MA FRANCE INSOUMISE
https://melenchon.fr/2017/12/25/ca-narrete-pas/
Ça n’arrête pas !
Et toc ! J’avais prévu mon coup. Mon post du lendemain de Noël est prêt. Mes amis Jean-François et Antoine le publient aussitôt. Que l’adversaire se le dise : nous ne dormons jamais que d’un œil. Voici donc des lignes qui vagabondent sur des sujets de la semaine passée. Je n’en rajoute pas. Je me suis fait reprocher à l’Assemblée nationale d’annoncer des désastres comme si je les souhaitais. À mon invitation à nous rendre maîtres de nos destins, on m’a répondu avec les maximes de la grand-mère de monsieur Darmanin pourtant ministre « de l’action ». Selon elle, à force d’annoncer des malheurs, ils finiraient par arriver !
Les macronistes pensent que quand on parle d’un malheur, il arrive. Et sinon ? Il n’arrive pas ? Donc : plus un mot, en période dites des fêtes, sur les folies de Trump au Moyen-Orient et en Ukraine, rien sur la bulle financière prête à éclater, rien sur le dérèglement climatique. Car si ça se produit ça fera vraiment très mal. Vous avez compris que ce final de la session parlementaire m’a renforcé dans l’envie de me battre encore et toujours contre un monde mené de cette manière aveuglée. J’y crois. Que faire d’autre ? C’est la saison qui veut ça. Dorénavant, la lumière l’emporte sur la nuit à chaque tour de piste d’une journée. Inéluctable.
Ma pensée, et la vôtre je le sais, reste avec les pauvres gens à la rue dont la misère ne se contente pas du silence des puissants pour disparaître, avec les gamins à l’abandon dans le pays et dans la neige des chemins de passages de montagnes. Et une pensée pour ceux qui, ces nuits que voici, restent aux postes de travail pour nous tous.
Cette fin d’année me trouve frais et dispo. Quoique je n’ai eu aucun coup de blues ni déprime que m’ont attribué les bavards médiatiques, j’avais bien besoin d’une bonne montée au créneau de luttes après le big flop syndical sur les ordonnances. J’ai donc repris des forces au combat parlementaire contre la loi sur la sélection à l’Université. Mais j’ai assisté avec un vif plaisir à l’épuisement nerveux prévisible de la majorité parlementaire.
Il y fonctionne dorénavant des groupes de soutien psychologique. La crise frappe à tous les étages. Les pétages de plomb à répétition du sieur François de Rugy annonçant au perchoir qu’il modifiera la Constitution si les députés ne sont pas sages nous ont bien distraits. Autant que ses crises d’autorité à propos des teeshirts. Pauvre petit bonhomme ! On se souvient des moqueries de tous ces importants quand on leur disait qu’il fallait des vacances et que les séances de nuit étaient plus usantes que tout le reste ? Et leurs larbins dans les médias qui glosaient ! Ah ! Ah ! Attendez la suite, vous ne serez pas déçu. Tel est le sort promis aux armées d’opéras.
Pour le reste, je ne me risque pas à un bilan. Je méditerai ça au calme. Chaque mot pouvant donner lieu à buzz repris en boucle, le silence et l’absence sont devenus des stratégies de communication qui en valent d’autres. On a vu ce qu’il pouvait en coûter d’aller « parler aux Français » depuis une tribune glauque comme je l’ai fait en faisant confiance à France 2 et son « Émission politique ». De toute façon je nous crois tous capables d’aller à l’essentiel du sens qui se dégage de ces douze mois.
Pour le peuple français, ce fut une grande calamité que d’avoir été privé du choix entre le Macronisme d’un côté et nous de l’autre. Car c’est l’alternative politique réelle à ce moment de l’Histoire. Le libéralisme ou l’humanisme politique. Le deuxième tour, piège à gogos, préparé de longue main, et sauvé en dernière minute par de valeureux chiens de garde, a fonctionné. Le Pen a donc été rejetée et, donc, Macron est élu. L’oligarchie a pavoisé. Depuis, les 90 % de la presse tenus par 9 milliardaires ne reculent plus devant aucun ridicule pour encenser leur poulain. Car le président des riches les a gavés d’argent comme personne avant lui en aussi peu de temps. Plus de dix milliards en direct sur leurs biens personnels. Et le maintien de tout ce que Hollande avait déjà donné. Au peuple de payer ce lourd tribut.
