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dimanche 11 juin 2017

Les crises.fr - Un pays où la Génération du Millénaire est dans la confusion, par Lukas Likavcan

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11
Juin
2017

Un pays où la Génération du Millénaire est dans la confusion, par Lukas Likavcan


Car l’Ukraine n’est pas un cas isolé…
Le soutien massif aux fascistes slovaques ( ĽSNS ) est une réponse à la division socio-économique du pays.

Photo by: A2larm

Il y a quelques semaines, l’ONG slovaque Institut pour des Questions Publiques a publié les résultats d’une enquête quantitative complète traitant du comportement des jeunes Slovaques sur internet. Elle aboutit à quelques conclusions importantes et ahurissantes : le média a immédiatement souligné la révélation selon laquelle le parti obtenant le plus de soutien de la part des électeurs âgés de 18 à 39 ans (bien que considérer comme « jeunes Slovaques » des personnes d’âge moyen soit quelque peu discutable) est le Ľudová strana Naše Slovensko – L’SNS, Parti du Peuple-Notre Slovaquie, mené par l’infâme leader fasciste Marián Kotleba. Néanmoins, l’étude nous dit qu’un quart des jeunes Slovaques environ voteraient pour le L’SNS, et que 90% d’entre eux n’ont pas de réticences quant à leur style, leur programme politique ou leurs projets. En outre, un tiers des jeunes Slovaques affiche sa sympathie envers les valeurs et les activités du parti. Aux dernières élections parlementaires, alors que le ĽSNS gagnait plus de 8% des voix, il avait le soutien de 22% des électeurs votant pour la première fois, et son électorat étaient constitué à 70% de personnes de moins de 39 ans.
Nœuds et causes
Encore plus frappante est l’importance du soutien aux mesures concrètes proposées par ĽSNS. Par exemple, plus de 66 pour cent de tous les questionnés acceptent d’abaisser les avantages sociaux pour les Roms – ce qui signifie qu’une politique explicitement raciste fait en fait partie du courant politique mainstream des jeunes Slovaques. Un autre consensus populaire surprenant a été atteint sur la question de la réduction des effectifs du Parlement de cent cinquante membres à cinquante, qui est soutenue par plus de 70% de la jeunesse slovaque.
Ce phénomène est moins surprenant si l’on regarde les autres parties de l’enquête : il s’avère que les jeunes Slovaques accordent leurs faveurs à des entités parlementaires obscures telles que « Sme Rodina » (Nous sommes une Famille, parti anti-immigration dirigé par l’homme d’affaire controversé, célébrité des tabloïds, Boros Kollár), le SNS nationaliste ressuscité par le nationaliste populaire Andrej Danko ou le mouvement OĽANO-NOVA dirigé par Igor Matovič – un homme dont le programme politique reste dans un état perpétuel de superposition quantique [ie, tout et son contraire].
La question évidente serait : qui est arrivé en premier ? Est-ce que ĽSNS a inventé sa critique éclectique de la démocratie ou est-il devenu un simple canal de la colère de la jeune génération, le reflet d’une inégalité socio-économique plus profonde qui fragmente la société slovaque ? Tous les gouvernements jusqu’ici ont pratiqué à la perfection l’art d’ostraciser les pauvres : soit en imposant des politiques d’austérité comme dans le cas des cabinets de droite, soit en attisant la haine ethnique sous la férule monochrome de Robert Fico.
Les politiques de l’emploi des gouvernements slovaques contiennent des signes de précarisation du travail depuis longtemps, qui, conjugués à la politique d’investissement, ont entraîné une situation où l’on trouve dans le même pays, la sixième région la plus riche de l’UE, Bratislava et les régionsextrêmement pauvres de Slovaquie centrale et orientale, telles que Rimavská Sobota, Revúca, Velký Krtíš, Kežmarok, Gelnica, Trebišov ou Sabinov. Ce n’est pas un hasard que certains de ces endroits se trouvent dans la région de Banská Bystrica menée ces trois dernières années par le fasciste Kotleba. Ces zones souffrent d’un taux de chômage élevé, ainsi que du niveau d’éducation le plus bas et de la densité de population la plus élevée du pays. Les foyers sans eau courante sont une chose assez commune. Le seuil de pauvreté en Slovaquie est fixé à 347 euros et 640 000 personnes sont directement menacées par la pauvreté, dont beaucoup sont des familles avec enfants.
