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mardi 11 décembre 2018

Macron affine sa stratégie pour les Européennes - le 9.11.2018



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A Pompey, en Meurthe-et-Moselle, le 5 novembre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »
 Le chef de l’Etat ne veut pas s’en tenir au duel progressistes- nationalistes
 Désormais, il pourfend une Europe « devenue trop ultralibérale »
Sur l’Europe, la coopération Paris-Berlin est au point mort
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SCRUTIN DU 26 MAI 2019
Européennes : Macron ajuste ses plans
Emmanuel Macron, à Strasbourg, le 4 novembre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/ FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
Le chef de l’Etat ne veut pas s’en tenir au duel progressistes-nationalistes et compte pourfendre une Europe devenue « trop ultralibérale »
C’est son leitmotiv. A près de six mois des élections européennes, Emmanuel Macron tente plus que jamais de résumer l’enjeu du scrutin du 26 mai 2019 à un duel entre les « progressistes » et les « nationalistes ». Le président de la République veut fédérer les pro-européens contre les forces d’extrême droite du Vieux Continent (la Française Marine Le Pen, le Hongrois Viktor Orban et l’Italien Matteo Salvini).
« A-t-on oublié quel est le parti qui a gagné les dernières élections européennes en France ? Le Front national[rebaptisé Rassemblement national, RN]. J’espère qu’il ne gagnera pas », a-t-il affirmé le 6 novembre, sur Europe 1. Pour contrer la vague populiste, il a même dramatisé l’enjeu européen ces derniers jours, en dressant un parallèle entre la période actuelle et celle de l’entre-deux-guerres. « Il faut se souvenir de la précarité de la paix », a-t-il souligné jeudi 8 novembre, lors d’un entretien sur France 3.
Dans l’opposition, la vision binaire de M. Macron est vivement contestée. Surtout au sein des anciens partis de gouvernement, qui s’y retrouvent de fait marginalisés. Mercredi, sur France Inter, le président des Républicains (LR), Laurent Wauquiez, a accusé le chef de l’Etat de suivre « une stratégie terriblement cynique consistant à dire “c’est moi ou le chaos” ». Même constat du côté du PS, où l’on dénonce une volonté de « faire de cette élection un référendum entre deux conceptions extrêmes et simplistes de l’Europe ».
Mais le clivage présidentiel est aussi jugé « réducteur » jusqu’au sein de la majorité. Le MoDem, qui fait pourtant figure de principal allié de La République en marche (LRM) pour les Européennes, a récemment pris ses distances avec« un comportement binaire », jugeant que « le clivage Orban-Macron » n’était « pas un clivage national ».

« Réponses concrètes »

Même au sein de LRM, l’approche élyséenne ne fait pas l’unanimité. Philippe Grangeon, patron par intérim du parti et proche du chef de l’Etat, a lui-même mis en garde contre la « tendance à réduire le challenge européen au clivage progressistes contre nationalistes », lors d’un colloque sur le progressisme, le 20 octobre, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).
Malgré ces réserves, M. Macron n’entend pas changer de discours, selon son entourage. « Ce clivage entre les progressistes, qui veulent poursuivre la construction européenne, et les nationalistes, qui veulent la défaire, existe de fait en Europe, tranche Pieyre-Alexandre Anglade, député LRM des Français de l’étranger et « M. Europe » de la Macronie. Avec la poussée identitaire sur le continent, ce clivage va perdurer. Il serait donc dangereux de le nier. »
En réalité, d’après ses proches, la tactique du chef de l’Etat serait « plus complexe » et conçue en deux temps : d’abord installer le clivage progressistes-nationalistes dans le débat pour imposer sa propre vision en toile de fond ; puis élargir son discours en formulant des propositions précises à partir de début 2019, lorsque la campagne sera vraiment lancée. « Notre campagne ne se cantonnera pas à un slogan, assure un conseiller de l’Elysée. Nous apporterons également des réponses concrètes aux Français sur les sujets européens, telles l’immigration, la défense ou les institutions. »
M. Macron entend notamment mettre la « souveraineté » au cœur de la campagne pour ne pas laisser ce thème aux oppositions de droite et d’extrême droite. Et se faire le porte-drapeau d’une « Europe qui protège », au point detendre la main aux électeurs tentés par les extrêmes, en disant comprendre leur « colère » face à une Europe « devenue trop ultralibérale ».

