En France, l’Assemblée nationale a voté le 21 mars en faveur de la relance de l’énergie nucléaire, désormais largement soutenue par l’opinion publique. Quelques jours plus tard (23-24 mars) se tenait, à Bruxelles, le sommet des 27 chefs d’État et de gouvernement de l'UE. Dans son discours, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a tracé les limites de l’appui de l’Union européenne à l’énergie nucléaire. Après avoir concédé que « le nucléaire peut jouer un rôle dans notre effort de décarbonation », elle a aussitôt ajouté : « Mais seules les technologies à zéro émission que nous jugeons stratégiques pour l’avenir – comme les panneaux solaires, les batteries et les électrolyseurs – ont accès à l’ensemble des avantages et des bénéfices ». Concrètement, la filière nucléaire serait privée des subventions de Bruxelles. Cette annonce est particulièrement fâcheuse pour la France alors qu’EDF a d’énormes besoins de financement pour lancer la construction de nouveaux réacteurs (cf. LSDJ n°1848).
La Commission favoriserait-elle l’Allemagne, adversaire acharnée du nucléaire français... et pays d’Ursula von der Leyen ? Ce soupçon récurrent est renforcé par la victoire remportée par Berlin dans un autre dossier concernant la transition écologique. Le 7 mars, le chancelier Olaf Scholz avait annoncé, à la stupeur des partenaires européens de l’Allemagne, que celle-ci ne voterait pas le texte sur l’interdiction des moteurs thermiques à partir de 2035 (cf. LSDJ n°1840). Le but était évidemment d’épargner la puissante industrie automobile allemande, championne des véhicules haut de gamme à (gros) moteurs thermiques. L’Allemagne voulait qu’une exception soit faite pour les véhicules capables de fonctionner avec des carburants de synthèse. Le suspense n’aura pas été long : banco ! a dit la Commission : « Nous avons trouvé un accord avec l’Allemagne sur l’utilisation future des carburants de synthèse dans les voitures », a tweeté le commissaire européen à l’Environnement, Frans Timmermans, le 25 mars. Par conséquent l’Allemagne pourra continuer à mettre sur le marché ses grosses cylindrées à moteurs à combustion après 2035, « s’ils utilisent exclusivement des carburants neutres en termes d’émissions de CO2 », a confirmé le ministre allemand des Transport. Les critiques des ONG environnementales à l’égard des carburants de synthèse, qu’elles jugent polluants et énergivores, n’auront pas fait le poids face aux constructeurs automobiles allemands de grosses cylindrées hauts de gamme (BMW, Volkswagen, Porsche, Audi, Mercedes).
La France a subi un camouflet mais elle n’a pas perdu la guerre de l’énergie nucléaire, dont elle se souvient un peu tard qu’elle fut la championne. Elle a rallié dix partenaires européens à la cause de l’inscription du nucléaire dans la nomenclature des énergies propres. Le 28 février, à l'occasion du Conseil informel des ministres de l'énergie à Stockholm, les ministres et représentants de onze États membres de l’UE (France, Bulgarie, Croatie, Hongrie, Finlande, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) ont signé une déclaration pour « réaffirmer conjointement leur volonté de renforcer la coopération européenne dans le domaine de l’énergie nucléaire ». Mais l’Allemagne, qui continue sans vergogne à investir dans le charbon hautement polluant, a trouvé elle aussi une dizaine d’alliés anti-nucléaires (Autriche, Belgique, Luxembourg, Estonie, Espagne, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Portugal, Lettonie). L’enjeu principal est la révision de la directive énergie renouvelable (RED III). Elle achoppe en particulier sur « l’hydrogène bas carbone », c’est-à-dire produit avec de l’électricité issue du nucléaire. Le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission, parviendront-ils à s’accorder sur un texte final ? En attendant, la bataille entre « l’alliance du nucléaire » emmenée par la France, et « amis des énergies renouvelables » regroupés par l’Allemagne se poursuit, annonce le site « Toute l’Europe » en lien ci-dessous).
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