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samedi 9 novembre 2019

Ce qu'il se passerait aujourd'hui si le Mur de Berlin n'était pas tombé - le 9.11.2019



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Ce qu'il se passerait aujourd'hui si le Mur de Berlin n'était pas tombé


Le 11 septembre 2001 était un jour comme un autre dans le monde, aux États-Unis et à New York.

09/11/2019 07:00 CET | Actualisé il y a 16 heures
Des gardes-frontières est-allemands se tiennent debout sur une section du mur de Berlin, avec...



AFP
Des gardes-frontières est-allemands se tiennent debout sur une section du mur de Berlin, avec la porte de Brandenbourg en arrière-plan, à Berlin, le 11 novembre 1989.

La chute du Mur de Berlin, dont on commémore le 30e anniversaire, est à coup sûr un événement majeur dans l’histoire contemporaine. Cependant, la libéralisation des pays de l’Est en 1989, dont cet événement a constitué un jalon fondamental, a sans doute donné lieu à deux fausses impressions.
La première correspond à la théorie des dominos qui nous a collectivement induits en erreur lorsqu’on l’a appliquée, largement à tort, lors du printemps arabe de 2011 en pensant que les pays arabes allaient eux aussi se libéraliser les uns après les autres comme ceux de l’Est 22 ans plus tôt.
La seconde tend à nous faire penser qu’il y avait une forme de nécessité historique dans tout ce qui s’est passé entre 1989 et 1991: la libéralisation de la Hongrie et de la Pologne devait nécessairement conduire à celle de la RDA et à la Chute du Mur, puis à celle des autres pays de l’Est et à la réunification allemande, puis finalement à la fin de l’URSS et au démantèlement du Pacte de Varsovie. Or, l’enchaînement de tous ces événements relève en grande partie de véritables miracles ou de circonstances souvent assez étonnantes, dont l’extravagante conférence de presse de Günter Schabowski, le porte-parole du gouvernement est-allemand, le 9 novembre 1989 est certainement l’exemple le plus connu. La situation aurait très bien pu évoluer d’une façon tout à fait différente.
Voici un scénario de ce à quoi le monde aurait pu ressembler si le Mur n’était pas tombé.
Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin est gardé avec la plus grande vigilance par les gardes-frontières de la Volkspolizei. C’est un jour ordinaire en RDA, comme en RFA. Erich Honecker, le principal dirigeant du Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED) et de la RDA, a repris la main depuis quelques semaines alors que les manifestations se multipliaient, notamment à Dresde et à Leipzig, que les Allemands de l’Est fuyaient le pays en masse en se réfugiant dans les ambassades de la RFA dans d’autres pays du bloc socialiste et que la visite de Mikhail Gorbatchev pour la commémoration du 40e anniversaire de la RDA, les 6 et 7 octobre, avait laissé croire un instant que les réformistes étaient sur le point de prendre le dessus.

