Comme un vol noir de corbeaux sur l’Europe Des urnes qui s’ouvrent chaque dimanche soir d’élections dans les pays de l’Union européenne jaillissent des mêmes monstres : des droites dures et de l’extrême. Ce fut encore le cas dimanche dernier en Grèce ou une droite sans complexe a remporté une majorité absolue. En Allemagne, l’extrême droite s’est emparée d’une grande collectivité locale. Il y a quelques semaines, des résultats similaires sortaient des urnes en Espagne. La droite qui émerge devient un organisme génétiquement modifié au contact des pestilentiels virus des forces d’extrême droite. Cette hybridation en cours des droites avec les idées de l’extrême droite est en passe de produire une dangereuse alliance nouvelle au sein du Parlement européen. Le Parti Populaire Européen (PPE) qui regroupe les partis de la droite (dite classique, dont le parti de M. Ciotti) et le groupe baptisé du trompeur nom de « Conservateurs et Réformistes Européens » (ECR) dirigé aujourd’hui par Mme Meloni, la présidente du conseil italien, préparent leur alliance. Ces inquiétantes métamorphoses sont à mesurer à l’aune des alliances parlementaires et gouvernementales entre forces de droite et d’extrême droite dans de nombreux pays européens. C’est le cas en Suède, en Finlande, en Hongrie, en Pologne, au Danemark, en Italie. D’autres se préparent en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne. En Allemagne, des tentatives de rapprochement s’opèrent dans un ou deux Länder. En France, M. Ciotti, qui dirige le parti de droite héritière du gaullisme, a déclaré lors des élections présidentielles que rien ne pouvait l’empêcher de voter Zemmour. Et le philosophe médiatique, M. Enthoven, a un jour expliqué qu’en cas de second tour entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon il voterait en faveur de la première. Cette « droitisation » de tous les partis conservateurs et réactionnaires dans les pays de l’Union européenne est concomitante avec un puissant travail idéologique des forces dominantes pour « dé-diaboliser » l’extrême droite. Ainsi, on voit les efforts déployés dans les médias et les institutions pour présenter les députés du Rassemblement national comme des gens sages et raisonnables. En somme, on nous demande de ne plus nous méfier de l’eau qui dort ! Ce dangereux accouplement se fait de part et d’autre sur la base d’éléments d’une guerre idéologique et culturelle de haute intensité : rejet de l’étranger et de l’immigration, fermeture des frontières, campagne anti-islam et xénophobe, détournement de l’antiracisme et du colonialisme, combat contre l’égalité des droits, recul des droits des femmes notamment la mise en cause de l’avortement, instillation de l’idée d’une guerre de civilisation. Ces forces exècrent tout ce qui ressemble à une reprise en main de leur destin par les citoyens notamment les associations et les syndicats. Elles se dotent d’une galaxie d’organes de presse dont on parle peu et n’hésitent plus sous l’instigation des puissances industrielles et financières comme Lagardère et Bolloré à mettre leurs hommes à la direction des rédactions comme on le voit au Journal du dimanche après Europe1 et Cnews. Au nom d’une fausse défense des classes populaires, ensemble droite et extrême droite cultivent désormais un « climato-négationnisme » en fustigeant les effets de la transition environnementale sur le mode de vie et le pouvoir d’achat des populations. Aux Pays-Bas, où à cause de l’élevage industriel, on vit sur « un océan de lisier », les plus gros agriculteurs ont créé un mouvement corporatiste d’extrême droite faisant campagne contre un projet de loi visant à réduire l’utilisation de l’azote pour l’agriculture. Quand le pouvoir veut dissoudre un mouvement pluriel comme « Les soulèvements de la terre » il prépare un très mauvais terrain. À celles et ceux qui souffrent, nous ne devons cesser de dire que leur situation n’est pas due à l’autre, mais à un système dont la féroce loi de l’argent sera toujours contraire à leurs intérêts. La droite et l’extrême droite sont les soutiers de ce système. Ils s’alignent sur un dangereux atlantisme et un européisme ultralibéral. Et partout où ils accèdent au pouvoir, ils organisent la chasse à l’immigré, remettent en cause l’indépendance de la justice, affaiblissent la création et la culture, restreignent la liberté de la presse, nient les droits des femmes, menacent le droit à l’avortement, cultivent un national-capitalisme accentuant encore les concurrences et les rivalités. Alors que la Finlande s’arrime à l’OTAN, la coalition qui dirige ce pays préconise l’austérité la plus dure, remettant en cause les conquis de l’État social. En Suède et au Danemark, on va jusqu’à séparer les couples de jeunes demandeurs d’asile. Et la présidente de la Commission européenne, Mme Van Der Leyen, n’a pas hésité à se rendre en Tunisie bras dessus bras dessous avec Mme Meloni sur l’enjeu des migrations. Ce ne sont donc pas les électrices et les électeurs qui deviennent radicaux de droite, mais les responsables politiques et les dirigeants des grandes sociétés multinationales. Ils ont besoin de défendre le système dans le cadre de la polarisation de l’extrême droite et des glissements des forces de droite. Bref, les corbeaux volent en meute au-dessus de l’Europe. Ils ont la couleur de la crise organique qui parcourt le continent et un monde sans cesse remodelés sous l’effet de la mondialisation capitaliste financiarisée. Ils sont les résultats de la mauvaise fermentation des traités de Maastricht puis de Lisbonne. Ils ont pris de la force sur le refus de tenir compte du vote majoritaire des électrices et des électeurs qui les avaient rejetés ou s'apprêtaient à le faire dans plusieurs pays. Les partis dominants dans la gauche européenne, affiliés au Parti socialiste européen, portent une sérieuse responsabilité dans ce mouvement délétère. À force de démontrer aux populations que leurs protestations sont vaines et que leurs doutes sont sans fondement, les colères ont été détournées vers le pire. Le mouvement progressiste en Europe doit aujourd’hui travailler à une repolitisation de la recherche d’un nouveau débouché contre les peurs, les replis et les ressentiments. Face à l’imminence de ce danger, trop sous-estimé, il devrait se fixer l’objectif de construire un front progressiste et écologiste au sein du futur Parlement européen. Les combats pour reprendre la marche en avant vers le progrès social, écologique, démocratique l'exigent. Une nouvelle union des nations et des peuples associés, libres, souverains et solidaires pourrait porter un nouveau pacte pour les sécurités humaines et environnementales, sociales, alimentaires, énergétiques, hydriques et des initiatives audacieuses pour rechercher les chemins du désarmement, de la sécurité en Europe et de la Paix. La mise en débat d’un tel projet novateur serait susceptible d’intéresser et de mobiliser de larges fractions de la société. C’est une grande responsabilité pour conjurer le pire qui s’avance désormais. Il est grand temps de combattre les immenses appétits des corbeaux noirs qui tournoient dans le ciel assombri de l’Europe ! |
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