Translate

vendredi 13 avril 2018

Syrie : la chute de la Ghouta renforce l'emprise russe......Trump menace puis temporise après l'attaque chimique.....


13 avril 2018

Syrie : la chute de la Ghouta renforce l'emprise russe

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
 Après cinq ans de siège, le régime syrien a repris, jeudi 12 avril, le contrôle de la Ghouta orientale, dans la banlieue de Damas
La police militaire russe s'est déployée dans la ville de Douma, l'ultime poche de résistance
Cette victoire a été obtenue au prix d'une offensive de huit semaines d'une très grande brutalité, qui a causé la mort de plus de 1 600 civils
La tension monte entre Moscou et Washington, qui étudie sa réponse à l'attaque chimique du 7 avril
Pages 2-3
© Le Monde



13 avril 2018

Bachar Al-Assad et son allié russe reprennent la Ghouta

Le régime syrien revendique le contrôle de la banlieue rebelle de Damas après cinq ans de siège, alors que l'attaque chimique du 7 avril contre ces quartiers suscite de vives tensions entre la Russie et les Etats-Unis, qui menacent de frappes punitives

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Encerclement, bombardements, négociations, reddition. La stratégie contre-insurrectionnelle du régime syrien, testée et éprouvée à de multiples reprises, a une nouvelle fois porté ses fruits. Après la vieille ville de Homs en mai  2014, les localités de Daraya et Mouadamiya, au sud de Damas, à l'été 2016, et les quartiers est d'Alep en décembre  2016, la Ghouta orientale, dans la périphérie est de la capitale syrienne, a succombé à son tour à cette mécanique implacable.
Jeudi 12  avril, après cinq années de siège et huit semaines d'offensive marquées par un pilonnage incessant, qui a causé la mort de plus de 1 600 civils et s'est conclu sur une attaque chimique présumée, la police militaire russe s'est déployée dans Douma, la capitale et l'ultime poche de résistance de cette région rebelle, scellant sa capitulation définitive. Face aux menaces d'intervention militaire occidentale à la suite du bombardement chimique du 7  avril, Moscou a voulu à l'évidence accélérer la manœuvre pour rendre sa victoire irrémédiable.
Dans les jours précédents, en vertu d'un accord avec Moscou, les combattants de Jaïch Al-Islam, le groupe armé d'inspiration salafiste aux commandes de la ville depuis 2013, avaient commencé à être transférés par bus vers la région de Djarabulus, une zone rebelle du nord de la Syrie, sous protection turque.
" Défi intolérable "" L'armée syrienne n'est pas encore rentrée dans Douma, mais on peut dire que la ville est tombée, témoigne Baraa Abdel Rahman, un journaliste proche de l'opposition syrienne, qui a évacué Douma il y a quelques jours. Les rebelles qui ne sont pas encore partis sont passés de facto sous le contrôle des Russes. " Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), le leader de Jaïch Al-Islam, Issam Bouwaïdani, se trouvait jeudi matin dans une zone rebelle du nord de la Syrie, après avoir quitté Douma. Les derniers combattants encore présents dans la ville ont entrepris de remettre leurs armes lourdes aux Russes.
Cette opération constitue l'épilogue de la chute de la Ghouta, amorcée mi-mars, lorsque les deux autres groupes anti-Assad présents sur ce territoire, Ahrar Al-Cham et Faylaq Al-Rahman, avaient hissé le drapeau blanc. Les premiers, d'obédience salafiste aussi, avaient consenti à abandonner leur fief de Harasta le 19  mars et les seconds, de tendance islamiste modérée, ont quitté les communes du sud de la Ghouta qui formaient leur place forte – Zamalka, Aïn Terma, Jobar et Erbin – deux jours plus tard.
Leurs hommes, accompagnés de leurs proches ainsi que de militants révolutionnaires non armés, ont été convoyés vers la province d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, une zone sous la coupe d'une myriade de milices, souvent radicales, comme les djihadistes de Hayat Tahrir Al-Cham, issu d'Al-Qaida. Plusieurs dizaines de milliers de personnes, combattants et civils mélangés, ont ainsi été évacuées de la Ghouta à la suite d'accords dictés par Moscou. Près de 100 000 civils ont aussi été déplacés par les combats, sur une population totale estimée par l'ONU, avant le début de l'assaut le 19  février, à 400 000.
Si la reprise des quartiers orientaux d'Alep avait sonné le glas définitif des espoirs des insurgés, délogés de la ville dont ils avaient rêvé de faire la tête de pont de l'insurrection, la reprise de la Ghouta couronne, elle, le processus de rétablissement du régime Assad. Bien que moins célèbre que la métropole du nord, cette région recélait une grande importance pour le pouvoir syrien, du fait de sa proximité immédiate avec Damas. En regagnant ce vaste territoire, utilisé par les rebelles pour lancer des mortiers sur la capitale, les forces pro-gouvernementales sanctuarisent de nouveau le cœur névralgique du système Assad.