La répartition géographique se compose du cœur (Bratislava et une partie de la région de Trnava), d’une semi-périphérie (les villes de Trenčín, Žilina, Banská Bystrica, Košice, Nitra et Poprad, plus les villes et villages satellites) et de la périphérie (la grande partie du reste de la Slovaquie, à l’exception des centres régionaux). L’élite économique et éduquée se concentre exclusivement à Bratislava, qui fonctionne comme un accélérateur régional – en catapultant particuliers et entreprises dans des réseaux cosmopolites, à la manière d’une gigantesque prise électrique branchée sur les courants du capital mondial. L’emplacement même de la capitale de la Slovaquie, à l’ouest du pays, rend l’explication inutile.
Mais, comme c’est souvent le cas avec le capitalisme, la majeure partie de l’argent se concentre en très peu d’endroits et ne se diffuse vers l’extérieur que goutte à goutte. On peut facilement voir, à moins de cent kilomètres de Bratislava, le visage réel de la pauvreté structurelle slovaque qui afflige des communautés entières. Il s’agit de la réalité dans laquelle des centaines de milliers de Slovaques doivent vivre : ses caractéristiques phénoménologiques fondamentales sont l’ennui, la futilité, la perte de toute perspective pour la vie personnelle ou communautaire, et le sentiment toujours présent d’une profonde incertitude. Cette pauvreté est documentée ethnographiquement, par exemple à travers les productions du rappeur Čavalenky, de la frontière slovaque-tchèque.
Des univers parallèles
En ce qui concerne la vie matérielle, il semble évident que le solide soutien au ĽSNS est la plus récente expression de l’exclusion socio-économique de long terme d’une grande partie de la société slovaque. L’attitude critique vis-à-vis de la démocratie libérale est le résultat direct de la réalité quotidienne destructrice des âmes que vivent les Slovaques – pas seulement les pauvres, mais aussi le large éventail d’employés précarisés de l’État et du secteur privé. Un professeur de lycée, une infirmière, un travailleur  à la chaîne à Detva et un employé de magasin de Nové Zámky gagnent la même misère. L’espoir de meilleures conditions de travail est un privilège réservé aux habitants des régions économiquement les plus fortes et les meilleurs emplois sont – et seront pour une autre décennie ou deux – occupés par la génération qui était économiquement active à la fin des années quatre-vingt.
À moins que vous ne viviez à Bratislava ou à proximité, votre vie sera probablement la combinaison alléchante d’un travail ingrat et stupide, d’ennui, de flemmardise, de culture télévisuelle stupide, de relations insatisfaisantes et, en fin de compte, d’enfants non désirés.
Si vous avez de la chance, c’est-à-dire si vous êtes diplômé d’un lycée solide, si vos parents ont réussi à vous payer une vie d’étudiant à Bratislava (ou mieux encore, à l’étranger) et si vous réussissez à obtenir un diplôme en un domaine un tant soit peu intéressant plutôt qu’à juste vous rendre ivre-mort (réseautage, comme on dit aujourd’hui), vous pourriez faire partie de la bulle sociale libérale constituée par environ 25% de la jeunesse slovaque. Si tel est le cas, vous vivez dans un univers parallèle qui repose sur des règles, une cartographie et une temporalité totalement indépendantes de la réalité régionale de la Slovaquie. Vous êtes plus susceptible de défendre le statu quo et vous préférez des changements progressifs et lents vers le mieux, plutôt que le tournant radical souhaité par ceux qui ont été trahis et réprimés par l’union impie du capitalisme néolibéral et de la démocratie libérale. Selon l’enquête IVO, ce segment chevauche l’électorat du parti Sloboda a Solidarita (SaS), qui représente actuellement un hybride assez contradictoire de toutes les écoles de pensée politique libérales imaginables, diluées dans le racisme « pragmatique » de son président Richard Sulík.
