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dimanche 30 juillet 2023

La lettre de Patrick Le Hyaric du Dimanche 30 juillet 2023

 


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La Lettre du 29 juillet 2023
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Bonjour à chacune et chacun,

L’actualité de cet été reste aussi chaude que le climat qui fait bouillir une grande partie de la planète. Le réchauffement climatique est désormais palpable par des milliards d’individus, de différentes manières sur tous les continents : manque d’eau, sécheresse, incendies, difficultés à nourrir les animaux et à produire des fruits, impacts durs la santé humaine. La guerre que mène le pouvoir russe contre le peuple ukrainien n’en finit pas de produire des destructions, des morts et des blessés, des chantages à l’accès aux céréales donc à la capacité de nombreux pays du sud à se nourrir. L’OTAN en profite pour faire de cette guerre un terrain d’expérimentation de nouvelles armes toujours plus dangereuses, tente de renforcer le camp du grand capital international sous la domination américaine. Dans ce grand domino géopolitique, les peuples sont les victimes, l’Afrique risque d’en subir les plus grands contrecoups alors que les rejets des néo-colonialismes y produisent de grandes convulsions qui ne les portent pas vers la démocratie. Jamais pourtant il n’y a eu tant besoin de Paix, coopération, d’entente pour faire face aux grands défis auxquels notre humanité commune est confrontée : climat, biodiversité, santé, éradication de la famine et de l’analphabétisme, garanti du travail pour chaque être humain et accès à l’éducation tout au long de la vie et à la culture… C’est le sens du pacte mondial pour une sécurité humaine globale que j’ai mis en débat dans mon livre : « les raisons de la guerre en Ukraine, pour une sécurité humaine globale ». 
 
 
 
 
 
J’ai traité cette semaine de la montée dans l’échelle antirépublicaine des propos du directeur général de la police et de la question des prix de l’électricité.
 
 
Un cran de plus contre la République !

Dans ses déclarations publiées par Le Parisien daté du 24 juillet, le directeur général de la police nationale – épaulé par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui lui a apporté publiquement son soutien sur les réseaux sociaux – M. Frédéric Veaux remet en cause de front la décision du Parquet de Marseille de détention provisoire d’un policier soupçonné de violences policières. Celui-ci est placé est mis en examen et en détention provisoire au chef de « violences volontaires aggravées par les circonstances tirées de la réunion et de la qualité de leurs auteurs (personnes dépositaires de l’autorité publique) »

Cette saillie du plus haut responsable de l’administration policière soutenu par l’ancien ministre, préfet de police de Paris nous fait franchir un inquiétant et dangereux cap.

Tout démocrate aurait grand tort de sous-estimer les propos qui ont été tenus par cet officier. « Il faut, a-t-il ainsi affirmé, se donner les moyens techniques et judiciaires pour que ce fonctionnaire de police retrouve la liberté. (…) Avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail ; (…) lorsqu’un policier est dans l’exercice de sa mission, on doit admettre qu’il peut commettre des erreurs d’appréciation. » Autrement dit le directeur général de la police invoque une exception légale qui n’existe pas, propose de renoncer au principe d’égalité des citoyens devant la loi et induit l’idée de remplacer l’État de droit, par un état de police.

Des « erreurs d’appréciation » ? Jusqu’à mettre en cause la vie d’autrui ? Jusqu’à tuer à bout portant ? C’est la porte ouverte à tous les arbitraires ! Ces déclarations séditieuses ont reçu le bruyant soutien de Bruno Retailleau, des lepénistes et zemouriens de tout poil.

En aucun cas, ces mots n’auraient pu être prononcés sans l’aval du ministre de l'Intérieur en personne, Gérald Darmanin, et son cabinet s’est empressé d’informer la presse que le directeur général de la police nationale conservait « toute la confiance du ministre. ». Puis jeudi soir, il a dit lui-même son soutien. On peut d’ailleurs se demander jusqu’où est prêt à aller le ministre de l’Intérieur afin de se placer comme candidat incontournable de la prochaine élection présidentielle. Poursuit-il le chemin et l’exemple de son mentor M. Sarkozy ?

Il n’existe pas, sous la V République, de précédent en la matière de la part des deux plus hauts responsables de la hiérarchie policière, mettant publiquement en cause une décision de justice.

Ce qui est contesté par ces représentants de l'autorité publique, ce n’est ni plus ni moins que les principes généraux du droit inscrits dans notre constitution. C’est l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, qui consacre l’égalité de tous devant la loi, qui est ici bafouée ; autrement dit, un des piliers fondamentaux de l’État de droit démocratique.

Ainsi, les plus hauts responsables de la police, in persona grata, mettent dorénavant en cause la séparation des pouvoirs et la garantie d’égalité des citoyennes et citoyens devant la loi. Ils se comportent donc comme un énième pouvoir, qui se donne le droit (au mépris du droit) de contester ostensiblement les arrêts de la justice et, par voie de conséquence, l’élaboration des lois par les assemblées élues.

La dérive est donc très profonde, très inquiétante et, en un mot
, antirépublicaine. Elle est encore plus préoccupante, s’il s’avérait que le ministre de l’Intérieur utilisait la police pour son projet de carrière et pour sécuriser les milieux d’affaires inquiètes du rejet des politiques en sa faveur.

Déjà, lors de la fameuse manifestation policière du 19 mai 2021 devant l'Assemblée nationale, le slogan du syndicat Alliance était : « Le problème de la police, c’est la justice. » Mieux ou pire lors de cette manifestation le secrétaire du syndicat « unité-sgp police du département des Yvelines a clairement déclaré l’objectif de son syndicat : « Si cette mobilisation s’avère efficace et très forte, les digues cèderont, les digues c’est-à-dire les contraintes de la constitution ». Ajoutant : « une constitution c’est une contrainte ». Voilà, exposé avec clarté un projet de sédition. Et, tout récemment encore, un violent tract syndical traitait les jeunes des quartiers populaires de « nuisibles » et affirmait que les policiers étaient « au combat » et « en guerre » contre eux. Ceci au moment même où l’extrême droite organisait une collecte de fonds pour soutenir le policier qui a abattu le jeune Nahel à Nanterre.

Ainsi l’absence de réaction du pouvoir, les propos vaseux du président de la République, le silence puis la reprise textuelle des mots du président par la Première ministre, sans doute doublée par son ministre de l'Intérieur qui convoitait jusqu’à ces derniers jours son fauteuil, mais aussi les tweets emberlificotés du pourtant si prolixe habituellement ministre de la Justice et enfin, surtout, l’absence de sanctions favorise une escalade qui fragilise la République.

Au point où nous en sommes, ce n’est plus désormais du seul rapport entre la police et la justice qu’il s’agit, mais bien du rapport entre la police et le pouvoir exécutif. Celui-ci se refusant à rappeler à l’ordre et au principe intangible de la séparation des pouvoirs un corps de police qui lui sert de plus en plus à défendre des décisions politiques antisociales et anti-écologiques, dans le cadre de conditions de travail toujours plus dégradées pour les policiers eux-mêmes.

Il est plus qu’urgent de refonder les missions de la police pour créer une police de la sûreté et de la tranquillité publique.

Dans l’immédiat, il est de la responsabilité du pouvoir, avec les assemblées élues, de faire respecter les principes républicains dans la police même, et de sanctionner sa haute administration qui menace, à présent, ni plus ni moins que l’État de droit.

Face aux dangers qui pointent, tous les démocrates, tous les républicains doivent se serrer les coudes, les forces de gauche comme l’ont fait les parlementaires de La NUPES doivent ensemble appeler au sursaut pour que vive la République sociale, laïque, démocratique. Ensemble il convient de faire vivre l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen qui stipule que « la force publique » est « instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est conférée ».
 