Pauvre peuple. Au premier choc, une terrible défaite lui a été infligée sur ce qui est l’essentiel de son quotidien : le code du travail. La tactique macronienne du choc frontal a payé. Epuisé par la bataille sans issue contre la loi El Khomri, dirigé d’après d’étroits calculs boutiquiers, le mouvement social s’est dilué dans le sable des journées d’action sans horizon et sans union. Le reste a suivi quasi sans combat social organisé. Loi de finances pour les riches, loi de finances sur la sécu amputée de 5 milliards, loi Université et ainsi de suite : tout y est passé.
Pourquoi se gêner ? Le PS s’est quasiment auto-dissous, les Verts ont disparu et ce qu’il reste de PCF met davantage d’énergie à nous tirer dessus qu’à faire quoique ce soit d’autre. Mais la faiblesse de Macron est qu’il ne peut compter que sur des effets résultant de l’auto-blocage de ces appareils pour avancer. Il n’y a pas, si peu que ce soit, de dynamique populaire pour lui. Mais il est vrai qu’il s’installe à droite en devenant son leader d’évidence. Et cela d’autant plus après l’élection de Wauquier à la tête du parti Républicain. Il a donc assuré son emprise à droite et il l’élargit d’heure en heure. Il avance dans un concert de louanges et de servilité grisant. Il peut croire qu’il va s’envoler. Mais il sait bien qu’il n’en est rien. C’est pourquoi il est engagé dans une charge permanente.
Patience. Ne pas lâcher prise. Front après front, tenir la tranchée. Le reste suivra inéluctablement. Ma thèse est qu’à la première place qui résistera, il trébuchera. D’un côté il n’y a pas de majorité pour sa politique. De l’autre le dégagisme n’a rien perdu de sa vigueur. Ce fut d’ailleurs l’année du dégagisme le plus éclatant. Après la présidentielle et les législatives, chacune sous sa forme, le dégagisme a continué sa pénétration en profondeur. Le vote en Corse l’a démontré, une fois de plus, pour clore l’année électorale.
Dans ce contexte, pour nous, ce fut une année remarquable. Celle où nous avons fait 20% des voix à l’élection présidentielle, celle où nous sommes devenus un mouvement politique de masse à travers la tenue de trois Conventions et la collecte de six cent mille signatures d’appuis à notre programme politique, celle où nous avons constitué à nous seuls un groupe politique à l’Assemblée nationale. Celle où chacun a compris que la suite est dans nos rangs. Et que nous construisons de la cave au toit une nouvelle maison pour tous.
Là encore il faut de la patience. Même le « rassemblement de la gauche » si cher aux vieux appareils ne nous mène pas à plus de trente-cinq pour cent. À supposer que les additions fonctionnent, ce qui n’est pas le cas, il faudrait alors se demander comment arriver à 51 %. Avec l’union des ambiguïtés et le cortège des bilans personnels à trainer, c’est impossible. Plus que jamais « fédérer le peuple » est le chemin pour nous. Il n’y a pas le choix. C’est un travail en profondeur et en patience à accomplir. Il ne se traite pas comme par le passé en appuyant sur d’improbables boutons à mobilisations qui de toute façon n’existent plus. Tout part du terrain, de son auto-organisation, sans raccourci, sans tambour ni trompette.
Ce travail sérieux est lancé. Il faut des mois pour que des objectifs de cette nature infusent dans la profondeur des réseaux de notre mouvement dans un environnement social amplement en état de choc et de sidération. Mais c’est lancé. Ville après ville les insoumis mettent en place des agendas d’action. Evidemment, à la rentrée, nous retrouvons le travail de mobilisation contre la loi sur la sélection à l’entrée de l’Université. Les rendez-vous d’action sont fixés. Chacun est appelé à tenir son poste de combat avec sérieux et opiniâtreté. Ce sera le code de conduite pour toute l’année qui vient. Marcher sur deux jambes : la vie institutionnelle démocratique, la vie d’éclaireurs des chemins de luttes. Il ne fait aucun doute que les envies de mobilisations et les luttes en cours expriment un état du pays plus propice qu’il n’y parait. Et nous avons un avantage rare dans la sphère politique : nous savons ce que nous voulons et comment y parvenir.
À l’assemblée générale des Nations Unies en 2015, l’Europe s’était engagée à « mettre un terme à la surpêche » et « aux pratiques de pêche destructrices » à l’horizon 2020. En Europe, la directive cadre « Stratégie pour le milieu marin » dicte de « préserver les écosystèmes marins ». Et elle précise : « cette approche devrait prendre en compte les zones protégés et porter sur l’ensemble des activités humaines ayant un impact sur le milieu marin ». Bel et bon. Mais ce ne sont une fois de plus que de louables intentions. Les lobbies de Bruxelles ont tôt fait de les interpréter en sens exactement contraire quand il le faut. Car dans les faits, la situation est à l’inverse.
Le 27 novembre dernier au port de Calais, se réunissaient les marins pêcheurs des Hauts-de-France. Ils pêchent dans les mêmes eaux que les Néerlandais qui pratiquent activement la « pêche électrique ». D’après nos pécheurs, cette pêche épuise la faune marine au-delà de tout ce qui avait été constaté jusque-là. Il s’agit d’une pratique très violente. Les chaluts à perches possèdent des filets fixés à une armature rigide et lestés pour racler les fonds ; dans le cas de la pêche électrique, les chaînes sont remplacées par de gros câbles chargés d’électrodes. De là partent des décharges dans le sédiment afin de capturer plus facilement les poissons plats qui s’y trouvent.
On connaît les impacts sur les espèces pêchées de cette façon. La situation actuelle en Mer du Nord alarme scientifiques et pêcheurs responsables. Tous témoignent des lourdes conséquences de la pratique sur les poissons et les écosystèmes : altération de la reproduction, dommages sur les œufs et juvéniles, réduction de l’apport en nourriture, affaiblissement du système immunitaire et vulnérabilité accrue aux agents pathogènes, bancs entiers de poissons présentant des ecchymoses, modifications de la chimie de l’eau, et tout ce qu’on ne sait pas encore. D’après une étude du ministère de l’Agriculture néerlandais, 50 à 70% des cabillauds de grande taille pêchés de cette façon ont la colonne vertébrale fracturée. Les indices de gravité de la situation ne manquent pas. Déjà on observe une baisse stupéfiante des populations marines. « Entre 3 et 20 nautiques, il n’y a plus de petits poissons » explique le président du Comité des pêches du Nord-Pas-de-Calais/Picardie. D’où un épuisement accéléré des espèces frappées. C’est bien pourquoi la pêche électrique est interdite en Europe depuis 1998, au même titre que la pêche à l’explosif. Tout comme au Brésil, aux USA, en Australie…
La question vient sur le tapis parce que le Parlement européen est saisi d’une proposition de règlement. En effet, la politique commune de la pêche (PCP), pourtant entrée en vigueur en janvier 2014, est déjà jugée complexe et même assez incohérente. Officiellement, il a été proposé de modifier les mesures techniques régissant les modalités d’exercice de la pêche ainsi que les lieux de pêche. Ces mesures techniques ont pour finalité annoncées de contrôler les captures et de réduire au minimum les incidences de la pêche sur l’écosystème. Ah les braves gens ! Mais on mesure vite l’écart traditionnel entre les intentions annoncées et les mesures prises effectivement. Car le 21 novembre dernier, la commission PECH du Parlement européen a accepté par 23 voix contre 3 l’élargissement des autorisations de pêche électrique. Et cela au nom des méthodes « protectrices » ! On croit rêver. Mais c’est évidemment une aubaine pour certains.
En effet depuis 2007, des révisions successives de ce règlement ont permis aux Néerlandais, féroces défenseurs de cette méthode de pêche, d’obtenir une batterie de dérogations. Ainsi, depuis 2013, la réglementation prévoit que les États membres peuvent équiper en électrodes jusqu’à 5% de leur flotte de chalutiers à perche dans la mer du nord. Cependant, d’après les recherches de l’association Bloom, les Pays-Bas ont déjà violé la réglementation en vigueur. En effet ils ont équipé – au titre de « la recherche et de l’innovation » – 28% de leurs chalutiers à perche. Soit 84 navires ! On est loin de la modeste tentative expérimentale promise.
Une fois la « méthode » de pêche électrique mise en débat au Parlement européen, les lobbies ont su trouver les mots pour continuer à euphémiser le problème. Foin du spectacle consternant des ramassages de poissons à la colonne vertébrale brisée. Motus sur les fonds vides de toute vie animale ! En commission PECH du Parlement européen, des députés de la droite ont proposé plutôt de voir les choses sous un angle plus euphorique. Ils ont donc déposé des amendements pour définir cette méthode de pêche comme étant « innovante ». L’adjectif ébahissant vaut blanc-seing et droit à subventions quasi automatique.
Notre député Younous Omarjee est monté en ligne pour proposer des amendements supprimant totalement la possibilité de recourir à la pêche électrique. Sa bataille a aussi été une bataille de retardement pour que la mobilisation de l’opinion ait le temps de s’organiser. En vain pour l’instant. Car si l’on s’en tient aux résultats du vote de la commission, la pêche électrique serait bel et bien autorisée en mer du Nord sans limitation. Mais elle pourrait aussi très probablement être utilisée en dehors de la mer du Nord par des navires de pêche en tant que « méthode de pêche innovante ». Et cela pour tous les types de pêche.
Le doute s’installant quand même, la commission PECH n’a pas donné de mandat de négociation au rapporteur Gabriel Mato, membre espagnol du Parti Populaire Européen (PPE). Pas d’arrangement discret possible, donc. Dès lors, le rapport et le mandat de négociation devront être votés en session plénière. Ces votes devraient avoir lieu à la prochaine session plénière en janvier 2018.
Si le document est adopté en plénière, le Parlement européen engagera une négociation avec le Conseil des gouvernements pour parvenir à une position commune. C’est comme ça que ça fonctionne puisqu’il s’agit d’une procédure dite « en co-décision » une des merveilles institutionnelles de l’Union Européenne. On peut donc craindre le pire, sans pessimisme excessif. Raison de plus pour s’engager. Nous avons commencé à l’Assemblée nationale française. D’abord en posant une question d’actualité au gouvernement en séance plénière et publique. Par la voix d’Adrien Quatennens, député de Lille. Les pécheurs de son secteur sont en effet concernés. Mais l’intention était aussi de mettre sa notoriété au service d’une cause dont l’enjeu dépasse le cadre géographique. Puis nous avons cherché et trouvé des partenaires dans les rangs des autres formations politiques présentes à l’assemblée. En fait, le député Joachim Son-Forget, de « La République en Marche », et co-animateur avec moi de la mission Mers et Océans de l’Assemblée nationale, a posé une question en novembre dernier sur le même sujet. Nous pensons qu’il a été heureux de croiser notre chemin.
Entre ses initiatives et les nôtres, un parcours a été mis au point. Premier temps : nous déposons une tribune de presse commune à des députés de divers groupes. Deuxième temps nous déposons une résolution commune sur le bureau de l’Assemblée. Troisième temps, action au Parlement européen pour la date du vote le 17 janvier. Nous verrons si des mobilisations associatives ont lieu pour les appuyer et nous y joindre quand ce sera possible. Je crois que c’est là un exemple de l’intensité du déploiement de notre groupe parlementaire sur les dossiers de l’écologie. Les deux meneurs de cette action dans la commission concernée, Mathilde Panot et Loïc Prudhomme, ne restent pas confinés dans le rôle de « spécialistes » d’un domaine d’action. Ils impliquent dans l’action tous les membres du groupe, quel que soit leur domaine.
Lundi 18 décembre, la séance plénière à l’Assemblée nationale examinait un projet de loi autorisant la ratification d’un accord de « coopération renforcée » entre l’Union européenne et le Kazakhstan. Pourtant aucune discussion n’était d’abord prévue sur cet accord. Inscrit en « procédure simplifiée », le texte devait passer en vote sans débat dans l’hémicycle. Le gouvernement ne voulait pas qu’on s’appesantisse sur les relations entre l’Union européenne, ce pays et le nôtre. Mais la discussion a pu avoir lieu. En effet je l’ai obtenue de droit ainsi que j’en ai le pouvoir en tant que Président de groupe.