Le public à l’agonie
L’orientation politique générale des jeunes Slovaques est une variation maintes fois répétée d’un thème bien connu en dehors de la Slovaquie : l’exclusion de la gauche du débat public. Compte tenu du poids des médias et du climat politique, artificiellement orienté vers la droite pendant l’intégralité des deux premières décennies d’existence de la Slovaquie indépendante, Les jeunes élevés dans cette atmosphère vont inévitablement tendre à la rébellion contre l’ordre établi en se convertissant à l’extrême-droite – parce que les alternatives de gauche progressiste sont tout simplement inconcevables pour les étudiants d’aujourd’hui. Faute d’une gauche forte, parlementaire ou non, (notamment dans les gouvernements locaux), il n’est que trop naturel que les forces anti-système premières soient fascistes et cinglées. Et il est logique que, au lieu d’un large éventail de partis réellement éligibles allant de la gauche au centre, il n’y ait qu’un ou deux partis d’opposition dans la veine du SaS – éclectiques par définition, car ils doivent tenir compte des contradictions qu’entraîne l’appel à des électeurs de tout ce spectre non représenté.
Ce qui mérite également notre attention dans les résultats de l’enquête, est l’absence d’une relation facile à définir entre l’orientation politique et la culture numérique. Il s’avère que les jeunes électeurs du parti fasciste ĽSNS sont les plus actifs quand il s’agit de rechercher des informations en ligne (juste au-dessus de la base d’électeurs du SaS) – bien qu’ils recourent souvent à des sources du type Breitbart News. La pensée anti-système est alimentée par de fausses alertes, des hoax ou des théories du complot. Ce qui peut amuser et nourrir les opinions politiques de quelqu’un exactement de la même manière que la critique qui travaille avec les sources médiatiques mainstream. Du point de vue des algorithmes de moteurs de recherche et des réseaux sociaux qui segmentent le contenu pour les utilisateurs finaux, il n’y a pas de différences réelles entre ces deux types d’info-divertissement. Et ce sont des plates-formes numériques qui deviennent les méta-médias d’aujourd’hui, générant des réalités sociales et créant des bulles mutuellement imperméables. Le public, en tant que centre des activités de communication en Slovaquie, s’évanouit lentement, car la société a pris une spirale descendante vers une constellation d’univers parallèles qui ne peuvent plus être résolus, apparemment, que par une collision mutuelle.
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

18 réponses à Un pays où la Génération du Millénaire est dans la confusion, par Lukas Likavcan

Commentaires recommandés

cyrilLe 11 juin 2017 à 11h27
et pour vous,il est donc normal que le fascisme avec symbolique du 3eme reich fasse un tel carton? il ne vous est pas venu a l’idée que dans toute l’europe,les médias participent a leurs ascensions en les mé-diabolisant?
ce genre de mouvements qui existaient dans les années 20 dans tout un tas de pays,n’étaient que les marionnettes d’un système oligarchique pour dévier les colères. ce ne sont pas aux milliardaires que ces gens la veulent s’en prendre mais aux roms qui crèvent la misère comme eux.
d’ailleurs remettent ils sérieusement en question et pas que pour la décoration,la construction européenne? non.
utiliser des déguisements grotesques,tirés de l’allemagne nazi,avec comme programme,vive la slovaquie et casser du roms,ne garantira en rien leur indépendance vis a vis de l’oligarchie germano-slovaque. pire ça pourrait être le contraire.
encore un parti leurre,qui doit son existence a des dirigeants qui y voient leur intérêt pour faire diversion et diviser les crèves la dalle pour que les très riches n’aient pas répondre de leurs actes.

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