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mardi 27 juin 2017

Valls mélancolique

27 juin 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Valls mélancolique

Valls quitte le PS. Logique… Celui qui a inventé la théorie des deux gauches irréconciliables pouvait difficilement se réconcilier avec un PS passé dans l’opposition, alors même que les idées d’En Marche sont tout autant celles de Valls. C’est affaire de conviction, chose respectable. Valls ne croit plus au socialisme, ni comme idée, ni comme pratique : il rompt, infidèle à ses camarades et à son passé, mais fidèle à lui-même.
Il y a un peu plus de deux ans, c’est lui qui a rattrapé Macron, reparti vers le privé, pour en faire un ministre de l’Economie qui devait être son allié. La politique est ironique. Macron devenu maître de l’heure, et peut-être de la décennie, Valls doit se glisser en bout de table au banquet des marcheurs, seigneur déchu qui doit se contenter de la place du pauvre. Il quitte le parti de Jaurès pour celui d’un Lecanuet enfant, ou d’un Clemenceau assagi. Drôle de parcours.
Les erreurs d’analyse ont joué leur rôle. Il y a deux ans, Valls était persuadé qu’il fallait courir après les électeurs passés à droite, raisonnement autant sondagier que cohérent avec son tropisme idéologique. Las ! S’il est vrai que nombre d’électeurs étaient tentés par le réformisme pragmatique que Macron allait incarner avec éclat, il est dangereux en politique de faire litière de ses soutiens naturels. A force de trouver ses camarades trop à gauche, il s’est lui-même rejeté vers la droite. Premier ministre socialiste, Valls a heurté les socialistes, imposant à Hollande la déchéance de nationalité, erreur à la fois symbolique et grave, qui a mécontenté une base attachée aux valeurs d’ouverture. Puis il a insisté lourdement pour promouvoir la loi travail de Myriam El Khomri, qui allait fournir à la gauche de la gauche un thème en or, même si les dispositions finalement choisies étaient moins nuisibles que ce qu’en disaient les tracts vengeurs des Insoumis. Mitterrand sur ce point reste incontournable : avant de partir à la conquête des sceptiques, il faut consolider sa base. Valls a déconcerté sa base. Il croyait mordre sur la droite ; il a mordu sa gauche.
Il a oublié, en fait, les leçons de son maître Rocard. Réformiste, réaliste en économie, Michel Rocard n’oubliait jamais que le socialisme était aussi un rêve, celui d’une société réconciliée, nourrie des mille initiatives des citoyens, égalitaire mais libertaire, libertaire mais égalitaire. Certes le réalisme est un impératif catégorique - «les faits sont têtus», disait Lénine, comme Valls à son échelle. Mais sans l’idée d’un monde différent, qui tienne les promesses de l’égalité, ce réalisme-là tourne à vide ou bien rejoint le prosaïque pragmatisme des conservateurs.
Voilà un grand talent gâché. Bon orateur, homme d’action, sachant parler mais aussi décider, Valls se voyait en Clemenceau de la gauche nouvelle, patriote, laïque et progressiste, dont les avertissements sont salutaires. Il est ramené au sort d’un supplétif du macronisme. Dommage.

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LAURENT JOFFRIN
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