Translate

lundi 12 juin 2017

Raminagrobis Macron

12 juin 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Raminagrobis Macron

Il y a décidément un style «En Marche». Il fallait voir lundi soir les porte-parole macronistes réagir avec une retenue étudiée au tsunami qui va les porter en masse à l’Assemblée. Une manière impavide de dire «rien n’est joué» quand l’affaire est de toute évidence pliée, pas un mot plus haut que l’autre, un optimisme grave, une sorte de coolitude décidée, une main d’acier dans un gant de soie. Les leaders du nouveau parti dominant adoptent tous le comportement de ces héros de films d’action américain qui traversent les pires dangers avec une détermination décontractée, un sang-froid impavide mâtiné d’une touche d’humour. Steve Mac Queen dans les Sept mercenaires, zen sous les balles, ou Harrison Ford dans Indiana Jones qui se débarrasse d’un sabreur frénétique avec un sourire en coin. Tel Macron-John Wayne résistant avec un visage serein à la poignée de mains de Donald Trump-Liberty Valance. Ou encore comme ces médecins qui parlent doucement au chevet des malades, sur le thème «vous allez vous en sortir». Au chevet du pays, ils jouent eux aussi l’espoir tranquille, le professionnalisme sans esbroufe. Raminagrobis en politique.
Le style, c’est l’homme ? Les aphorismes sont souvent justes, la forme exprime aussi le fond. Longuement méditée, leur stratégie politique a produit des résultats supérieurs à leurs propres attentes. Dosé au trébuchet, leur programme se situe avec une précision obsessionnelle au lieu géométrique de la carte idéologique du pays, à l’intersection du centre droit et du centre gauche, avec un tropisme libéral assumé, destiné à gêner la droite, plus menaçante que la gauche dans cette élection. Quatre victoires dans quatre scrutins successifs (avec celui de dimanche prochain) ne tombent pas par hasard. Il est probable que cette positive-attitude, entreprenante, tolérante dans la forme et prudente dans le fond, a rencontré l’humeur du pays, fatigué des joutes agressives, des diatribes virulentes des extrêmes, des programmes sonores qu’on applique peu ou pas du tout.
«Nous ne cherchons pas à tirer parti des problèmes, nous cherchons des solutions». Tel est le mantra des nouveaux maîtres du pays, baignés pour moitié au moins dans le pragmatisme anglo-saxon de la culture d’entreprise. Il est possible qu’on assiste à une révolution tranquille qui verrait la France sortir peu à peu des affrontements amers, des trémolos stériles, du déclinisme déclinant des Cassandre à la Finkielkraut.
Tout dépendra bien sûr des résultats, qui sont le juge de paix du pragmatisme. Tout dépendra aussi des classes populaires, gagnées à la rhétorique «anti-système» et qui ont fourni les gros bataillons de l’abstention. Après tout, le macronisme est aussi le nouvel avatar des idées de la classe dirigeante, qui vient de réussir à tout changer pour que rien d’essentiel ne change. Sans une baisse significative du chômage, sans amélioration économique visible, tout cela passera comme un rêve. En attendant le verdict, il faut s’habituer au piétinement élégant des légions d’En Marche.

Et aussi

A Paris, au cœur du boboland, En Marche fait un carton. Mais dans les quartiers populaires de Lille c’est la même chose. Macron a réussi à fédérer autour de ses candidats les bobos et les prolos. Une mission qu’on pensait impossible. Encore une fois le sociologisme qui sert de viatique à tant de commentateurs est trompeur.
On souligne ici et là l’inconvénient grave qu’il y aurait à disposer à l’Assemblée d’une majorité écrasante. En Marche pourra compter, si les projections se confirment, sur environ 75% des députés. Victoire en stuc ? Pas tout à fait : plusieurs fois, sous la Ve, un seul courant a dominé de cette manière l’assemblée : en 1968 pour l’UDR, en 1981 pour la gauche, en 1993 pour la droite. A chaque fois ces majorités ont tenu plusieurs années, ni plus ni moins que les autres. L’idée séduisante d’un triomphe en trompe-l’œil ne résiste pas à l’examen.
Henri Guaino, sèchement battu à Paris, a remporté haut la main la palme du mauvais perdant. «L’électorat qui a voté aujourd’hui dans la 2ecirconscription de Paris est, à mes yeux, à vomir. Vous m’entendez bien, à vomir, a-t-il lâché sur BFM. Les bobos d’un côté, qui sont dans l’entre-soi de leur égoïsme, et […] cette espèce de bourgeoisie traditionnelle de droite, celle qui va à la messe, qui amène ses enfants au catéchisme et qui après vote pour un type qui pendant trente ans s’est arrangé, a triché par tous les moyens», a-t-il poursuivi, visant Fillon, député sortant de la circonscription qui ne s’est pas représenté. Henri Guaino juge cette droite «un peu pétainiste, vous savez, tous ces gens qui ont voté à la primaire de la droite… » Question : s’il méprise à ce point les électeurs, pourquoi a-t-il sollicité leurs suffrages ?
LAURENT JOFFRIN
Élections 2017
12.06.17Législatives : cinq choses à retenir sur l'échec du FN
12.06.17Le premier tour des législatives en 15 chiffres
12.06.17Résultats: LREM à plus de 32%, le PS à moins de 10%
12.06.17Législatives : retrouvez tous les candidats qualifiés pour le second tour
11.06.17Combien de candidats des grandes formations accèdent au second tour ?
Suivez l'actu en continuLE DIRECT

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire