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vendredi 22 décembre 2017

Le discret ménage de Facebook dans ses pages

22 décembre 2017

Le discret ménage de Facebook dans ses pages

Au cours de l'année, le réseau social en a supprimé des centaines. Un phénomène loin d'être isolé

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MÉTHODOLOGIE
Recensement
L'équipe des Décodeurs duMonde répond quotidiennement aux rumeurs et intox qui circulent en ligne. Depuis le début de l'année, nous avons systématiquement recensé les canaux de diffusion de ces intox afin de mieux comprendre ce phénomène. Ce travail nous a permis d'identifier, au 1er  décembre, 2  865 liens vers des publications sur Facebook.
L'intégralité de ce recensement a été effectuée en respectant une méthodologie claire  : nous n'avons compilé que des messages reprenant des fausses informations  ; à chaque fois, nous avons indiqué précisément dans notre base de données quelle était l'affirmation problématique et pourquoi elle l'était  ; ces démentis ont tous fait l'objet de publications sur le site du Monde.
Souvent critiqué pour être trop timide face aux contenus malveillants, Facebook a durci le ton. La plate-forme (dont Le Monde est partenaire pour la vérification d'informations signalées comme fausses par des utilisateurs) a supprimé des centaines de pages importantes au cours de l'année, sans jamais livrer de liste précise des communautés concernées et des motifs de leur blocage. Quelques cas ont été médiatisés récemment, comme la fermeture de la page du militant d'extrême droite Alain Soral, celle du site parodique belge Nordpresse.com ou encore celle de l'entreprise française Firerank.
Les données accumulées par Le Monde au cours des derniers mois montrent que le phénomène est loin d'être isolé. En enquêtant sur la circulation des fausses informations, un travail de plusieurs mois qui nous a permis d'identifier près de 3 000 publications mensongères sur Facebook, nous avons en effet découvert que bon nombre étaient inaccessibles quelque temps plus tard, pour diverses raisons. Les différents recoupements que nous avons effectués ont montré que, sur les 1 198 pages et profils Facebook présents dans notre base de données parce qu'ils ont fait circuler au moins une fausse information que nous avions repérée, 147 étaient inaccessibles ces derniers jours. Cela représente environ 10  % de notre échantillon.
Contacté, Facebook n'a pas répondu pour l'heure à nos demandes de précisions sur les motifs ayant amené à ces blocages de pages, l'entreprise refusant de commenter des cas individuels. Une certitude tout de même : la grande majorité d'entre elles sont hors ligne depuis des semaines, voire des mois, et ne seront donc pas remises en ligne prochainement. Et si elles ont été supprimées, ce n'est a priori pas parce qu'elles diffusaient de fausses informations, mais parce qu'elles ne se conformaient pas aux conditions d'utilisation de Facebook, en publiant par exemple des contenus racistes. Notre travail nous a également permis de retrouver, dans la majorité des cas, des données sur le nombre d'abonnés dont disposaient ces pages avant de disparaître, ainsi qu'une typologie de leur contenu. A lui seul, notre échantillon de pages supprimées réunissait plus de 50  millions de fans Facebook.
De véritables businessParmi les dix pages les plus suivies, on trouve essentiellement des communautés qui diffusaient des contenus sensationnalistes ou " piège à clics ", comme Le Petit Buzz, qui réunissait près de 5  millions d'abonnés avant d'être supprimée. On peut ainsi supposer que ces pages ont été principalement épinglées, comme la société française Firerank en novembre, pour des pratiques de " fraude aux “like” ". Il s'agit, par exemple, du fait d'utiliser des boutons invisibles pour faire s'abonner des internautes à leurs pages, sans qu'ils en aient conscience.
Derrière ces pages sensationnalistes, on trouve une vingtaine de pages Facebook politiques, en grande majorité d'extrême droite (comme Je suis français, On aime la France ou SOS Racisme anti-blanc), qui ont semble-t-il, été visées à cause de la publication de contenus racistes ou haineux.
Certes, les conditions générales d'utilisation de la plate-forme sont publiques. Mais la mise en application de ces grands principes pose tout de même question.
Dans certains cas, personne, y compris le propriétaire d'une page fermée, n'est jamais réellement en mesure de connaître les circonstances exactes d'une fermeture de page. Impossible également de savoir combien de pages ont été closes au total en  2017. Justifiées ou non, les décisions de Facebook peuvent dès lors paraître arbitraires, voire abusives, puisqu'elles sont peu expliquées.
Pourtant, ces communautés qui regroupent bien souvent des centaines de milliers, voire des millions d'internautes, ont désormais une place prépondérante dans la diffusion des informations en ligne, de bonne qualité ou non. Elles cachent également dans bien des cas de véritables business. Vu les intérêts en jeu, les détenteurs des pages Facebook visées ont donc beau jeu de dénoncer la " censure ", comme n'a pas manqué de le faire Alain Soral, pourtant déjà condamné pour des propos antisémites par le passé.
Adrien Sénécat
© Le Monde

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