" Même si Jaïch Al-Islam et les autres groupes ne constituaient pas une menace militaire importante, leur présence à quelques kilomètres de Damas représentait un défi intolérable pour les autorités, décrypte Sinan Hatahet, un analyste proche de l'opposition, basé en Turquie. Les tirs de mortier perturbaient à intervalles réguliers la vie à Damas et leur arrêt était demandé par toute la population de la capitale. En balayant les rebelles comme il l'a fait, le pouvoir remporte une victoire spectaculaire. " La monarchie saoudienne, longtemps à l'avant-garde du front anti-Assad, ne s'y est pas trompée. Fin mars, en tournée aux Etats-Unis, le prince héritier du royaume, Mohammed Ben Salman, a reconnu l'évidence : " Bachar va rester au pouvoir. "
Pour les rebelles, c'est un pas de plus vers une disparition programmée. Leur rétrogradation au rang de petite guérilla rurale, commencée après la chute d'Alep-Est, s'accélère. Les derniers secteurs qu'ils contrôlent dans la banlieue de Damas sont de petits faubourgs, au sud, comme Qadam, dont la reprise ne devrait pas demander beaucoup d'efforts aux autorités. " La route Damas-Homs est désormais sûre, comme la route de Deraa - au sud - et celle de Tartous - sur la côte - s'enthousiasme Taleb Ibrahim, un commentateur proche du régime. L'économie va pouvoir repartir. "
Mobilisations de la onzième heureCe succès a été obtenu au prix d'une offensive d'une très grande brutalité. Le gros du travail a été accompli par l'aviation syrienne et son homologue russe, qui ont largué sur la Ghouta une palette complète d'engins de mort : des barils explosifs rudimentaires aux bombes " bunker-buster " ultra-perfectionnées, destinés à perforer des fortifications souterraines, en passant par des bombes et des roquettes conventionnelles, des projectiles remplis de chlore et diverses armes bannies par les traités internationaux, comme des bombes incendiaires et à fragmentation. Le 7  avril, une attaque chimique d'une ampleur inhabituelle a tué une cinquantaine de personnes et en a blessé plusieurs centaines d'autres.
Ce blitz visait deux objectifs : d'une part segmenter la Ghouta en trois zones, correspondant aux fiefs des trois principaux groupes armés, de façon à les soumettre plus facilement, l'un après l'autre ; et d'autre part, châtier les civils, cibles prioritaires de l'offensive, pour briser leur moral et les inciter à se retourner contre les rebelles. " C'est de la tactique militaire classique, diviser pour mieux régner ", relève Sinan Hatahet.
En attaquant par l'est rural de la Ghouta, une zone de champs et de petites fermes, difficile à défendre, l'armée régulière et ses supplétifs ont pu rapidement progresser. Dès la mi-mars, les trois secteurs urbanisés de cette banlieue déshéritée – Douma, Harasta et Zamalka-Erbin – se sont retrouvés isolés les uns des autres, ce qui a accentué la discorde et la méfiance préexistant entre les factions. En  2016, puis en  2017, de violents combats avaient opposé les salafistes de Jaïch Al-Islam, accusés de prétentions hégémoniques, aux membres de Faylaq Al-Rahman, affilié à l'Armée syrienne libre, la branche modérée de l'insurrection.
C'est aussi à la mi-mars que des manifestations pro-régime sans précédent ont éclaté dans les communes agricoles du centre de la Ghouta encore tenues par les rebelles. A Saqba, Hammouriya, Mesraba et Kfar Batna, des cortèges relativement fournis ont défilé dans les rues, aux cris de " Allah, Syria, Bachar wa bass " (" Dieu, la Syrie, Bachar et c'est tout "), l'une des rengaines favorites des loyalistes, et en appelant au départ des combattants. Les troupes pro-gouvernementales se trouvant alors en lisière de ces localités, il est difficile de jauger la sincérité de ces rassemblements.
Les médias officiels y ont vu la preuve que le régime conservait, jusque dans la Ghouta, une base importante prête à se mobiliser au moindre signe de faiblesse des rebelles. Ils ont monté en épingle le rôle joué par un prédicateur soufi, Bassam Difdaa, présenté comme une taupe du pouvoir et l'instigateur d'une " contre-insurrection ". Les militants anti-Assad et certains observateurs jugent au contraire que ces mobilisations pro-régime de la onzième heure témoignent d'un simple réflexe de survie de la part d'habitants à bout de forces.
" Ce sont des gens qui ont vécu cinq ans sous les bombes, qui voient les soldats approcher, se sentent abandonnées par les groupes armés et décident de sauver leur peau en ouvrant des négociations avec les Russes ", estime Sinan Hatahet. La vérité se situe probablement entre ces deux thèses, avec comme résultat qu'à Kfar Batna et Saqba, la population a conclu un accord de réconciliation avec le régime, contre l'avis de Faylaq Al-Rahman, qui a tenté en vain de s'y opposer.
" En définitive, ce qui a permis au régime de l'emporter, c'est sa tactique punitive,selon Noah Bonsey, spécialiste de la Syrie à l'International Crisis Group. La brutalité choquante avec laquelle la bataille a été menée atteste une érosion flagrante des normes internationales. Passés les premiers jours, plus personne ou presque n'a réagi dans la communauté internationale. C'est une manière évidente d'inciter le régime à continuer. Mais cela aura des conséquences bien au-delà de la Syrie. "
Benjamin Barthe
© Le Monde