 
Le capitalisme, c'est l’arnaque plus… l’électricité

Avec l’augmentation du prix de l’électricité, ce 1er août, les ménages, les petites entreprises, les paysans auront subi une majoration cumulée de 31 % du coût de leur courant électrique durant l’année. Du haut de son mépris, le pouvoir considère que nous devrions nous estimer heureux car les tarifs auraient pu augmenter de... 75 %. Diantre ! Comment cela est-il possible alors que les coûts de production ont tendance à baisser ?

En même temps que cette hausse, le gouvernement décide de supprimer ce qu’il avait baptisé le « bouclier tarifaire ». Curieux. Dans son petit précis de petite politique pour les nuls, lors de la réunion du Conseil des ministres rafraîchi du 21 juillet, le président de la République n’en a pas soufflé mot. Lors de son entretien télévisé du 24 juillet, il nous a raconté une fable sur les centrales nucléaires qui permettraient de baisser les prix. Nous ne manquons ni de centrales, ni d’électricité et les prix montent Monsieur le Président ! Et, pour cause : le même gouvernement, par la voix de B. Le Maire, a participé le 13 juillet dernier à la prise de décision des ministres des Finances de l’Union européenne décidant de supprimer tous les mécanismes budgétaires de soutien permettant de lutter contre les effets de la flambée des prix de l’énergie.

Pourquoi une telle décision ? Pour obéir aux injonctions de la Banque centrale européenne (BCE) qui insiste pour revenir aux fameux critères du traité de Maastricht de réduction des déficits publics et de la dette, et prétendre ainsi lutter contre l’inflation. Il ne reste guère qu’Ubu pour affirmer sans ciller qu’afin de lutter contre l’inflation, il faudrait laisser augmenter les prix !

Dans une Europe démocratisée, ce ne serait pas la banque centrale qui donnerait des ordres aux ministres, mais le contraire. Le pouvoir qui prépare le budget 2024 considère que les temps sont venus de serrer toutes les vis sauf celles des cadeaux au grand patronat. Le projet est de réaliser sur ce chapitre de 19 à 29 milliards d’euros d’économies.

Pour aider à faire passer l’amère pilule, la Commission de régulation de l’énergie (CRE1), qui détient le monopole de la fixation du prix « théorique de l’électricité », explique qu’il faudrait augmenter les prix de 74 %2. C’est une manière de faire valoir la générosité du gouvernement. Voilà une belle arnaque !

En effet, une fois déduite la programmation du remboursement des investissements réalisés par EDF et l’État, la production d’électricité se calcule à coûts fixes. Or, la France produit 80 % de l’électricité qu’elle consomme. Puisque les tarifs sont toujours au-dessus de la moyenne de ces coûts fixes de production, pourquoi faudrait-il alors les augmenter dans de telles proportions ?

On ne peut comprendre la situation sans se souvenir de l’opération décidée lors de l’acceptation en 1996, à Bruxelles, par le gouvernement français de l’« ouverture du marché » de l’électricité. Le gouvernement de l’époque instaure une disposition permettant aux nouvelles entreprises, en général non productrices d’énergie, mais fournisseuses d’électricité, de disposer d’une partie de la production électrique nucléaire produite par EDF, afin de les placer sur « un pied d’égalité » avec l’entreprise publique. Le nom barbare de ce dispositif : l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh).

Ceci se fait au nom du sacro-saint dogme de « l’économie de marché où la concurrence est libre et non faussée ». Un marché juteux s’est alors ouvert pour des entreprises fournisseuses d’électricité qui se sont multipliées comme des petits pains, souvent logées dans de grands groupes pétroliers ou financiers.

Rendez-vous compte : l’équivalent du quart de la production électrique nucléaire d’EDF leur est réservé au prix de 42 € par mégawattheure (MWh) qu’ils revendront de 6 à 10 fois plus cher. Comble de l’absurdité capitaliste pour le commun des mortels : sous la pression de ces mêmes fournisseurs privés – qui ne sont en réalité que des intermédiaires – la fameuse Commission de régulation de l’énergie décide de considérer EDF, productrice essentielle de notre électricité, comme un « fournisseur » comme un autre. En conséquence, l’entreprise nationale doit répercuter dans ses tarifs réglementés un coût d’achat « théorique » de sa propre production.

Et pour que l’ubuesque tableau soit complet, c’est cette même CRE qui détermine le légendaire prix théorique – non pas, à partir des cours moyens annuels des prix de gros de l’électricité, mais en prenant seulement les références des cours du mois précédent de décembre, c’est-à-dire au moment où la demande est la plus élevée. Voilà les charmes discrets du concept de « concurrence libre » et prétendument « non faussée ».

Dès la fin de l’année 2021, alors que les prix de l’électricité sur le marché de gros commençaient à monter, tous les fournisseurs privés se sont précipités sur le dispositif Arenh pour demander à disposer de plus d’électricité. Ce qui leur fut accordé. Comme cela eut lieu au moment où EDF était contrainte d’arrêter plusieurs réacteurs nucléaires en raison de corrosions détectées, la spéculation s’est envolée sur ce « marché de gros ».

La CRE refuse de tenir compte de cet événement exceptionnel et maintient le prix dit théorique à un haut niveau. Imaginons le montant de la plus-value pour ces entreprises privées fournisseuses d’un bien (qui devrait être commun) qu’elles ne produisent pas ! Elles achètent, depuis des mois, de l’électricité à 46,2 € /MWh pour les revendre entre 500 et 800 €. De surcroît, le rapport parlementaire3 à l’initiative du sénateur communiste Fabien Gay et de sa collègue LR, Dominique Estrosi-Sassone, révèle que plus de 72 fournisseurs ont abusé du dispositif Arenh. Ajoutons qu’EDF, qui a eu besoin d’acheter de l’électricité à la suite des pannes dans son parc nucléaire, a dû débourser 256 € MWh – mais pour le revendre aux alentours de 46 €.

Et l’essentiel de l’argent permettant d’instaurer le bouclier tarifaire est reversé en priorité aux fournisseurs privés pour compenser leur « manque à gagner » du fait du gel des tarifs. Cette compensation, estimée à 11 milliards d’euros en 2022 et qui pourrait atteindre plus de 20 milliards d’euros en 2023, est censée être reversée aux usagers sous forme de baisses de facture.

L’usager paie, ou plutôt perd, donc deux fois. Une fois en payant les lourds investissements d’EDF avec les frais financiers qui les accompagnent. Une seconde fois, sous forme d’impôts, pour financer les opérateurs privés qui spéculent sur les prix de l’électricité. C’est ce que les économistes de cour, avec leur ton de « sachants », appellent le « marché ».

Tel est le niveau de créativité capitaliste pour détruire le fleuron de l’électricité, créée à la Libération par le communiste Marcel Paul.

Il est temps, pour la France, de faire du combat pour la sortie de l’électricité du marché unique européen, voire de sa refonte complète, une priorité. Cela se joue dans des luttes rassemblant usagers et agents d’EDF. Très nombreuses et nombreux, aujourd’hui loin des sphères syndicales ou communistes, seraient prêts à se joindre à un mouvement contre l’absurdité capitaliste dans le secteur de l’énergie.

Car ce que notre siècle pose avec force, c’est la question fondamentale de faire de l’électricité un bien commun, en lançant un processus de réappropriation sociale, citoyenne et démocratique d’EDF, gérée selon les critères de l’intérêt général, humains et écologiques.

(1) Autorité administrative indépendante française, créée en 2000, chargée de « veiller au bon fonctionnement du marché de l’énergie et d’arbitrer les différends entre les utilisateurs et les divers exploitants, en suivant les objectifs de la politique énergétique ».
(2) Délibération du 29 juin 2023 à lire ici
(3) Dominique Estrosi-Sassone, Fabien Gay (rapporteurs), « Conditions d’utilisation de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique », Rapport d’information n° 833 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023. À consulter sur le site web du Sénat. Voir aussi vidéo de Fabien gay sur ses réseaux et sur public-Sénat
 
 
En vous souhaitant une bonne semaine et un bel été, je vous adresse mes amicales salutations.

Patrick le Hyaric
 
 
 
 
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