Ce fut un moment terrible et honteux. L’épouvantable mauvaise foi des contempteurs de la démocratie au Venezuela s’est donnée en spectacle sans vergogne. Car au moment de décider une « coopération renforcée » il a bien fallu supporter ma dénonciation du régime en place au Kazakhstan. Beaucoup dans l’hémicycle découvraient de quoi et de qui il s’agissait. Les députés de « La République en Marche » dont le grand chef et président avait dénoncé comme « dictateur » Nicolas Maduro, le président du Venezuela, ont dû regarder ailleurs et lever le bras pour voter à ce qui revient à une amnistie en faveur d’un abominable tyran, Noursultan Azerbaïev, président à vie du Kazakhstan. Le tout sans prononcer un mot de critique ni de réserve. Pire : en s’abaissant à lui adresser des compliments indignes de députés d’un pays libre.
Car le régime politique du Kazakhstan qui dure sous l’autorité de la même personne depuis 1984 est bien éloigné du bla-bla bien-pensant de tous ces amis des prétendues « valeurs » de l’UE qui demande aujourd’hui une « coopération renforcée » avec lui. L’OSCE considère qu’aucune des élections organisées au Kazakhstan depuis la chute de l’URSS ne peuvent être considérées comme libres. Lors des dernières élections, face à 3 concurrents choisis par ses soins, Nazerbaïev a réalisé le score de 95% des voix. Un progrès car, la fois précédente, il n’avait obtenu que 90% des suffrages. Dans ce pays, les brutalités policières sont la règle. 163 cas de tortures ont été recensés pour la seule année 2016. Et 17 infractions sont toujours passibles de peine de mort. Les communications électroniques et internet sont publiquement et systématiquement contrôlées par le gouvernement. En effet depuis une loi passée en 2016 un « certificat national de sécurité » est imposé pour tous les utilisateurs d’internet. Tout cela n’empêche pas l’article 235 de l’accord négocié par l’Union européenne de rappeler « l’attachement des parties aux droits de l’homme ». C’est clair ? Nous signons un accord où nous reconnaissons que l’autre partie a le même attachement que nous aux droits de l’homme….
À la tribune de l’Assemblée, cet accord a donné lieu à une écœurante défense du régime dictatorial de Nazarbaïev. Plusieurs députés « En Marche » ou de la droite se sont enfoncés dans une ignominie assumée qu’il faudra savoir leur rappeler quand ils reviendront prendre leurs grands airs à propos du Venezuela. Ainsi, le député LR Jean-Luc Reitzer m’interpelle directement à la tribune pour me faire remarquer que « certains progrès ont été accomplis récemment ». Pour lui, on peut fermer les yeux sur les crimes du tyran puisqu’il a « assuré une certaine stabilité au Kazakhstan ». L’orateur de la majorité, le député Pierre Cabaré a présenté Noursoultan Nazarbaïev comme un ami de la démocratie. Il a pu affirmer que « le Président Nazarbaïev a loué les valeurs françaises, dont il s’inspire ». Pour lui, le régime en place, bien que dénoncé par toutes les ONG, « s’inspire très largement des principes et des valeurs prônés par la Charte des Nations Unies ».
De même, il n’a semblé problématique à aucun des députés des autres groupes que les articles 240 à 243 de l’accord de « coopération renforcée » se réclament de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Pourtant le Kazakhstan est classé 131ème sur 176 en matière de corruption par l’association Transparency international. Ses dirigeants sont soupçonnés d’avoir corrompu des Français dans le cadre d’une vente d’hélicoptère. La justice française enquête en ce moment même, saisie de faits de « blanchiment en bande organisée », « corruption d’agents publics étrangers » et « complicité et recel ». J’ai donc soulevé tous ces points à la tribune de l’Assemblée en espérant convaincre. En vain. Tous les groupes, à par la « France Insoumise », ont voté pour l’accord. Seul le député Denis Sommer de « la République en Marche » s’est abstenu.
Tous les autres grands esprits et indignés permanents des causes recommandées par les USA ont prouvé là ce qu’ils sont en réalité : de pauvres perroquets ou des ignorants irresponsables. Quant aux médias, on n’est guère surpris par leur silence. Mais pour le plaisir de stigmatiser le niveau honteux auquel ils peuvent s’abaisser, on doit les mettre au défi. On attend donc avec intérêt de voir Madame Salamé interroger sur le Kazakhstan qui elle veut parmi les responsables des partis qui viennent de voter une « coopération renforcée » avec ce pays et son dictateur. Sans oublier Apathie, Cohen et tous les indignés a géométrie variable. Ils ne le feront pas davantage que pour l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Ukraine et n’importe lequel des États dictatoriaux et corrompus qui conviennent aux États-Unis. Et qui arrosent le monde médiatico-politique de faveurs diverses. Car le Kazakhstan est en cause dans une affaire de rétro-commission sur des officiels français. Mais il exporte aussi beaucoup vers la France. De l’uranium. Celui du nucléaire qui nous rend indépendant paraît-il. De l’argent, beaucoup d’argent, circule autour du Kazakhstan. Dès lors, on comprend que l’Union européenne « qui nous protège », incapable de défendre les valeurs dont elle se réclame en Pologne, Hongrie ou Autriche, propose aussi des « coopérations renforcées » avec les pires dictatures.
Et pendant ce temps, toujours au nom des « valeurs » dont se réclament ces amis du régime tortureur de Nazarbaïev, le Parlement européen vote des sanctions contre le Venezuela. Et il accorde à l’opposition du Venezuela son prix « Sakharov » attribué aux défenseurs de la liberté. Que cette opposition soit en réalité multiple et divisée, qu’elle se livre des guerres mortelles entre elle, ne dérange aucun de ces grands esprits. Et donner des violents en modèle d’opposition ne les dérange pas davantage.
Pourtant, ce mardi 19 décembre, Oscar Perez, opposant violent au régime, s’est vanté publiquement de l’attaque d’une caserne de la Garde Nationale Bolivarienne. Il s’y est emparé de 26 fusils AK-103 avec 108 chargeurs et 3 pistolets 9 mm et 3 chargeurs. Des armes de guerre, pour quel débat ? Et d’abord, qui est cet Oscar Perez, opposant héros des européens ? Un ancien policier qui revendique le renversement du gouvernement Maduro par les armes. Il s’est fait connaître le 27 juin dernier, au milieu d’une vague de manifestations contre le président Maduro. Ce jour-là, Perez et d’autres amis de l’Union européenne et de Léa Salamé avaient survolé Caracas à bord d’un hélicoptère de la police scientifique dont ils s’étaient emparés. Ils avaient lancé démocratiquement quatre grenades sur le Tribunal de la Cour Suprême de Justice et ouvert le feu avec lyrisme sur le ministère de l’Intérieur.
Tel est le style ordinaire de l’opposition primée par l’Union Européenne qui a le mérite d’agir alors qu’elle manque de papier hygiènique comme nous l’a appris Léa Salamé. Oscar Perez est, depuis une autre attaque armée au mois d’août, accusé d’attaque terroriste et un mandat d’arrêt a été lancé contre lui. Une odieuse persécution, cela va sans dire. Il sera surement défendu avec ardeur sur France 2. Pourtant ce genre d’attaque n’est pas anodin. Il s’inscrit dans un renouveau généralisé du climat de violence organisée à l’initiative des USA dans de nombreux pays d’Amérique latine. Le parti médiatique, génétiquement atlantiste, fait le service après-vente par son silence, ses mascarades et ses diversions sur le Venezuela.
La fraude électorale au Honduras a provoqué 15 morts lors des affrontements de l’armée avec les partisans de la démocratie. Après quoi le président putschiste, Juan Orlando Hernandez nomme René Orlando Ponce Fonseca comme nouveau Chef d’Etat-major. Ce nom ne dit rien à personne ici, mais sur place c’est un synonyme de ce qu’il y a de pire. Car cet homme a été à la tête des escadrons de la mort une organisation paramilitaire responsable de milliers de disparus. Cela veut dire que kidnapping, tortures, exécutions sommaires vont recommencer dans ce pays. Tout le monde le sait. Le silence sur le sujet dans notre chère « Europe des droits de l’homme » et du prix Sakharov n’est sûrement pas obtenu par le gouvernement du Honduras. Il n’a pas les moyens de l’acheter. Les USA de Trump, par contre, sont en état d’ordonner et d’être obéi.
On voit de quel côté est la duplicité, la mauvaise foi, la servilité à l’égard des puissants et des pires violents. On comprend peut-être mieux l’énormité du montage qu’a été le traquenard que nous a tendu France 2 à propos du Venezuela. On comprend mieux peut-être le mépris et le dégoût que de tels gens nous inspirent. On suivra donc avec attention ce que Macron va proposer pour faire cesser « la honte nationale » qu’il a dénoncé à ce sujet.



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