13 avril 2018

Le régime en position de force face aux derniers bastions rebelles

Le pouvoir syrien alterne combats et négociations pour vaincre les opposants qui lui résistent encore dans le reste du pays

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
La débauche de violence employée par l'armée syrienne durant la bataille de la Ghouta n'avait pas qu'un objectif tactique. L'écrasement programmé du bastion rebelle a été conçu comme un avertissement envoyé aux autres poches de résistance. Les autorités syriennes espèrent que leur victoire sans appel, à laquelle la communauté internationale n'a opposé que des protestations de pure forme avant d'agiter la menace de frappes à la suite à l'attaque chimique du 7 avril,devraitinciter d'autres groupes armés à capituler, sans même que les forces loyalistes n'aient à passer à l'assaut.
Les zones les plus susceptibles de céder, si la dynamique se poursuit en dépit des menaces occidentales, sont les réduits rebelles des environs de Damas, de Hama et de Homs. Une faction du Qalamoun, le chaînon montagneux au nord-est de la capitale, a déjà reçu une offre du pouvoir en forme d'ultimatum : soit le désarmement, soit l'évacuation. Des négociations ont aussi été ouvertes avec trois petites communes du sud de Damas, Yalda, Babila et Beït Sahm, tenues par des groupes rebelles dont l'activité militaire est gelée depuis plusieurs années. Là comme ailleurs, en plus de la menace d'une intervention militaire expéditive, le régime Assad use de promesses de " réconciliation ".
Procédure risquéeCe processus, baptisé " Taswiyat Al Awdaa " (régularisation de statut), permet aux suspects de subversion, qu'il s'agisse d'hommes armés ou de simples dissidents politiques, d'être amnistiés en échange d'un renoncement de leur part à toute activité anti-gouvernementale. Dans les faits, faute de confiance envers le régime et en raison de la terreur qu'inspirent ses geôles, les combattants et même les militants non-armés préfèrent souvent embarquer dans des busà destination des territoires rebelles du nord de la Syrie,que de se lancer dans cette procédure risquée, soumise à une période probatoire de six mois. C'est l'option qu'ont choisie les insurgés de Qadam, une autre petite banlieue de Damas, qui ont été évacués à la mi-mars, pendant les combats de la Ghouta. Quelques jours plus tard, une trentaine de soldats, venus investir le territoire abandonné, ont été tués par un petit groupe de combattants affiliés à l'organisation Etat islamique, postés en embuscade. Les djihadistes sont désormais seuls en contrôle de cette commune.
Dans le sud de Hama, la tactique de la carotte et du bâton, employée par le pouvoir syrien, lui a permis de reprendre trois villages sans tirer de coups de feu. Selon le site d'informations pro-régime Al-Masdar, les édiles de Taqsis, Imarah et Jamaqiliah ont accepté, au début de mois, une offre de " réconciliation ". Leur ralliement à Damas accentue la pression sur la poche de Rastan, vingt kilomètres plus au sud. Cette petite enclave, dernière possession des anti-Assad dans la province de Homs, pourrait se retrouver très vite confrontée au même dilemme : la reddition ou l'écrasement. " Le régime a les moyens de récupérer tous ces territoires de -petite taille à brève échéance ", convient Noah Bonsey, analyste à l'International Crisis Group.
Pour les deux dernières grandes zones rebelles, Idlib au nord-ouest, et Deraa, au sud-ouest, la tâche des autorités syriennes sera beaucoup plus ardue. Contrairement à la Ghouta, dont la maîtrise était un enjeu purement syro-syrien, ces deux espaces frontaliers sont imbriqués dans un grand jeu géopolitique régional.
La Jordanie, qui a sponsorisé un temps les rebelles de Deraa, ne verrait sûrement pas d'un très bon œil une attaque généralisée du régime dans cette région frontalière. La rupture du fragile -cessez-le-feu qui y est en vigueur pousserait des milliers de Syriens à fuir en direction du royaume hachémite. Une perspective peu réjouissante pour un pays qui accueille déjà plus d'un million de réfugiés.
Zone tamponIsraël, autre acteur de la scène politico-militaire du sud de la Syrie, a encore moins intérêt à une telle offensive. Les territoires tenus par la rébellion sur le plateau du -Golan servent de zone tampon de facto à l'Etat hébreu avec les unités du Hezbollah et les milices chiites pro-Téhéran présentes dans la province de Deraa. Israël redoute qu'un redéploiement des troupes du régime dans cette zone ne conduise à la création d'un Sud-Liban bis, c'est-à-dire à l'implantation, sur sa frontière, de forces ouvertement hostiles.
Dans le cas d'Idlib, fief de groupes radicaux très aguerris, comme Hayat Tahrir Al-Cham, une émanation d'Al-Qaida, la donne est encore plus complexe. L'armée syrienne ne pourra pas se risquer sur ce terrain sans un appui aérien massif de son allié russe. Or, dans son face-à-face avec les Occidentaux, Moscou a besoin d'Ankara, qui a fait du nord de la Syrie sa sphère d'influence. La Turquie dispose de postes d'observation militaires dans la province d'Idlib, qu'elle a entrepris de relier avec le canton kurde d'Afrin, plus au nord, récemment conquis par son armée, avec la bénédiction du Kremlin.
" Damas voit la présence turque dans le nord comme une occupation, alors que la Russie au contraire la facilite ", résume Noah Bonsey. Le régime Assad reste obligé de composer avec les intérêts de ses voisins et de son protecteur russe. La reconquête totale de la Syrie, antienne de -Bachar Al-Assad, est encore loin d'être achevée.
B. Ba.
© Le Monde


