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vendredi 29 juillet 2022

LSDJ : Contre la sécheresse, les bassines de la discorde - le 29.07.2022

 

29 JUILLET 2022 - N° 1651

ECOLOGIE

Contre la sécheresse, les bassines de la discorde

Il s’agit « très probablement [du] mois de juillet le plus sec » que la France ait connu depuis 1959 et le début des relevés, selon Christian Veil, climatologue chez Météo-France. « En moyenne, il est tombé huit millimètres de précipitations du 1er au 25 juillet », soit « un déficit énorme », indique-t-il à l’AFP. Deux questions se posent :

La première concerne les incendies40 000 hectares ont déjà brûlé ! Contre 1787 ha l’an dernier à la même période. Cette extension du domaine de la lutte, aurait dit Houellebecq, implique de se doter d’équipements plus efficaces, comme l’Airbus militaire A400M transformé en bombardier d’eau. Le feu oblige aussi à repenser la gestion des forêts, en particulier la monoculture de résineux, inspirée de la sylviculture industrielle. Le Parc naturel régional du Morvan a saisi le Conseil d'État afin de limiter les « coupes rases », ces abattages destinés à remplacer les feuillus par des résineux, plus rentables mais néfastes à la biodiversité. Le pin Douglas, arbre à pousse rapide, produit 400m3 l'hectare, à 60-70 euros le m3, tandis que le feuillu produit 100m3, pour 50 euros en moyenne l'unité. CQFD.

La seconde touche les réserves d’eau. La carte de Propluvia résumant les différents niveaux d'alerte a viré au rouge dans une bonne partie de l'ouest du bassin de la Loire, mais aussi dans la Drôme, l'intérieur du Var ou le Lot. Le débit de la Loire est en forte baisse, à 129 m3 par seconde le 20 juillet, contre 475m3/s au début du mois. En Bourgogne, la région de Beaune (Côte d'Or), réputée pour ses vignobles, est en « alerte rouge ». Comme ses grands crus. On y annonce des vendanges encore très précoces. Le record de 2020 pourrait être battu. La récolte avait commencé le 16 août, du jamais vu depuis... 1556 !

Une question tombe sous le sens : pourquoi ne pas stocker l’eau du ciel ? « Quand il y a – comme nous l'avons vu cette année – de très fortes précipitations au printemps et que nous ne les stockons pas, nous gâchons l'eau de pluie », s’émeut sur France Info Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. « En France, ajoute-t-elle, nous ne stockons que 1,8% de la pluie, alors qu'en Espagne par exemple, ils stockent 40% ». Le syndicat agricole milite pour la création de lacs artificiels, appelés aussi « réserves de substitution » ou « bassines » ou, dans un style plus poétique, « retenues collinaires ».

Il s’agit de faire face à une pluviométrie erratique. Sur France Info Yannick Fialip, président de la Chambre d’agriculture de Haute-Loire, observe qu’« entre le 1er janvier et fin avril, nous n’avons eu que 30 litres d’eau, donc des précipitations de type sahariennes, et puis, nous avons eu deux épisodes pluvieux, un début mai et un le 15 juin, de type cévenol, avec des grosses pluviométries mais concentrées sur 24 heures ».

Les bassines représentent-elles la solution ? Le terme euphémise la réalité. Il s’agit de réserves de stockage de milliers d’hectares. Le sujet est ultrasensible depuis la mort de Rémi Fraisse, militant zadiste tué en 2014 par une grenade lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens (Tarn). L’eau cristallise le conflit entre l’agrobusiness et l’écologisme.

Les cas du marais poitevin cité par Ouest-France (article joint) ou du bassin de Clain étudié par Vienne-Nature sont éloquents. Les opposants ne manquent pas d’arguments : les bassines encouragent l’agriculture intensive, en particulier le maïs, gros consommateur d’eau pendant l’été. En augmentant l’offre, ces réservoirs artificiels augmentent la demande et reportent la recherche d‘autres solutions. Les bassines privatisent aussi le bien commun de la ressource en eau au profit d’une minorité d’agriculteurs, et ce via l’argent public ​(le dispositif est subventionné à 70%). Et surtout, selon les opposants, les réserves géantes pompent les nappes plus qu’elles ne récupèrent l’eau pluviale, ce qui menace le milieu naturel.

Il y a d’autres solutions : choisir des plants plus résistants au manque hydrique, élaborer des variétés semées plus tôt, à l'automne ou en fin d'hiver, et à cycle plus long, (il faut qu’elles soient tolérantes au froid, voire au gel), et, sujet délicat, réduire la production.

Pour l'heure, le gouvernement peine à définir une vraie politique hydraulique. Le « Varenne agricole de l’eau et du changement climatique » a rendu ses conclusions en février après dix mois de travaux. Celles-ci renforcent les Projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) créés dans le cadre des Assises de l’Eau. Il s’agit d’outils de planification « concertée » portant sur l’ensemble des usages de l’eau (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, activités récréatives…).

En clair, les pouvoirs publics y vont prudemment sur ce terrain conflictuel autour des usages de l'eau. À l’avenir, il semble que l'air et les éoliennes risquent de ne plus avoir le monopole de la discorde. L'eau, si elle se raréfiait, pourrait devenir un sujet de tension autrement plus aigu.

Louis Daufresne

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Pour aller plus loin :

Agriculture. Pourquoi les bassines de réserves d’eau sont contestées dans le marais poitevin

>>> Lire sur Ouest-France

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