Translate

mardi 11 décembre 2018

Etats-Unis - Europe : histoire d’un divorce - le 9.11.2018


https://www.lemonde.fr/

Etats-Unis - Europe : histoire d’un divorce
 Donald Trump doit assister, dimanche, à Paris, aux cérémonies du centenaire de l’armistice de 1918 qui réuniront une soixantaine de chefs d’Etat
 A l’occasion de la venue du président américain en France, « Le Monde » consacre une série en trois volets à la crise des relations transatlantiques
 Le premier volet porte sur la lente prise de conscience des Européens de la difficulté à maintenir le lien avec les Etats-Unis, allié historique
 Angela Merkel, Theresa May, Emmanuel Macron ont eu beau adopter des stratégies différentes, rien n’y a fait

Tensions de famille en Occident
Le président américain, Donald Trump, à la Maison Blanche avec la chancelière allemande, Angela Merkel, le 17 mars 2017 (à gauche), avec le président français, Emmanuel Macron, le 24 avril (en haut), et avec la première ministre britannique, Theresa May, le 27 janvier 2017 (ci-dessus). PAT BENIC/PICTURE-ALLIANCE/DPA/AP IMAGES, LUDOVIC MARIN/AFP, KEVIN LAMARQUE/REUTERS
LE DIVORCE ÉTATS-UNIS - EUROPE 1|3A l’occasion de la venue de Donald Trump en France, le 11-Novembre, « Le Monde » consacre une série d’articles à la crise des relations transatlantiques. Aujourd’hui, la prise de conscience progressive, par les Européens, de la difficulté à maintenir le lien avec cet allié historique
BERLIN, BRUXELLES, VARSOVIE, LONDRES- envoyée spéciale
Ils étaient trois, comme les rois mages, sans or ni encens, mais avec une furieuse envie de s’épancher en arrivant à Paris, ce lundi 9 avril. Six jours plus tôt, les présidents des trois Républiques baltes se trouvaient à Washington, où ils avaient été reçus par le président d’un grand pays pour lequel la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, libérées en 1991 du joug soviétique, n’ont que gratitude et admiration. Pourtant, lorsque Emmanuel Macron les accueillit à l’Elysée pour déjeuner, se souvient un haut responsable présent, ils étaient encore « traumatisés » par leur rencontre avec Donald Trump.
Il y avait là Dalia Grybauskaite, la présidente lituanienne. Forte femme, polyglotte, ceinture noire de karaté, elle a connu l’Union soviétique de l’intérieur, comme membre du parti. A ses côtés, Raimonds Vejonis, son homologue letton ; premier membre d’un parti vert élu chef d’Etat dans un pays de l’Union européenne, il a aussi été ministre de la défense. Et enfin, fermant la marche, la benjamine, Kersti Kaljulaid, brillante et dynamique présidente estonienne.
Leur traumatisme n’émanait pas tant de la rituelle conférence de presse tenue avec Donald Trump à la Maison Blanche ; ce dernier y avait, sans surprise, rendu hommage à ces pays « travailleurs », peuplés de « gens formidables », où les journalistes, contrairement à leurs confrères américains, ne produisent pas de « fake news ». Le plus dur, confièrent-ils à leur hôte français ce lundi d’avril, fut l’entretien qui avait précédé cette conférence et que M. Trump ouvrit en leur attribuant la responsabilité de la guerre de Yougoslavie. Il leur fallut quelques instants pour réaliser que « Baltes » et « Balkans » s’étaient mélangés dans l’esprit du président américain, apparemment peu instruit en la matière par sa femme, Melania, pourtant originaire de l’ex-Yougoslavie.
Ce n’était pas tout. Donald Trump leur reprocha encore de ne pas dépenser assez pour leur défense – alors qu’ils font plutôt partie des bons élèves de l’OTAN. Il leur dit tout le mal qu’il pense de Nord Stream 2, le gazoduc en construction sous la mer Baltique pour acheminer du gaz russe en Allemagne – alors que les Etats baltes ne participent pas au projet. Enfin, il leur demanda de se montrer plus conciliants avec leur voisin russe, au nom de l’amélioration des relations avec Moscou – alors que les trois petites Républiques sont en première ligne face à la menace russe.

