, les mobilisations s'étaient étendues sur deux mois avec des actions très régulières et rapprochées durant le mois de mars, renforçant l'idée d'une opposition massive au projet. C'est cette accumulation, autant que le nombre important des manifestants (plus de un million selon la police lors du pic du 28 mars) qui avait finalement poussé Dominique de Villepin et Jacques Chirac à abandonner.
Opinion vs majorité parlementaire
Les opposants à la loi Travail espèrent aussi surfer sur la vague de défiance qui touche le gouvernement et son déficit d'autorité. Au lendemain de l'enterrement de la révision constitutionnelle par François Hollande, cette reculade était dans les têtes de nombreux manifestants qui réclament le même sort pour la loi El Khomri.
Mais François Hollande peut-il vraiment se permettre une deuxième reculade? C'est difficilement concevable s'il ne veut pas que la fin de son quinquennat se transforme définitivement en chemin de croix. C'est même totalement inenvisageable s'il garde 2017 dans un coin de sa tête.
Pour résister sur la loi Travail, l'exécutif a dans sa main une carte supplémentaire par rapport à la révision constitutionnelle. C'est l'incapacité politique à trouver une majorité pour voter la déchéance qui l'a poussé à reculer alors que les Français ne semblaient pas s'y opposer. Sur la loi El Khomri, c'est l'inverse: l'opinion est largement opposée (71% selon un sondage Odoxa pour Le Parisien) mais les premiers pas en arrière de Manuel Valls ont ramené de la sérénité au sein du groupe socialiste.
De nouveaux aménagements peuvent encore intervenir au cours de la discussion parlementaire qui vient de s'ouvrir à l'Assemblée, sur les licenciements économiques et les PME. Suffisant, peut-être, pour les députés socialistes. Mais sans doute pas pour faire taire la mobilisation syndicale.
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