« Je suis infirmière depuis vingt-cinq ans, j’ai 49 ans et me suis mariée il y a vingt ans. Je vis toujours avec mon époux. Il est ingénieur spécialisé dans le traitement de l’eau. Je l’ai rencontré lors d’une mission de Médecins sans Frontières en Afrique. Je suis bretonne, il m’a fait découvrir le centre de la France où nous avons acheté une maison. Nous avons trois enfants. Mes parents sont ensemble depuis cinquante ans. Ils ne sont pas parfaits mais ils ne se sont jamais manqué de respect. Chacun a sa place dans le couple. Alors, quand j’ai rencontré mes beaux-parents pour la première fois lors d’un déjeuner, j’ai eu un choc. Mon beau-père était odieux avec ma belle-mère. Elle a déposé un plat succulent sur la table et lui, il lui a balancé : “Qu’est-ce que c’est que cette merde ?”
Elle, c’est Cendrillon. Elle est parfaite, jolie, bosseuse, elle cuisine très bien, sa maison est nickel. Mon beau-père, retraité, vient d’un milieu aisé. Il travaillait dans le secteur bancaire, il lui a vendu du rêve quand elle avait 20 ans. Il est le troisième garçon d’une fratrie de quatre enfants et n’a jamais su trouver sa place. Sa sœur est née peu de temps après lui. Comme ses parents voulaient une fille, il n’existait plus. Parce qu’il n’a jamais été valorisé pendant son enfance, il a toujours nourri une forme d’amertume, de frustration qu’il reporte sur les autres. Il passe son temps à les critiquer. Au départ, les deux premières années pourtant, il m’a traitée comme la fille qu’il n’avait pas – il est père de deux garçons. Quand j’ai eu mon fils, les remarques ont commencé entre deux portes : “Eh bien, tu ne fais pas envie…”
On a ensuite vécu dix ans en Afrique de l’Ouest. A cette époque, on ne se voyait que l’été, ce qui limitait ses dérapages. A notre retour, les relations se sont envenimées. Notre maison est à quelques kilomètres de chez eux. Ils vivent dans la ville où je travaille. Parfois, je leur donnais mon fils cadet à garder la nuit. Mais souvent, il ne voulait pas s’occuper des enfants, et notamment de mon deuxième fils, que nous avons adopté en Afrique et qui était “speed”. Mais au lieu de me le dire clairement, il faisait porter le chapeau à ma belle-mère. Son mari, c’est son boulet. Elle fait des marathons pour s’échapper de la maison. Il est très isolé socialement. Il est aussi hypocondriaque. Tout l’inquiète : son dos, son cul, son pénis… Il est persuadé d’avoir une tumeur à la thyroïde alors il passe régulièrement des examens qui ne montrent rien. Sa femme doit le conduire d’un spécialiste à l’autre.
On a commencé à faire des travaux avec mon mari dans notre maison. Rien n’allait jamais à ses yeux et il me tenait pour responsable. Les remarques étaient continuelles. Un jour, alors qu’il déjeunait chez nous et que la maison était propre, rangée, il n’a rien trouvé d’autre à dire que : “La vitre de l’insert de la cheminée est sale.”
« Ton fric, tu peux te le garder »
Ça a craqué à l’automne 2024, toujours au sujet des travaux : “Tu fais n’importe quoi, comme d’habitude. Vous n’aurez pas un sou de plus” – il nous avait aidés financièrement pour la rénovation. C’est le “comme d’habitude” qui a été le détonateur. Enfin, il disait le fond de sa pensée. A Noël, je l’ai ignoré. Ça l’a rendu dingue car il a une très haute opinion de lui-même. Après ça, il a proposé à mon mari de lui donner 10 000 euros, une manière de maintenir l’emprise sur nous.
Au printemps, mes parents sont venus nous rendre visite. Mes beaux-parents les ont invités avec nous à déjeuner. Mon beau-père n’arrêtait pas de fayoter devant eux. Il était tout gentil avec moi, ne me lâchait plus, je sentais physiquement sa présence auprès de moi.
Peu de temps après, j’ai fait un cauchemar : il était collé à moi, gluant. Je me suis réveillée en pleurant et je lui ai envoyé un message confus : “Ton fric, tu peux te le garder. Etre patriarche, ça se mérite. Pour moi, tu ne représentes rien.” Là encore, il a envoyé sa femme parler pour lui. Elle a appelé mon mari et mes parents : “Hélène pète les plombs, elle doit se soigner”, comme si j’étais une enfant. En ce qui me concerne, c’est fini, je ne veux plus le voir. C’est mon corps qui a parlé. J’ai supporté cette situation pendant vingt ans mais là, je n’en peux plus.
J’aime bien les autres membres de sa famille, ça me peine de ne plus les voir. Mon mari me soutient. Ce n’est pas pour rien qu’il est parti de longues années à l’étranger. Je n’empêche pas mes enfants de rendre visite à leur grand-père mais je les ai prévenus : “Ne le prenez pas en exemple.” Je remarque que dans le milieu rural où nous vivons, même parmi mes jeunes collègues, il y a beaucoup de violence patriarcale. La jeune fille doit se mettre au pas. Plusieurs infirmières avec qui je travaille sont des femmes d’éleveurs. Elles doivent aider leur mari à s’occuper des bêtes après avoir fini leur propre journée de travail. Heureusement que la parole se libère de plus en plus face à ces abus. »
*Le prénom a été modifié.
temoignagesrue89@gmail.com
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