Malgré les tensions existant au sein du SED, Honecker parvient à rester au pouvoir et même à écarter les éléments réformistes au sein du Comité central. L’événement décisif a été l’intervention brutale de militaires à Leipzig quelques jours après la visite de Gorbatchev qui s’est traduite par un véritable bain de sang. Cette action, qui s’inspire de ce qu’a fait la Chine quelques mois plus tôt sur la place TiananMen, suscite une vive réprobation dans le monde, mais les dirigeants est-allemands tiennent bon, car c’est la survie même du régime et du pays qui est en jeu. Lorsque Gorbatchev avait dit à Honecker lors de sa visite dans une formule restée célèbre, “La vie punit celui qui arrive trop tard”, ce dernier lui avait répondu: “nous résoudrons nos problèmes nous-mêmes par des moyens socialistes”. Et c’est ce qui s’est produit à Leipzig. Egon Krenz, le numéro deux du régime, tente bien de retourner la situation en rencontrant Gorbatchev à Moscou dans les jours qui suivent les événements de Leipzig, mais c’est déjà trop tard. Les partisans de la ligne dure au sein des pays du pacte de Varsovie, en RDA, en Bulgarie, en Roumanie et en Tchécoslovaquie ont gagné la partie. Ils ont été renforcés dans leur position tandis que Gorbatchev, de son côté, paraît avoir été déstabilisé.
Il est d’ailleurs écarté du pouvoir au premier trimestre 1990 en raison de prétendus problèmes de santé. Les communistes purs et durs sont parvenus in extremis à limiter l’hémorragie et ont réussi à préserver l’essentiel: ils ont repris le pouvoir à Moscou et, en dehors de la Pologne et de la Hongrie, des communistes orthodoxes sont toujours à la tête des autres pays du Pacte de Varsovie. Cette situation provoque bien évidemment un net refroidissement des relations Est-Ouest.
Après une période de stabilisation des régimes communistes, qui s’est traduite par l’éviction des réformistes et par une forte répression de toutes les formes de dissidence, les dirigeants soviétiques décident de suivre l’exemple chinois en ouvrant progressivement une économie exsangue aux investisseurs étrangers via quelques zones franches, dans l’objectif d’améliorer le niveau de vie de la population, tout en muselant toute forme de liberté d’expression. Et cela finit par marcher. Les entreprises occidentales investissent massivement en URSS, en RDA ou dans d’autres pays de l’Est pour bénéficier d’une main-d’œuvre à la fois bien formée et peu onéreuse, d’une abondance de matières premières et de terres agricoles très fertiles.
La libéralisation de l’agriculture et l’exploitation, via des investissements internationaux, des immenses réserves gazières et pétrolières de l’URSS font de l’Europe de l’Est un nouvel eldorado pour les investisseurs. À l’instar de l’économie chinoise, l’économie soviétique est devenue une économie socialiste de marché. Une sorte de division du travail s’est même formée entre une Chine qui se spécialise dans les activités industrielles, une URSS, dans les activités agricoles et minières, une RDA et une Bulgarie, dans l’électronique, etc. Ces régimes finissent par tenir face à des populations largement résignées, mais qui voient tout de même leur niveau de vie progresser.
En Europe, la Communauté européenne et l’OTAN ont toujours le même nombre de membres. La Pologne et la Hongrie sont parvenues à quitter le Pacte de Varsovie, mais au prix de leur neutralité sur le modèle finlandais et de leur engagement à ne pas adhérer à l’OTAN et à la CE. La RFA, qui a particulièrement accusé le coup après les événements de Leipzig, s’est repliée quelque peu sur elle-même. Le marché unique a été instauré, mais le projet d’Union européenne et de monnaie unique est resté lettre morte.
Au Moyen-Orient, Saddam Hussein décide d’envahir le Koweït en août 1990 et finit par annexer le territoire avec le soutien à la fois politique et militaire de l’URSS. Cet événement provoque de vives tensions Est-Ouest, mais les États-Unis se montrent incapables d’empêcher cette annexion. Ils n’installent pas de bases permanentes et de troupes en Arabie Saoudite. Al-Qaïda créée en Afghanistan au moment du départ des troupes soviétiques commet plutôt des attentats contre les intérêts de l’URSS. Le 11 septembre 2001 est un jour comme un autre dans le monde, aux États-Unis et à New York.
En 2017, le mot à la mode dans les médias est le terme russe “stoletniy”, qui signifie centenaire, à l’occasion bien évidemment du premier centenaire du communisme. Les relations Est-Ouest structurent toujours le système international. Ainsi que l’avaient anticipé l’économiste Joseph Schumpeter et le philosophe Raymond Aron, un rapprochement des deux systèmes s’est opéré. L’Est s’est libéralisé économiquement, tandis que l’Ouest est dominé par les courants socialisants. Les chrétiens-démocrates allemands ont été laminés lors des législatives de 1990, tout comme en 1992 les républicains lors de la présidentielle aux États-Unis ou les conservateurs britanniques lors des élections générales. Les courants conservateurs, durablement écartés du pouvoir dans les principaux pays occidentaux, sont, en effet, communément accusés d’avoir échoué à renverser le cours de l’histoire face à l’URSS.

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