Translate

mercredi 28 juin 2017

Moralisation et poujadisme

28 juin 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Moralisation et poujadisme

François de Rugy, nouveau président de l’Assemblée, veut réformer les règles qui organisent la vie parlementaire et le travail des élus. Fort bien : il y a beaucoup à faire dans ce domaine et l’image des élus s’est tellement dégradée avec le temps et les affaires qu’ils ne peuvent rester inertes. Rationalisation, moralisation, rabotage des privilèges accordés aux parlementaires, tout cela est bel et bon.
On doit néanmoins confesser un malaise : cette mise en question systématique de la représentation nationale finit par exhaler des relents inquiétants. Ce matin sur France Inter, de Rugy répondait aux auditeurs sur ce sujet. A écouter les interventions, on finissait par penser que le citoyen questionneur considérait les députés comme un vaste club de ripoux arrogants qu’il fallait impitoyablement traquer. Personne ne conteste qu’il y ait parmi eux des moutons noirs, indolents, absents ou douteusement rémunérés ailleurs. Faut-il demander pour autant l’abattage du troupeau ?
Rappelons quelques vérités : si les députés bénéficient d’une immunité judiciaire – partielle – que seul un vote peut lever, c’est pour éviter que l’exécutif, comme cela se voyait en d’autres temps, puisse faire pression sur eux par des moyens obliques et policiers. On dira que ce sont des pratiques d’un autre âge. Certes. Mais qui peut jurer qu’un ministre de l’Intérieur manœuvrier et quelque peu cynique n’usera jamais contre un adversaire de l’autorité qu’il exerce sur ses policiers, par exemple pour favoriser l’ouverture d’une enquête préliminaire dont le déclenchement public embarrassera grandement l’intéressé, qu’il soit ou non coupable ?
Depuis vingt ans, les mécanismes de contrôle ont été régulièrement renforcés, rendant les abus de plus en plus risqués. Un seul exemple : la création d’une «Haute autorité de la transparence» consécutive à l’affaire Cahuzac et les déclarations de patrimoine devenues obligatoires sont à l’origine de deux affaires spectaculaires qui ont brutalement perturbé la carrière des intéressés : l’affaire Thévenoud et l’affaire Fillon. Contrairement à l’idée souvent reçue, la moralisation ne cesse de progresser.
Il n’est pas illogique en démocratie de fournir aux élus les moyens de travailler correctement et de disposer d’un revenu comparable à celui d’un cadre supérieur. C’est le cas dans la plupart des démocraties (voir le statut des sénateurs américains…). Il s’agit à la fois de favoriser la qualité du travail législatif et – par réalisme – de limiter les tentations de corruption, qui augmenteraient beaucoup si le revenu des parlementaires était fixé trop bas.
Cela n’invalide en rien la nécessité de clarifier et de renforcer les règles appliquées aux élus. Mais l’état d’esprit sommairement inquisiteur qu’on sent poindre dans le débat public – et qui épargne si souvent le secteur privé - porte un nom dans la politique française : le poujadisme.

Et aussi

Front syndical ? La CGT récuse en bloc le processus de discussion lancé autour des ordonnances sur le Code du travail et annonce une journée de grève en septembre. La CFDT exige une réunion «multilatérale» avant de fixer sa position. FO estime que les consultations en cours «vont dans le bon sens». Les syndicats aussi divisés que les partis ?
Le décret autorisant les communes et les établissements à revenir à la semaine de quatre jours pour les écoliers est paru. Ainsi il apparaît que les enfants ne sont pas du tout les mêmes selon leur situation géographique. Selon qu’ils habitent un département ou un autre, une commune ou une autre, ils n’ont donc pas besoin du même rythme scolaire. Etrange, non ?
Le Figaro déterre la hache de guerre du «mariage pour tous». Dans un éditorial angoissé, il conjure le président de ne pas suivre l’avis du comité d’éthique, qui vient de se prononcer en faveur de l’extension de la PMA aux couples homosexuels et aux femmes seules. Il évoque un enjeu «anthropologique», et oppose le droit de l’enfant à celui des parents. Bizarrement, toutefois, il ne demande pas l’abrogation de la PMA pour les couples hétérosexuels stériles, qui existe depuis des lustres et met aussi en jeu le «droit de l’enfant» tel que le conçoit le journal. C’est donc bien son extension aux homosexuels qui heurte le Figaro et non son existence en soi. Droit de l’enfant ou discrimination ?
LAURENT JOFFRIN
Élections 2017
27.06.17François de Rugy élu président de l'Assemblée nationale
27.06.17Sans papiers socialistes, Valls régularisé par Macron
27.06.17François de Rugy, de la Loire-Atlantique au perchoir
27.06.17Manuel Valls : «Je quitte le Parti socialiste»
27.06.17A quoi sert le président de l'Assemblée nationale ?
Suivez l'actu en continuLE DIRECT

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire