Peut-on (enfin) redevenir « d’irréductibles râleurs » ? La question m’a saisie, lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques, en entendant Tony Estanguet célébrer la mutation des Français, ce « peuple d’irréductibles râleurs » transformés, par la grâce des JO, en « supporters déchaînés ». Loin de moi l’idée de gâcher la fête, mais à J+7, l’heure est peut-être venue de renouer avec notre (véritable) sport national.
Et ce ne sera pas forcément une mauvaise chose. Après tout, le Larousse définit le fait de râler comme l’expression d’un mécontentement et même, une forme de protestation. Et les études montrent que c’est de leurs dirigeants politiques que les Français se plaignent le plus. Alors, pourquoi devrions-nous avoir honte d’être médaille d’or en la matière ? D’autant que les raisons d’être en colère contre la classe politique ne manquent pas, entre un président qui continue de nier le résultat des élections législatives et tarde à nommer un Premier ministre, l’inaction généralisée en matière de lutte contre le réchauffement climatique ou l’état de l’hôpital public – liste non exhaustive. Dans un tel contexte, le « râleur » n’est-il pas, plus simplement, un citoyen éclairé, animé d’une saine indignation contre ceux qui le gouvernent ?
A bien y réfléchir, nous touchons là la définition même de la démocratie : râler – autrement dit : exprimer publiquement son insatisfaction – relève du droit fondamental des peuples à demander des comptes aux puissants. En râlant, les Français démontrent qu’ils sont impliqués dans la vie de la cité et qu’ils n’ont pas perdu espoir dans le pouvoir du politique à améliorer les conditions d’existence de leurs concitoyens. Et à choisir, je préférerai toujours être une râleuse idéaliste qu’une « supportrice déchaînée » – et désengagée.
Anna Topaloff
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