Le syndrome du somnambulisme

Les présidents baltes doivent retrouver Donald Trump à Paris dans quelques jours, parmi la soixantaine de chefs d’Etat invités à commémorer l’armistice du 11 novembre 1918. Un siècle après la Grande Guerre, l’atmosphère, en cette fin 2018, est étrange. Si tous les Européens ne sont pas aussi francophiles que les dirigeants baltes, tous, en revanche, sont inquiets. Remis au goût du jour il y a cinq ans par un historien de Cambridge, Christopher Clark, le syndrome du somnambulisme a gagné le vocabulaire géostratégique. Christopher Clark est l’auteur d’un livre passionnant, publié à la veille du centenaire du début de la première guerre mondiale, Les Somnambules (Flammarion, 2013), dont la chancelière Angela Merkel a recommandé la lecture à ses ministres ; ce récit des rivalités des puissances européennes et de leur inexorable marche vers une guerre catastrophique est devenu un best-seller international.
Le président Macron aime, lui aussi, conjurer les somnambules lorsqu’il veut lancer des mises en garde contre la montée des nationalismes en Europe. De l’autre côté de l’Atlantique, un politologue américain, Robert Kagan, qui s’est fait un nom il y a quinze ans en comparant, au moment de l’invasion américaine en Irak, les Etats-Unis à Mars et l’Europe à Vénus, utilise également la métaphore du somnambule pour sonner le tocsin sur la politique étrangère de Donald Trump : les guerres commerciales ont souvent été les signes précurseurs de guerres plus meurtrières, rappelle-t-il dans un livre tout juste publié sur le rôle des Etats-Unis dans le monde, ou plus exactement sur le rôle qu’ils ont cessé de jouer. The Jungle Grows Back (« la jungle repousse », non traduit) : c’est le titre du livre et c’est aussi, d’après Kagan, ce qui se passe lorsque la puissance qui servait de garant à l’ordre mondial qu’elle a façonné s’en retire.
Voilà les pensées noires que l’on nourrit, à l’automne 2018, au sein des élites européennes et américaines, dégrisées de l’euphorie de la dernière décennie du XXe siècle, lorsque la fin de la guerre froide voyait triompher la démocratie libérale et l’ouverture des marchés mondiaux. Un homme cristallise ce retournement, aux yeux des Européens : Donald Trump. C’est le paradoxe de ce centenaire : la famille transatlantique se brise et le responsable du divorce est celui qui est considéré comme le chef de la famille – le président des Etats-Unis.
« Ce président est la négation d’une politique qui a été celle de l’Alliance atlantique occidentale, analyse sobrement, dans son bureau voisin du Reichstag, à Berlin, le député CDU Norbert Röttgen, président de la commission des affaires étrangères du Bundestag. Il nous place dans un état d’insécurité, de crise. Nous touchons à la fin d’un cycle historique, celui de l’après-deuxième guerre mondiale. »

« Who’s next ? »

Faire la tournée, en ce moment, des principales capitales européennes, c’est recueillir la complainte des grands blessés, orphelins et gueules cassées de l’Alliance atlantique. Comme toujours dans ces retournements, certains ont plus à perdre que d’autres ; quelques-uns pensent même faire d’une crise une opportunité. L’inquiétude est générale, mais les divergences sur l’avenir profondes.
Comment en est-on arrivé là ? Cette prise de conscience d’un bouleversement majeur dans l’étroite relation Europe-Etats-Unis ne s’est pas faite du jour au lendemain. Les signes avant-coureurs ont été sous-estimés. En réalité, le repli américain avait déjà été amorcé par le président Barack Obama, tirant les leçons du fiasco des aventures moyen-orientales de son prédécesseur, George W. Bush, au début des années 2000, « pivotant » vers l’Asie et annonçant, dès son arrivée au pouvoir, en 2009, que le temps était venu de « faire du nation-building chez [eux] », plutôt qu’à l’extérieur. N’était-ce pas ce même Barack Obama qui se contentait de « diriger depuis l’arrière », derrière la France et la Grande-Bretagne, l’opération libyenne en 2011 ? N’était-ce pas ce président, adulé en Europe, qui reprochait à ses alliés d’être des « free riders », des passagers clandestins protégés aux frais du contribuable américain ? Un partage du fardeau plus équitable n’était-il pas déjà le sujet central du sommet de l’OTAN en 2014 ? Le monde changeait, mais Oncle Sam gardait le sourire et Angela Merkel était sa meilleure amie.
L’éloignement des Etats-Unis de l’Europe « est antérieur à Trump, confirme Claudia Major, experte des questions de sécurité à la fondation SWP, à Berlin. Ce qui est nouveau avec ce président, c’est qu’il ne partage plus les mêmes valeurs. La relation fusionnelle entre l’Europe et les Etats-Unis, c’est fini ». Ce qui est nouveau aussi, c’est l’abandon par la première puissance mondiale du multilatéralisme qui régit les relations internationales, en faveur du chacun pour soi. L’ancien premier ministre suédois Carl Bildt s’en est alarmé il y a trois semaines, dans un discours à Berlin : « Un monde d’Etats souverains engagés dans une féroce compétition, à peine liés par des règles ou un ordre communs, a-t-il dit, c’est quelque chose à quoi l’Europe s’est essayée dans son histoire, toujours avec le même résultat catastrophique. Pour nous, cela ne ressemble pas au chemin de la paix. Cela ressemble au chemin de la guerre. »
Mais, avant d’arriver à ce constat dramatique, les Européens ont espéré. Espéré qu’après l’orgie de démagogie de la campagne électorale de 2016, Donald Trump endosserait les habits présidentiels et rentrerait dans le rang. Détrompés, ils ont espéré que des « adultes », dans son entourage, prendraient le dessus. Et ils ont essayé de naviguer dans le chaos de la première année du mandat Trump, en espérant, toujours, que la tempête soit passagère.

Du mépris à l’hostilité

Chacun a choisi sa tactique d’approche face à cet incroyable nouveau locataire de la Maison Blanche, la tâche la plus délicate incombant à la chancelière allemande : « C’est à elle qu’Obama avait remis le flambeau du monde libre, explique Ulrich Speck, chercheur au German Marshall Fund. Donc Trump la déteste, d’autant plus qu’elle incarne tout ce qu’il a en horreur : le climat, l’immigration, les excédents commerciaux… » A ce passif déjà lourd, Angela Merkel ajoute un handicap supplémentaire aux yeux du dirigeant américain, qui ne deviendra évident que plus tard : celui d’être une femme. Elle partage cette caractéristique, ainsi que celle d’être fille de pasteur, avec la Britannique Theresa May, qui, « relation spéciale » anglo-américaine oblige, est la première à débarquer à Washington, une semaine à peine après l’investiture de Donald Trump, en janvier 2017.
Ce jour-là, celui-ci est tout sourire et la prend ostensiblement par la main pour longer la roseraie de la Maison Blanche, mais rien ne sortira de cette visite. Pas plus qu’il ne sortira quoi que ce soit de celle, en mars, de Mme Merkel, sinon l’évidence de ce qui les sépare ; loin de prendre la main de la chancelière, le président Trump semble même refuser de la lui serrer devant les photographes (« un malentendu », dira-t-il). Emmanuel Macron n’est, à ce moment-là, que candidat, mais, une fois élu, il invite le couple Trump à Paris pour le 14-Juillet. Un coup de maître, pensent certains, tant Donald Trump se montre émerveillé. « Un coup assez unilatéral, critique l’expert allemand Josef Janning, du European Council on Foreign Relations. Macron est impatient, il tire toutes les ficelles ! » Mais un coup pour rien, ou presque. A ce stade, le président américain a déjà annoncé le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat et M. Macron ne le fait pas changer d’avis. « Merkel, résume l’Américaine Kori Schake, directrice adjointe de l’International Institute for Strategic Studies (IISS) à Londres, a choisi d’incarner les valeurs occidentales, de donner l’exemple de ce qu’elle considérait devoir être le comportement d’un président américain. May, [Shinzo] Abe [le premier ministre japonais], Macron, eux, ont essayé de jouer l’amitié avec Trump. Mais leurs amabilités ne leur ont pas rapporté plus que ce qu’a récolté Merkel, c’est-à-dire rien. »
Ce que ces premiers échanges, ainsi que les sommets du G7 en Italie puis de l’OTAN à Bruxelles, en mai 2017, ont permis aux Européens de constater, c’est la profonde incompréhension, doublée de mépris, du nouveau président américain à l’égard de l’Union européenne en tant qu’institution – « le consortium », dit-il. Il trouve le Brexit formidable et attend avec impatience que d’autres s’engouffrent dans la brèche. Ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’UE à Bruxelles du temps de Barack Obama, Anthony Gardner a quitté ses fonctions, comme il en a reçu l’ordre de la nouvelle administration, le 20 janvier 2017, « à midi, eastern time », jour de l’investiture de M. Trump. « Avant mon départ, raconte-t-il, Donald Trump a appelé Donald Tusk [le président du Conseil européen] et la seule question qu’il lui a posée a été : “Who’s next ?” Qui est le prochain à quitter l’Union ? »
Avec lui, il faut faire de la pédagogie, expliquer encore et encore qu’il ne peut pas négocier d’accords commerciaux bilatéraux avec Berlin, Rome ou même Londres, que cela relève de Bruxelles, dire pourquoi la France et l’Allemagne sont si intégrées, raconter l’Histoire, contredire les « fake news » qu’il propage lui-même sur la vie en Europe. « Mais pourquoi ne quittes-tu pas l’UE ? demande-t-il un jour à Emmanuel Macron, estomaqué, selon un diplomate présent. Je pourrais négocier un bon accord commercial avec toi ! » Ce mépris va peu à peu se transformer en hostilité ouverte pour le projet européen, au point de qualifier l’UE, en 2018, d’« adversaire ». De tout temps, « les Américainsont considéré qu’une Europe forte devait se conformer à leurs objectifs, observe un haut fonctionnaire à Paris, mais une opposition viscérale au projet en tant que tel, nous n’avions jamais connu ça ».
Donald Trump est convaincu que l’UE a été fondée pour « piller la tirelire » américaine. L’idée selon laquelle le système créé par les Etats-Unis joue désormais en leur défaveur, alors qu’il avantage les Européens, est profondément ancrée dans sa tête. Il fait une véritable fixation sur les exportations de voitures allemandes et ne supporte plus la vue d’une Mercedes sur la 5e Avenue de New York. Il l’a promis à ses électeurs : il faut en finir. Cela débouchera sur la décision d’imposer des droits de douane sur l’acier et l’aluminium « pour des raisons de sécurité nationale » et la menace, qui tétanise les Allemands, d’en ajouter sur les automobiles.
L’affaire la plus grave cependant, celle qui va ouvrir pour de bon les yeux des Européens, c’est l’accord sur le nucléaire iranien, que les experts appellent par son sigle, le JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action).

