Présidentielle : pour un parrainage citoyen – Lettre de Jean-Luc Mélenchon aux parlementaires
Crédits photo : Sénat (CC - Wikimédias)
Paris, le 30 mars 2016
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Vous devez vous prononcer dans les prochains jours sur la modification des règles de l’élection présidentielle. Je vous appelle solennellement à refuser ces deux textes. Ils aggraveront de façon inouïe la logique oligarchique de la 5e République.
Mais il est bien possible que rien ne puisse plus arrêter le coup de force qu’ils contiennent. Il est bien possible que vous soyez convaincus de l’utilité pour votre parti d’éliminer le maximum de candidatures qui d’une façon ou d’une autre perturbent vos stratégies.
Je vous propose de laisser cependant une chance à ceux qui ne pensent pas comme vous et voient le danger que cette manœuvre fait peser sur la légitimité de l’élection de 2017. Je vous propose de laisser penser que vous n’êtes pas uniquement préoccupés d’éliminer par des manœuvres bureaucratiques ceux qui vous dérangent.
A côté du pouvoir exclusif de parrainage par certains élus locaux, à qui ce privilège a été attribué sans qu’ils l’aient demandé, créez une deuxième voie d’accès au droit d’être candidat à l’élection présidentielle. Accordez le droit de parrainage citoyen à tous les électeurs.
Bien sûr mettez-y les conditions qui vous conviennent pour rendre l’exercice plus pénible et difficile. Décidez que cent mille citoyens soient nécessaires pour parrainer une candidature. Ou bien même exigez un million de signatures citoyennes authentifiées avec un numéro de carte d’électeur ! Placez le point d’accès au niveau que vous voudrez, mais permettez que les citoyens aient aussi un pouvoir de parrainage. Ne le réservez pas à des élus qui ne vous l’ont pas demandé et que vous allez permettre de placer sous surveillance politique. Ne croyez pas qu’en cherchant à empêcher de candidature, vous éliminerez ce qu’elles veulent incarner. Ne pensez pas qu’une telle manœuvre puisse rester impunie. Pensez à ce qui adviendrait pour notre démocratie si la manœuvre en cours aboutissait. Les responsables PS qui sont à l’initiative de ce texte aimeraient notamment se débarrasser de ma candidature pour l’élection présidentielle de 2017 par ce moyen.
Car, comme vous le savez, j’ai proposé ma candidature. Certes je n’ai l’aide d’aucun parti représenté au Parlement actuel. Mais je crois que j’ai le droit de proposer mon programme aux suffrages si l’on tient compte des soutiens que j’ai déjà reçus de notre peuple dans un passé récent. J’ai déjà rassemblé 4 millions de voix en 2012, j’ai été réélu en 2014 député européen avec autant de voix que pour élire cinq députés nationaux, j’ai déjà recueilli 87 000 parrainages citoyens pour ma proposition de candidature. Envisagez-vous que je sois empêché de me présenter parce qu’il me manquerait le parrainage de quelques-uns de ces élus qui sont la condition pour être candidat ? Sérieusement, vous accepteriez de ridiculiser notre République déjà si mal en point par ce mode d’élimination d’une fraction aussi consistante de l’opinion de notre peuple ? Que vaudrait alors l’élection ? Quelle serait la légitimité de la personne élue qui aurait bénéficié d’un tel subterfuge pour être débarrassé de ses concurrents ?
Mesdames, messieurs les parlementaires nationaux, si vous ne refusez pas votre vote à une disposition inique, du moins donnez aussi au peuple une part de son pouvoir et laissez-le décider de qui est digne de se présenter à ses suffrages.
Avec mes salutations républicaines les plus fermes.
Jean-Luc Mélenchon
Post scriptum : pour le cas où vous n’ayez pas eu l’occasion de connaitre les motifs de rejeter cette proposition de loi je vous en indique les principaux aspects inacceptables.
- La suppression de trois semaines d’égalité dans l’accès aux médias au cours du dernier mois de campagne est un privilège offert aux candidats du parti médiatique. L’allongement de la période dite « d’équité » laissera libre cours aux connivences entre certains partis et certaines rédactions audiovisuelles et privera les citoyens d’une information loyale et égale sur tous les candidats.
- Les changements dans la collecte des 500 parrainages pour pouvoir concourir à l’élection présidentielle est un verrouillage inacceptable. La centralisation directe des formulaires par le Conseil constitutionnel empêchera les candidats de savoir précisément de combien de parrainages ils disposent. La publication de la liste des parrains au fur et à mesure de la campagne ouvrira la porte à toutes les pressions et rétorsions des échelons supérieurs contre les élus locaux qui voudraient simplement faire vivre le pluralisme.
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