13 avril 2018

Trump menace puis temporise après l'attaque chimique

Le président américain entend frapper l'armée syrienne tout en ménageant la Russie, mais le Pentagone hésite

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Une atmosphère de drôle de guerre s'est imposée à Washington, mercredi 11  avril. La journée a débuté une nouvelle fois par une salve de messages publiés sur le compte Twitter de Donald Trump, qui laissait augurer d'une riposte -imminente des Etats-Unis à l'attaque chimique imputée au régime syrien contre la ville rebelle de Douma, dans la banlieue de Damas, le 7  avril. Cette menace s'est cependant dissipée au fil de la journée.
" La Russie promet d'abattre tous les missiles lancés contre la Syrie. Prépare-toi, Russie, parce qu'ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents” ! ", a assuré le président, tôt dans la matinée, en réponse à des propos de l'ambassadeur de Russie au Liban. Ce dernier avait affirmé, sur la chaîne du Hezbollah – la milice chiite -alliée au régime de Bachar Al-Assad – qu'en cas de frappe des Etats-Unis, " les missiles seront détruits, de même que les équipements d'où ils ont été lancés ".
" Vous ne devriez pas vous associer à un animal tueur au gaz, qui tue son peuple et qui aime ça ", a assuré M. Trump dans une allusion à Bachar Al-Assad. " Nous ne participons pas à la tweeto-diplomatie. Nous sommes partisans d'approches sérieuses ", a  rétorqué un porte-parole du Kremlin.
La formulation du président évoquait une réponse américaine dans les plus brefs délais. Elle a rompu avec l'engagement maintes fois répété de ne jamais dévoiler ses intentions à  l'avance au nom d'une imprévisibilité érigée en valeur cardinale de sa présidence. " Si nous attaquons, alors prenons-les par surprise ", avait-il ainsi estimé en août  2013, alors simple citoyen, lors d'une phase d'extrême tension entre Washington et Damas.
" Toutes les options sur la table "Ces intentions belliqueuses exprimées publiquement ont semblé prendre de court le Pentagone qui, interrogé, a renvoyé vers la Maison Blanche. Tout en s'en tenant à une prudente réserve, la porte-parole, Sarah Sanders, y  a assuré en début d'après-midi que" le président tient la -Syrie et la Russie pour responsables de cette attaque aux armes chimiques ", mais que si " toutes les options sont sur la table ", " la décision finale n'a pas été prise ".
Le secrétaire à la défense, James Mattis, s'est pour sa part aussi employé à dissiper toute impression d'urgence. L'ex-général des marines a assuré être " prêt à fournir des options militaires appropriées, comme le président l'a déterminé ", tout en assurant n'en avoir pas encore terminé avec l'analyse de l'attaque du 7  avril : " Nous évaluons toujours le renseignement, nous-mêmes et nos alliés, nous travaillons encore sur ce point. "
Le président lui-même avait rapidement changé de ton sur la Russie dans la matinée. Cinquante minutes après son message vindicatif, il a voulu se montrer plus conciliant. " Notre relation avec la Russie est pire maintenant qu'elle ne l'a jamais été, y compris pendant la guerre froide. Il n'y a pas de raison à cela. La Russie a besoin que nous l'aidions pour son économie, ce qui serait très facile à faire, et nous avons besoin que toutes les nations travaillent ensemble. Arrêter la course aux armements ? ", a estimé le président qui venait pourtant de promettre une pluie de missiles sur des objectifs en Syrie.
Selon le quotidien russe Kommersant" la Russie s'attend à recevoir du Pentagone les coordonnées des cibles visées par les Etats-Unis, comme ça s'est passé le 7 avril 2017 avant la frappe américaine sur la base d'Al-Chayrat. Ceci est nécessaire pour éviter des pertes côté russe, car les officiers russes sont présents sur des dizaines de sites syriens ".
Mardi, l'impasse constatée au Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) avait rendu inéluctable une riposte justifiée par les Etats-Unis au nom du refus de la banalisation du recours à des armes non conventionnelles.
Ambivalence vis-à-vis de MoscouLa temporisation constatée le lendemain renvoie sans doute au bilan négatif tiré des frappes de missiles de croisière décidées par Donald Trump le 7  avril 2017 après une attaque similaire à celle de Douma, également prêtée au régime syrien. Ces représailles avaient pour objectif de le dissuader d'employer de telles méthodes contre les bastions de l'opposition armée. Le bombardement de Douma a souligné la vanité de cette ambition, alors que le régime de Bachar Al-Assad s'était pourtant engagé, en  2013, à renoncer à ses armes chimiques, sous supervision russe. La préparation d'une riposte plus élaborée qu'il y a un an pourrait expliquer l'absence de réponse immédiate.
L'interpellation de la Russie par M. Trump, puis ses propos plus pacifiques, ont rappelé ensuite l'ambivalence du président vis-à-vis de son homologue russe, Vladimir Poutine. Son administration a érigé la Russie en rivale des Etats-Unis dans sa vision stratégique publiée en décembre 2017, puis sanctionné Moscou en renvoyant des diplomates et en adoptant des mesures punitives pour avoir interféré dans des élections occidentales.
Donald Trump a pourtant félicité Vladimir Poutine après sa réélection au terme d'une présidentielle étroitement contrôlée, et ne cesse de mettre en avant les avantages d'une relation normalisée.
La première réaction virulente du président des Etats-Unis doit enfin être replacée dans le contexte des tensions créées par la perquisition par la police fédérale (FBI), lundi, des bureaux de son avocat personnel, Michael Cohen. Une opération parallèle à l'enquête du procureur spécial, Robert Mueller, consacrée aux interférences russes dans la campagne présidentielle de 2016. Recevant brièvement la presse au début d'une rencontre avec les principaux responsables militaires américains, le même jour, Donald Trump s'était d'ailleurs emporté contre ce qu'il avait qualifié de " honte " et d'" attaque contre notre pays ".
Le président a relié mercredi les deux dossiers, toujours sur -Twitter. " L'animosité avec la Russie est largement causée par l'enquête russe, fausse et corrompue, aiguillée par des démocrates ", a assuré M. Trump. Cette animosité ne pourra pourtant que s'accentuer si le président des Etats-Unis finit par passer à l'action en Syrie.
Gilles Paris
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire