Editorial Informations Ouvrières n°394
Une déshonorante manœuvre
Mercredi 23 mars 2016
par Marc Gauquelin
par Marc Gauquelin
Mardi 22 mars, à 8 heures du matin, l’horreur a une nouvelle fois frappé au cœur de l’Europe. Après Paris et Istanbul (il y a quelques jours), c’est à Bruxelles qu’a été menée cette nouvelle incursion, sur le continent européen, de la guerre qui ravage le Moyen-Orient, écrase ses peuples sous les bombes et jette, dans des conditions tragiques, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sur les routes de l’exil.
L’histoire révélera, à son heure, le véritable visage des forces (et des puissants intérêts matériels) qui se cachent derrière les délinquants et trafiquants, recrutés sur le terreau de la décomposition sociale de nos sociétés pour leur servir d’instruments et terroriser, au hasard, toute la population.
Ce n’est pas l’objet de ce billet.
En revanche, passée l’horreur qu’inspire légitimement cet acte de terreur barbare, ce qui saisit tout travailleur et tout citoyen qui réfléchit un tant soit peu, ce mardi 22 mars, c’est la célérité avec laquelle réagit ce gouvernement.
Un gouvernement pourtant profondément embourbé dans la réforme constitutionnelle, la déchéance de la nationalité, la prolongation de l’état d’urgence...
Quelques heures à peine après l’annonce du carnage, le président François Hollande se précipite, au sortir d’une réunion du Conseil stratégique d’attractivité, pour lancer un appel : « Nous devons veiller plus que jamais à notre unité, au plan européen, au plan mondial (…) mais l’unité la plus indispensable, elle est au plan national et chacun doit avoir conscience que dans cette période, nous devons être dans le rassemblement, dans la cohésion et aussi dans la solidarité. »
On s’autorisera, dans ces circonstances tragiques, à poser une question.
En quoi « l’unité nationale » serait-elle brusquement devenue une condition pour que l’Etat – incarné, dans le cadre des institutions antidémocratiques de la Ve République, par le président de la République – assume ses responsabilités en matière de protection de la vie des citoyens de ce pays ?
En quoi « le rassemblement dans la cohésion », derrière ce gouvernement directement et massivement engagé dans la guerre au Moyen-Orient, serait-il devenu une condition posée au peuple de ce pays pour garantir sa sécurité ?
En quoi les événements tragiques de Bruxelles, la douleur des victimes, devraient ils justifier ce chantage ? A moins qu’il s’agisse de tout autre chose....
A moins qu’à quarante-huit heures de la présentation de la loi El Khomri devant le Conseil des ministres (le 24 mars), le gouvernement tente par cet artifice grossier, dans une ultime manœuvre inspirée par la panique, de désamorcer – ce qu’il n’a pas réussi à faire jusqu’à aujourd’hui – le mouvement qui est en train de rassembler les travailleurs et leurs organisations (CGT, CGTFO, SUD-Solidaires), la jeunesse étudiante et lycéenne, pour arracher le retrait d’une loi qui cherche à pulvériser le Code du travail et menace de faire basculer plus gravement encore cette société dans la précarité, l’insécurité sociale et le chaos.
Le gouvernement Hollande, qui a perdu l’essentiel de ses appuis dans la population, réussira-t-il son opération ?
Les huit jours qui viennent et qui nous séparent du 31 mars nous le diront. Et les militants ouvriers que nous sommes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que les travailleurs et leurs organisations fassent capoter la déshonorante manœuvre d’un pouvoir aux abois.
Pour lire les premières pages cliquez ici --->IO 394.pdf
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