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lundi 13 novembre 2017

Les Crises.fr - Manuel Valls en spectre du recours social-national, par Antoine Perraud


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13
Nov
2017

Manuel Valls en spectre du recours social-national, par Antoine Perraud


Source : Mediapart, Antoine Perraud, 10-11-2017
L’éconduit Manuel Valls ne s’avoue pas vaincu. Guerrier de la politique, il entame uneReconquistadémagogique, labourant de vieilles ornières et soufflant sur de vieilles braises. Là tout n’est qu’ordre et identité, crise, affres et grondement…
Manuel Valls tente, sous nos yeux, un passage en force qui lui ferait gagner la seconde manche d’une bataille perdue dans les années 1930 par ses ancêtres idéologiques, les néo-socialistes. Marcel Déat, Adrien Marquet et quelques autres entendaient alors renouveler l’offre politique (comme on ne disait pas encore), avec pour slogan : « Ordre, autorité, nation ». Ivres du pouvoir pour le pouvoir, ces « néos » promettaient aux classes moyennes, déboussolées dans une Europe naufragée, la force plutôt que la justice sociale, la sécurité davantage que l’égalité, la haine d’ennemis intérieurs à poursuivre en meute au lieu d’un idéal de fraternité.
Mais ces butors nerveux, haineux, périlleux, tombent sur un os subtil en la personne du chef de leur parti : Léon Blum. Celui-ci, lors d’un congrès de la SFIO au palais de la Mutualité à Paris, en juillet 1933, fait preuve d’une lucidité visionnaire. La clique des « néos » se pare d’un discours de gauche pour camoufler ses pulsions carnassières. Marquet prétend instituer un ordre contre le désordre du capitalisme effréné, « impuissant à diriger les forces aveugles qu’il a déchaînées ».

Pas dupe pour un sou, Léon Blum se déclare « épouvanté », avant de faire tomber les masques : « Il y a eu un moment, Marquet, où je me suis demandé si ce n’était pas le programme d’un parti social-national de dictature. » Et le successeur de Jaurès d’asséner une vérité qui nous parle encore huit décennies plus tard, nonobstant les subjonctifs imparfaits alignés comme à la parade : « Ce que je redoutais, c’est qu’en voulant barrer la route du pouvoir au fascisme, on ne se jetât plus ou moins consciemment à sa suite. C’est qu’en voulant détourner du fascisme sa clientèle possible, on en vînt à offrir au même public, par les mêmes moyens de publicité, un produit à peu près analogue. Je redoutais qu’on transformât ainsi le socialisme, parti de classe, en un parti de déclassés. Je redoutais qu’en procédant comme le fascisme, en faisant appel, comme lui, à toutes les catégories d’impatiences, de souffrance, d’avidité, on ne noyât l’action du parti socialiste sous ce flot d’aventuriers – aventuriers bien souvent par misère et par désespérance – qui a porté tour à tour toutes les dictatures de l’Histoire. On ne détruit pas l’idéologie fasciste en la plagiant ou en l’adoptant. »
Enfonçant le clou, en direction de Déat cette fois, Léon Blum fustige une « conception du socialisme dans le cadre national » « Eh bien, quand je vois cela, je me demande ce qui reste de la doctrine du socialisme international qui a été le nôtre. »
En 2017, le PS a disparu corps et âme et aucune autorité morale ou politique n’y peut endiguer la dynamique rageuse du « néo » Manuel Valls. Léon Blum n’est plus là pour lui écrire, comme à l’adresse de ses fâcheux précurseurs : « On ne sauve pas les libertés par l’autorité, ou bien on les sauve selon la manière bien connue d’Ugolin qui dévorait ses enfants pour leur conserver un père. » (« Parti de classe et non pas parti de déclassés »Le Populaire, 19 juillet 1933) (1)
Ces alarmes d’hier sont nos signaux de détresse d’aujourd’hui. En septembre 2016, un successeur lointain et détérioré du grand leader socialiste, François Hollande, devenu président de la République – et s’étant exercé cinq ans durant au pouvoir au lieu de l’exercer –, vend la mèche d’une façon confondante. Dans un entretien pour la revue Le Débat, fondée par l’historien Pierre Nora qui a défendu et illustré la notion de « lieu de mémoire », François Hollande tombe dans le piège jadis signalé par Léon Blum : « Je n’écarte pas la question de l’identité au prétexte que d’autres s’en seraient emparés. S’ils s’en sont saisis, c’est parce qu’elle avait été délaissée. »
La tentation du plagiat et de l’adoption de l’idéologie propre à l’extrême droite, écartée par Blum, revient donc sous Hollande. Celui-ci n’a pas le courage de rompre avec les « néos » du jour, mais les prend sous son aile : croyant les étouffer, il est contaminé.
Jean-Marie Le Guen, poisson pilote de Manuel Valls, enterre du reste le PS, précisément en ce même mois de septembre 2016 : « Il est déjà mort, si vous voulez. Bon. Il faut donc recréer une nouvelle structure, d’un parti progressiste, républicain, qui soit en phase avec les besoins du pays. » Pour lui, l’essentiel s’avère d’être désormais de plain-pied avec le débat dominant, c’est-à-dire « la civilisation » :« Je préfère parler de civilisation plutôt que d’identité », précise-t-il.
Voilà un écho assourdissant aux propos tenus en juillet 1933, à la Mutualité, par Adrien Marquet : « Ah ! Si la grande force que représente le socialisme était capable d’apparaître, dans le désordre actuel, comme un îlot d’ordre et un pôle d’autorité, quelle influence serait la sienne, quelles possibilités d’actions véritables s’offriraient alors à lui ! La dominante, dans l’opinion publique, c’est la sensation du désordre et de l’incohérence. Ordre et autorité sont les bases nouvelles de l’action que nous devons entreprendre pour attirer à nous les masses populaires. »
Cependant, au lieu de répondre « je suis épouvanté », comme jadis Léon Blum, François Hollande […]Lire la suite
Source : Mediapart, Antoine Perraud, 10-11-2017
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