Situation inquiétante

Si le président est à l’initiative, son parti n’a toujours pas identifié sa tête de liste. Un nom circule toutefois de plus en plus en interne : celui de Pascal Canfin. Le directeur général du WWF France, qui était pressenti pour succéder à Nicolas Hulot au ministère de l’écologie, est présenté comme un « bon profil », en tant qu’« ex-ministre, ex-député européen, et de sensibilité écologiste affirmée ». Le nom de l’ex-journaliste de France Inter Bernard Guetta revient également avec insistance pour figurer sur la liste. Une hypothèse que ce dernier ne confirme pas, sans l’exclure non plus. « Si on me le propose, j’y réfléchirai », explique-t-il.
Le parti s’active pour dénicher les 79 candidats de la liste, qui doivent être présentés en janvier 2019. La première réunion de la commission d’investiture de LRM, consacrée aux européennes, a eu lieu jeudi 8 novembre.
L’objectif est de rassembler large, au-delà du noyau dur formé par LRM et le MoDem. Les juppéistes du parti de centre-droit Agir font figure de cibles prioritaires. Pour mener ces négociations et mettre en musique la stratégie de la majorité, Stéphane Séjourné, qui était jusque-là conseiller à l’Elysée, a été nommé directeur de la campagne, le 29 octobre. En parallèle, Pieyre-Alexandre Anglade mène des discussions avec des partis pro-européens afin de trouver de futurs alliés pour former un groupe au Parlement européen.
Dans les intentions de vote, la situation devient inquiétante pour la majorité. Donnée largement gagnante du scrutin il y a plusieurs mois, la liste LRM-MoDem ne cesse de reculer, à mesure que la popularité du chef de l’Etat chute dans les sondages. Au point d’être devancée depuis peu par la liste du RN. De quoi renforcer les craintes de certains macronistes, qui redoutent de voir ces élections de mi-mandat se transformer en vote sanction contre la politique du gouvernement.

Stéphane Séjourné quitte l’Elysée pour le parti
Ce conseiller du chef de l’Etat va diriger la campagne européenne de La République en marche
PROFIL
Il est aussi influent auprès d’Emmanuel Macron qu’inconnu du grand public. Et il a décidé de passer de l’ombre à la lumière. Stéphane Séjourné, qui occupait le rôle de conseiller politique du chef de l’Etat depuis le début du quinquennat, va diriger la campagne des élections européennes de La République en marche (LRM). Toujours pour le compte de celui avec lequel il confie entretenir « un fort lien de confiance réciproque »« Le président de la République me l’a proposé et j’ai accepté car c’est une mission importante. La question européenne va déterminer la suite du quinquennat », explique-t-il au Monde.
A 33 ans, cet homme discret qui a toujours fui les médias quittera donc prochainement l’Elysée pour s’installer au siège de LRM. Avec la mission d’organiser la campagne pour le scrutin du 26 mai 2019. « Il devra professionnaliser le dispositif », résume un pilier du parti. Il sera chargé de bâtir la ligne politique en lien avec l’Elysée, de séquencer la campagne et de recruter des permanents au siège.
Mais son rôle principal sera le même qu’à l’Elysée : faire l’interface entre M. Macron et les élus, et mener les négociations pour des alliances avec les potentiels partenaires de LRM. « Nous avons vocation à fédérer tous ceux qui croient en l’Europe et veulent la changer », explique-t-il. Pour l’instant, le MoDem est décidé à mener campagne aux côtés des troupes macronistes. Mais il reste à trouver un accord avec les juppéistes du parti de centre droit Agir. Et à convaincre les centristes de l’UDI de ne pas se lancer de manière autonome.
Stéphane Séjourné a l’habitude des missions délicates. Réputé pour sa « connaissance fine des élus », il a déjà joué ce rôle d’intermédiaire lors de la consultation des formations d’opposition sur la révision constitutionnelle ou la fixation des dates d’élection. En le choisissant, M. Macron envoie donc un signal en direction de ses potentiels alliés. « Mon arrivée montre qu’on veut avancer en rassemblant largement, décrypte M. Séjourné. L’idée est d’avoir quelqu’un qui puisse parler à l’ensemble des partenaires politiques. »

La « bande de Poitiers »

Ce spécialiste de la carte électorale a rejoint Emmanuel Macron en 2014, devenant son conseiller parlementaire alors que celui-ci était ministre de l’économie. Durant la campagne présidentielle, il a joué le rôle de DRH de la Macronie, en s’occupant de sélectionner les futurs candidats d’En marche ! aux législatives, en tandem avec Jean-Paul Delevoye.
Lui-même est proche des députés LRM Pierre Person, Sacha Houlié, Aurélien Taché et Guillaume Chiche, avec lesquels il a mené ses premiers combats politiques. En 2006, alors membres du Mouvement des jeunes socialistes, ils avaient bloqué l’université de Poitiers pour s’opposer au contrat première embauche. D’où l’appellation de « bande de Poitiers » qui en est restée. Diplômé de droit, Stéphane Séjourné avait alors été repéré par le socialiste Jean-Christophe Cambadélis, à l’époque lieutenant de Dominique Strauss-Kahn, avant d’intégrer l’équipe de Jean-Paul Huchon au conseil régional d’Ile-de-France en 2012.
Le conseiller de l’ombre semble prêt à entamer une carrière d’élu en se présentant aux européennes : « Je serai candidat à la candidature. » Mais il assure que « la décision revient à la commission d’investiture de LRM ». Au-delà du combat à mener en France, il entend « européaniser cette campagne ». « Il faut que les électeurs en aient une perception européenne », soutient-il. Pas question de donner un caractère national à ce scrutin. Au risque qu’une éventuelle contre-performance de son camp soit interprétée ensuite comme un vote sanction à l’encontre du chef de l’Etat.

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