Savoir-faire diplomatique

Aboutissement de douze ans d’efforts, initiative européenne, cet accord est l’archétype de la diplomatie multilatérale. Il est signé le 14 juillet 2015 avec l’Iran par les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ainsi que par l’UE ; Téhéran consent à limiter son programme nucléaire et s’engage à renoncer à son versant militaire en échange de la levée des sanctions, ce qui lui ouvrira l’accès au marché mondial et lui permettra de faire repartir son économie. Les Européens ont investi dans cette négociation tout leur savoir-faire diplomatique, tout en étant conscients des imperfections de l’accord. Donald Trump, très attaché à défaire tout ce que son prédécesseur a fait, considère, lui, cet accord « horrible, horrible », comme « le pire que les Etats-Unis aient jamais conclu » et a juré de le dénoncer. Il fixe la date du 12 mai 2018 pour sa décision.
Les Européens – essentiellement les « E3 », Paris, Londres et Berlin – décident de se battre pour sauver l’accord. Des équipes de diplomates des trois pays travaillent d’arrache-pied, à partir de janvier, avec un haut fonctionnaire du département d’Etat, Brian Hook, afin de trouver des compromis acceptables à la fois pour la Maison Blanche et pour Téhéran. A Davos, fin janvier, Donald Trump invite à dîner une vingtaine de PDG de grandes entreprises européennes. Patrick Pouyanné, le patron de Total, qui a engagé des investissements en Iran, en fait partie. Lorsqu’il interroge le président sur l’avenir de l’accord sur le nucléaire, celui-ci passe la parole à son chef de la diplomatie, Rex Tillerson, qui expose aux convives une vision eurocompatible. Rien n’est perdu. Les diplomates continuent à travailler.
Le 24 avril, le président Macron arrive à Washington. C’est, comme disent les Américains, « a big affair » : une visite d’Etat de trois jours, pendant laquelle le couple Donald-Melania ne ménage pas ses efforts pour être à la hauteur de leur accueil en France l’année précédente. Emmanuel Macron est alors « au mieux de sa forme », relève un de ses collaborateurs, et se fait ovationner au Congrès par démocrates et républicains réunis. Un discours fort, très critique pour les positions de Donald Trump, qui n’en prend pas ombrage puisqu’il l’appelle un peu plus tard sur son portable pour le féliciter… Il est comme ça, Donald : il aime les « winners » et méprise les faibles.

« La gifle »

Mais, derrière les murs du bureau ovale, Macron essuie un échec : Donald Trump lui confirme qu’il va sortir du JCPOA. A vrai dire, le Français l’a compris en arrivant, mais il tente quand même son va-tout : au débotté, il propose une formule qui permettrait de construire au-dessus de l’accord sur le nucléaire un engagement à long terme sur les autres volets du différend entre les Iraniens et les Occidentaux et que Washington considère comme rédhibitoires. Il ne reste plus que deux semaines avant la date butoir ; Angela Merkel, puis Boris Johnson, alors chef de la diplomatie britannique, font le voyage à Washington sur les talons de M. Macron pour appuyer sa proposition, jouant loyalement la solidarité européenne. En vain. Donald Trump n’a que faire de leurs plaidoyers ; Israël, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont plus de poids à ses yeux.
Fin mars, il a opéré un changement important dans son équipe : deux des « adultes », le général H. R. McMaster, conseiller à la sécurité nationale, et le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, ont été remplacés respectivement par John Bolton et Mike Pompeo, deux « durs », très remontés contre l’Iran. Le 8 mai, Trump annonce le retrait américain de l’accord. Pis : non seulement Washington quitte l’accord, mais il entend empêcher ses partenaires de l’appliquer. Toute compagnie étrangère faisant des affaires avec ce pays s’exposera à des sanctions. L’ambassadeur américain à Berlin, Richard Grenell, intime l’ordre aux entreprises allemandes, dans un Tweet bien peu diplomatique, de quitter l’Iran sur-le-champ.
Cette fois, les Européens mesurent l’ampleur de la fracture avec les Etats-Unis. « A Berlin, la déception a été énorme, analyse Mme Major. Le JCPOA avait été un moment très fort, une fierté : on réussissait à gérer un problème de prolifération par la négociation multilatérale, grâce à un système basé sur des règles, et non sur la force. Son rejet par M. Trump a été une gifle. On a compris qu’on était en présence d’une crise systémique. »
Impuissante face au « privilège exorbitant » du dollar, selon l’expression de Valéry Giscard d’Estaing, l’Europe veut pourtant faire front, alors que ses multinationales, contraintes et forcées, quittent l’Iran. Le principe de l’extraterritorialité des sanctions américaines lui paraît désormais intolérable. Les « E3 » décident de travailler à un mécanisme qui leur permettrait de contourner les sanctions. Ce n’est pas pour demain, mais Washington réagit très mal à cette initiative, à laquelle John Bolton promet « des conséquences terribles ». L’affaire iranienne a été un tournant dans la relation transatlantique. A partir de là, les amabilités de façade vont céder la place à l’affrontement sur d’autres dossiers.
Prochain article : scènes de ménage à la table de l’Oncle Sam


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire