| | Hadrien Mathoux Directeur adjoint de la rédaction Sandrine Rousseau et sa résidence finistérienne : le retour de bâton du « privé politique »
Ça nous avait manqué : lorsque l'actualité politique est atone, on peut toujours compter sur Sandrine Rousseau pour déclencher une polémique de bon aloi. Cette fois-ci, c'est la volonté de la députée d'acquérir une résidence secondaire dans le Finistère qui fait parler, d'autant que les habitants de Dinéault, la commune bretonne censée accueillir le projet immobilier de l'écologiste, sont furibards : que vient donc faire l'emblème caricatural d'une gauche ultra-urbaine dans une commune qui compte 38 exploitations agricoles ? Pour ne rien arranger, Rousseau a récemment défrayé la chronique avec des déclarations maladroites, affirmant qu'elle n'avait « rien à péter » de la rentabilité des agriculteurs. « Qu'est-ce qu'elle veut bien chercher ici ? », se demandent donc à bon droit les locaux.
Dans cette affaire, Sandrine Rousseau se situe au centre d'un conflit entre deux principes opposés. Le premier est le droit à une vie privée. Il n'y a rien d'illégal à acheter une maison, et le déballage autour des choix de vie d'une personnalité politique a quelque chose de profondément dérangeant. Puissions-nous ne pas retrouver, dans quelques années, avec des campagnes électorales à l'américaine où les candidats exhibent conjoint, enfants et intimité prétendument épanouie comme des gages de compétence.
Le deuxième principe est la conformité entre les idées que l'on prône et la vie que l'on mène. C'est la vieille histoire du curé au bordel : lorsqu'un politique promet de laver plus blanc que blanc, il n'a pas vraiment intérêt à être pris en flagrant délit de magouillage. Ici, ce n'est pas tant la volonté de Rousseau de s'installer dans la ruralité qui devrait être pointé du doigt que sa décision d'acquérir une résidence secondaire. Ce n'est pas la première fois que les apôtres d'une vie sobre et frugale semblent surtout vouloir l'imposer aux autres plutôt qu'à eux-mêmes. Le souhait éminemment bourgeois d'acquérir une maison de campagne n'a rien de méprisable, mais devient amusant lorsqu'on se pose en pasionaria de l'anticapitalisme vert.
Surtout, l'écologiste est ici la victime d'une tendance dont elle est l'une des promotrices les plus acharnées : la politisation de la vie privée. De l'usage du barbecue à la sexualité, Sandrine Rousseau est en première ligne d'une cohorte de prêcheurs qui exhortent à ne plus seulement prendre en compte les idées qu'une personne défend, mais à scruter son mode de vie pour en tirer des enseignements. « Le privé est politique », nous serinent ceux qui, tels Sandrine Rousseau, revendiquent de « regarder dans le lit et dans les foyers des gens ce qui s'y passe » pour y dénicher les « injustices structurelles ». Le retour de bâton est inévitable, et peut-être même bienvenu, tant cette logique de pureté absolue est inquiétante. Twitter @hadrienmathoux
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