Le bruit peut-il nous rendre fou ? J’habite au dernier étage d’un vieil immeuble parisien, dont les cloisons sont si fines que j’ai coutume de dire, sur le ton de la blague, que je vis en coloc avec une trentaine de personnes. Au quotidien, c’est comique et épuisant. Comique parce que je n’ai plus besoin de mettre de réveil : les toilettes de mon voisin de palier sont collées au mur contre lequel est posée ma tête de lit. Epuisant parce que ma voisine du dessous a des goûts musicaux que je qualifierais de conceptuels, tout en présentant une certaine imperméabilité aux courriers de mise en garde du syndic.
Rajoutons à cela le fait que l’immeuble borde une grande avenue sur laquelle passent des pompiers et des flics de jour comme de nuit, et vous comprenez pourquoi j’ai déjà trouvé l’une de mes voisines en larmes, un dimanche après-midi, sur un palier. « Je n’en peux plus du bruit, je vais devenir dingue. » Comme je la comprends. Moi aussi, j’ai déjà craqué alors des basses traversaient mon oreiller un mardi à 3 heures du matin.
En me demandant si le bruit pouvait effectivement nous rendre dingues, je suis tombé sur cet article de la revue « Silence », sobrement intitulé « Le bruit tue » et paru en juillet 2018. On y apprend que 16 600 décès prématurés sont causés chaque année par le bruit. Décès qui sont imputables, d’après un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement, à des crises cardiaques ou à des accidents vasculaires cérébraux liés essentiellement au bruit du trafic routier. Et soudainement, l’envie d’en rire m’est légèrement passée.
Je suis aussi tombé sur cet article publié par « Reporterre », dans lequel on apprend que 25 millions de Françaises et Français sont exposés à des niveaux sonores considérés comme nocifs pour la santé. Ultime perversion : on a du mal à percevoir les effets qu’a le bruit sur nous parce que le cerveau s’y habitue. « Reporterre » les liste : « augmentation du rythme cardiaque et de la tension artérielle, de la concentration sanguine des hormones de stress, réduction des défenses immunitaires... » Ce problème concerne tous les Européens, apprend-on aussi dans « The Guardian » : 125 millions de personnes subissent des bruits supérieurs à 55 décibels à chaque heure du jour et de la nuit, ce qui est considéré comme le seuil de nocivité par l’Agence européenne de l’Environnement.
Et moi, dans tout ça ? Je n’ai jamais autant rêvé de vivre sur une île déserte.
Henri Rouillier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire