Amesure que s'approche la date anni-versaire des 50 ans de Mai 68, la vague -com-mé-morative ne cesse d'enfler, à la télévision comme à la radio ? cette dernière bénéficiant d'un petit supplément d'âme historique. Grâce à l'essor du transistor, mais aussi à un audiovisuel -public muselé, la radio a été un acteur majeur des événements dans la diffusion de l'information, mais aussi comme -espace de dialogue entre les -leadeurs du mouvement et les -représentants de l'Etat. Cinq -décennies plus tard, porté par une effervescence créatrice liée au développement du podcast, ce média a toujours de beaux atouts à faire valoir. France Culture et Emmanuel Lau-rentin, producteur de " La Fabrique de l'Histoire ", l'ont bien compris : ils -expérimentent, avec Mai 68 : -retour au Quartier latin, une -nouvelle forme de documentaire itinérant et immersif.
Inspirée du concept des audioguides, cette formidable balade géolocalisée en son binaural (en trois dimensions) propose rien de moins que de traverser le temps et l'espace pour revivre in situ, dans les lieux emblématiques, la révolte estudiantine, et, au-delà, ces -quelques semaines qui ébranlèrent la France.
Faux policiers et vrais tagsAvis aux amateurs de voyages spatio-temporels : pour vous projeter au milieu des manifestations, des AG tempétueuses ou des rues encombrées de barricades, il faudra vous munir d'un smartphone, sur lequel vous -téléchargerez l'application Izi -Travel. Et, coiffé d'un casque – préférable aux oreillettes, afin de profiter pleinement de l'effet enveloppant et immersif du son 3D –, vous vous rendrez au 45, rue d'Ulm, à l'entrée de l'Ecole -normale supérieure (ENS), haut lieu d'une
" longue tradition -subversive ", comme le relate -l'historienne Ludivine Bantigny à -l'entame de cette promenade d'une heure quinze.
Quinze, c'est aussi le nombre d'étapes qui scandent, à coups de slogans, d'archives, d'extraits -musicaux, de flashs info, de -témoignages et d'éclairages, ce parcours aussi dense que riche, aussi instructif qu'illustratif, aussi tumultueux que chahuteur. Le son immersif -produisant d'étranges effets sur l'imagi-nation, -certains sans doute se -surprendront à -sursauter au -passage d'une mobylette, à -esquiver des jets – tout aussi -virtuels – de boulons et de pavés, voire à longer les murs à l'arrivée des forces de l'ordre… Sans parler de l'étrange effet de réel que -procure aujourd'hui la vision des slogans et tags contre Emmanuel Macron ou celle de la présence de cars de CRS stationnés devant la Sorbonne.
De la rue d'Ulm, on chemine -jusqu'au Théâtre de l'Odéon -devant lequel on écoutera – solennellement ou pas – le général de Gaulle annoncer, le 30 mai 1968, la dissolution de l'Assemblée -nationale. Tout au long de la balade, l'auditeur est guidé dans l'espace par la voix de Renaud -Dalmar, le réali-sateur, dont on saluera le travail de -marqueterie -sonore. Pour l'histoire, Emmanuel Laurentin prend le -relais qui, chemin faisant, interroge les historiennes Ludivine Bantigny et Julie Pagis, d'anciens étudiants tels que -Do-minique -Tabah, Alain Schnapp, ou -encore des leadeurs comme Pierre -Rousset (membre dirigeant de la -Jeunesse communiste révolutionnaire), Alain -Krivine (fondateur du même mouvement) et, bien sûr, Alain Geismar.
Autant de rencontres qui -permettent, entre témoignages, souvenirs, anecdotes et analyses, d'appréhender ce mois de mai éruptif à tous points de vue – et de célébrer de la plus réjouissante des manières la -radio.
Christine Rousseau
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