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mardi 11 décembre 2018

L’Etat grec et l’Eglise orthodoxe amorcent la refonte de leurs liens - le 9.11.2018

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L’Etat grec et l’Eglise orthodoxe amorcent la refonte de leurs liens
L’accord signé par Tsipras et Ieronymos confère plus d’« autonomie » au religieux
ATHÈNES -correspondance
Alexis Tsipras y voit un premier pas vers la séparation de l’Eglise orthodoxe et de l’Etat en Grèce, une de ses promesses électorales en 2015. A l’issue d’un long entretien, mardi 6 novembre, le premier ministre de gauche radicale et l’archevêque Ieronymos, chef de l’Eglise, sont parvenus à un accord jugé « bénéfique pour les deux parties » par le chef du gouvernement.
Depuis son arrivée au pouvoir, plusieurs décisions prises par M. Tsipras – qui n’a pas fait baptiser ses enfants, dans ce pays profondément religieux (la population est à 97 % orthodoxe) – ont choqué une partie des milieux ecclésiastiques  : la légalisation de l’union civile pour les couples homosexuels ou l’autorisation du placement d’enfants chez des couples homosexuels ont mis en cause les positions traditionnelles du clergé. Mais le premier ministre a toujours entretenu de bonnes relations avec l’archevêque Ieronymos, perçu comme plus progressiste que son prédécesseur et que certains métropolites (archevêques) grecs.
L’accord en quinze paragraphes tend à donner « plus d’autonomie à l’Eglise », selon le bureau du premier ministre. Un des points essentiels concerne le statut des membres du clergé, qui ne seront plus considérés comme des fonctionnaires payés par l’Etat, mais rémunérés par une caisse gérée de façon indépendante par l’Eglise.
L’Etat s’engage cependant à verser à l’Eglise une subvention annuelle équivalant aux salaires actuels du clergé, soit environ 200 millions d’euros.
Cette mesure a suscité le courroux des popes, qui disent ne pas avoir été associés à ces négociations. Dans un communiqué publié mercredi, le syndicat du clergé a d’ailleurs demandé l’annulation de cet accord : « Ceux qui n’ont pas voulu de nous comme interlocuteurs dans les négociations nous trouveront sur leur chemin. »
Selon Emmanuel Perselis, professeur émérite à l’université de théologie d’Athènes, plusieurs problèmes préoccupent les popes et les moines orthodoxes : « L’Eglise paiera directement le clergé mais comment cela va-t-il se faire concrètement ? Il n’y a aucune administration mise en place à cette fin et nous savons qu’en Grèce, créer une administration efficace n’est pas une tâche simple. » Les prêtres s’inquiètent aussi pour leur couverture sociale et leurs retraites.
Mais le gouvernement avance un argument de taille à quelques mois d’éventuelles élections législatives anticipées : « Dix mille places de fonctionnaires pourraient se libérer grâce à cet accord, pour donner la possibilité d’embaucher de nouvelles personnes afin de répondre aux besoins de l’Etat social, des médecins, des professeurs », a expliqué le porte-parole de l’exécutif, Dimitris Tzanakopoulos.

« Religion dominante »

Le compromis prévoit aussi la mise en place d’une « caisse de valorisation et de gestion du patrimoine de l’Eglise », afin de distinguer clairement les biens de l’Etat et ceux de l’Eglise. Pour M. Perselis, « c’est une avancée qui doit permettre aussi d’imposer de manière plus juste l’Eglise grecque, qui a souvent bénéficié d’exemptions fiscales ». Le Conseil d’Etat a abondé en ce sens mardi, affirmant que l’Eglise devait payer l’impôt foncier sur les biens qui ne sont pas des lieux de culte. L’accord devra être approuvé par le conseil des ministres et par le synode de l’Eglise grecque avant d’être voté au Parlement.
« C’est le début d’une discussion plus générale sur les relations entre l’Etat et l’Eglise en Grèce », estime M. Perselis. L’archevêque Ieronymos s’est déjà prononcé publiquement contre un « modèle à la française d’un Etat laïc », mais a déclaré vouloir réfléchir au système allemand où il n’y a pas de religion d’Etat, mais où le pouvoir politique a des partenariats avec les différentes instances religieuses reconnues, et les finance.
Le débat sur la réforme de la Constitution de 1975, qui doit s’ouvrir au Parlement le 14 novembre, sera aussi l’occasion de sonder les députés et la société sur cette question épineuse. En effet, M. Tsipras souhaite modifier l’article 3, qui définit comme « religion dominante » celle de l’Eglise grecque, et ancrer dans la loi fondamentale la notion d’un Etat « neutre religieusement ».
Le parti conservateur Nouvelle Démocratie, en tête des sondages, y est opposé. « La séparation de l’Eglise et de l’Etat n’est pas d’actualité. C’est un coup de communication de Syriza », le parti de M. Tsipras, a-t-il dénoncé mercredi, ajoutant : « Il n’est pas nécessaire d’engager un changement de la Constitution, et l’accord signé mardi en est la preuve. »

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