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samedi 8 décembre 2018

Carmignac Gestion soupçonné de fraude fiscale - le 8.11.2018


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Carmignac Gestion soupçonné de fraude fiscale
Edouard Carmignac, président de la société Carmignac Gestion, à Milan, en 2009.  VITTORIO ZUNINO CELOTTO/GETTY IMAGES/AFP
Le Parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire contre l’un des principaux gérants européens d’actifs
C’est l’un des fleurons de la gestion d’actifs financiers en France, et l’un des leaders sur son marché en Europe, avec plus de 60 milliards d’euros d’encours. Selon les informations du Monde, la société Carmignac Gestion est visée par une enquête du Parquet national financier (PNF), ouverte il y a seize mois, pour « fraude fiscale » et « blanchiment de fraude fiscale », après une plainte de l’administration fiscale. Sollicité, le PNF n’a pas souhaité faire de commentaire.
Selon nos sources, la justice s’intéresse de très près aux pratiques fiscales de la société créée par Edouard Carmignac, il y a près de trente ans, avec son partenaire en affaires, Eric Helderlé. Une entreprise indépendante détenue par ses dirigeants, gérants et salariés et dont l’objet est de faire fructifier le capital de clients dotés d’un solide patrimoine à investir, en leur proposant de placer leur argent dans des fonds.
L’enquête du PNF concerne notamment le mode de rémunération de certains de ses cadres, par le biais de montages financiers passant par le Luxembourg, où la société a implanté une filiale. Le fisc français conteste le choix de l’entreprise de payer ces salariés en dividendes, dans un pays à la fiscalité avantageuse, plutôt qu’en salaire afin de réduire leur charge d’impôts.
Une pratique très largement répandue dans les sociétés de gestion qui ont pour habitude de rémunérer leurs cadres dirigeants sous la forme d’actions gratuites, non seulement pour des raisons fiscales, mais aussi pour les associer à la performance de l’entreprise. Un débat contradictoire a cours entre les administrations fiscales françaises et luxembourgeoises au sujet de cette ingénierie financière et de ses implications, le fisc français étant, selon nos sources, en désaccord avec l’analyse du fisc luxembourgeois.

Sujet jugé sensible

Contacté, le groupe Carmignac fait savoir par la voix de son avocat, Me Jean Tamalet, qu’« il s’agit d’un débat fiscal technique qui n’aurait jamais dû être pénalisé. Il porte sur des pratiques autorisées qui concernent les années 2010 et 2011 et sur lesquelles le regard de l’administration fiscale française a évolué ». Me Tamalet précise que l’entreprise a fait l’objet d’un redressement fiscal qui a été entièrement réglé, même s’il est contesté et fait l’objet d’un contentieux toujours en cours. Se refusant à donner le montant de ce redressement, il précise cependant qu’il concerne « un pourcentage marginal des impôts payés par l’entreprise » et ajoute qu’« en aucun cas les intérêts des clients sont concernés ». Le conseil de Carmignac tient enfin à souligner que toutes les enquêtes ouvertes pour fraude fiscale le sont systématiquement aussi pour blanchiment de fraude fiscale.
De longue date dans le viseur des autorités fiscales françaises, le Luxembourg est connu pour ses pratiques passées de rescrits fiscaux ultra-favorables pour les multinationales – sortes d’accords permettant à ces entreprises de payer un impôt faible, voire nul, désormais combattus par Bruxelles. Il l’est moins pour les avantages de toutes sortes qu’il offre aux sociétés de gestion d’actifs et à leur fonds d’investissement (fiscalité avantageuse, facilités d’enregistrement, services associés, savoir-faire etc.). Aujourd’hui, le Grand-Duché est devenu un centre de domiciliation incontournable pour les banques, les compagnies d’assurances et les sociétés de gestion.
A ce jour, une douzaine d’auditions libres de cadres et d’anciens cadres de la société de gestion ont déjà été conduites. Mais aucune perquisition n’a encore eu lieu, de même qu’aucune audition des dirigeants ou des plus hauts cadres du groupe Carmignac n’a été menée. Le sujet est jugé sensible du fait de l’importance de la société dans le paysage de la gestion d’actifs européenne et, surtout, des possibles enjeux financiers.

« Attirer des talents »

En janvier 2013, la presse économique rapportait que Carmignac, l’un des acteurs majeurs de la gestion d’actifs en Europe, avait décidé de délocaliser au Luxembourg « une partie de ses équipes de gérants de Paris, ainsi que son directeur général adjoint, Eric Le Coz », et non pas à Londres, comme beaucoup de concurrents. « Carmignac détenait déjà une filiale au Luxembourg, spécialisée dans la gestion de fortune, rappelait Le Figaro du 22 janvier 2013. (…)Transformée en société de gestion à part entière, elle sera bientôt chargée de piloter, depuis le Luxembourg, certains fonds. » « Nous devons attirer des talents pour gérer nos fonds et pour cela, bien les rémunérer. Le contexte français n’est pas le plus propice pour atteindre cet objectif », déclarait l’associé de M. Carmignac, Eric Helderlé. Certaines sociétés de gestion françaises ont même vu leurs gérants, inquiets de l’alourdissement de la fiscalité dans l’Hexagone, exiger des rémunérations plus généreuses s’ils devaient rester en France. »
Sise sur la chic place Vendôme à Paris, Carmignac Gestion est présidée par son fondateur, Edouard Carmignac, un financier réputé qui détient la 64e fortune de France, selon le classement 2018 du magazine Challenges, avec un patrimoine de plus de 1,5 milliard d’euros. S’il cultive la discrétion quant à ses affaires comme l’exige son métier, le financier aime à créer l’événement dans la sphère culturelle : création d’un prix du photojournalisme en 2009, concert privé des Rolling Stones en 2012, ouverture d’une Villa Carmignac, consacrée à l’art contemporain, sur l’île de Porquerolles (Var), en juin… Une exposition à laquelle les époux Macron ont rendu une visite privée, le 15 août.
Edouard Carmignac a en outre fait l’objet de plusieurs portraits dans la presse, pour lesquels il a accepté de livrer quelques réflexions ou anecdotes personnelles. Ainsi, dans un entretien accordé au Monde lors de l’ouverture de sa fondation de Porquerolles, il déclarait que « la France est un pays où la réussite est mal vue, la finance également : j’ai tout pour plaire… ».

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