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vendredi 10 novembre 2017

" La France s'est habituée à la pauvreté "

 
10 novembre 2017

" La France s'est habituée à la pauvreté "

La présidente du Secours catholique s'alarme du manque d'intérêt du gouvernement à l'égard des pauvres

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LES CHIFFRES
13,9 %
C'est le taux de pauvreté en France en 2016, selon les indicateurs de l'Insee publiés le 17 octobre. Un chiffre en recul de 0,3 point. Cette légère inflexion est due à la création de la prime d'activité, en remplacement de la prime pour l'emploi, qui cible mieux les actifs les plus modestes. L'indicateur de pauvreté n'a cependant pas encore rattrapé son plus bas de 2008, alors de 13 %.
677 euros
C'est le seuil de grande pauvreté, soit 40 % du revenu médian mensuel, qui était de 1 692 euros en 2015. Il touche 3,4 % des ménages. C'est moins qu'en 2012 (4 %) mais plus qu'avant 2008 (3,1 % en 2006 et 2007). Le seuil de pauvreté concerne, lui, les personnes qui vivent avec 60 % du revenu médian, soit 1 015 euros.
Alors que les " Paradise Papers " mettent en lumière les montages -financiers d'optimisation fiscale pratiqués par des multinationales ou des grandes fortunes, le Secours catholique publie, jeudi 9  novembre, son rapport annuel sur la pauvreté. Si la situation ne s'aggrave pas, elle ne s'améliore pas non plus pour les 9  millions de personnes qui, selon l'Insee, vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 1 015  euros par mois).
En  2016, les 68 000 bénévoles de l'association ont rencontré 1,4 million de personnes venues chercher de l'aide, une écoute ou un conseil (60,2  %), une aide -alimentaire (56  %) ou un dépannage pour régler des factures d'eau ou d'énergie (18,5  %). Présidente du Secours catholique depuis juin  2014, Véronique Fayet, s'alarme d'une politique " anti-pauvres " du gouvernement.


Votre rapport montre que la pauvreté ne s'aggrave pas. C'est une bonne nouvelle ?

Malheureusement non, car elle ne recule pas. Les personnes rencontrées ont en moyenne 548  euros par mois, 3  euros de plus qu'en  2010 ! Celles qui ont un revenu – et 52  % des personnes accueillies sont actives – voient, -elles, leurs ressources progresser, de 10  euros, bien moins que le renchérissement du coût de la vie.
Enfin, près d'un ménage sur cinq (19  %) n'a aucune ressource, cinq points de plus qu'en  2010, dont 53  % d'étrangers. C'est une stagnation sans amélioration, avec le risque d'une banalisation. Tout semble indiquer que, depuis quatre ou cinq ans, on s'habitue à ces taux élevés d'une pauvreté qui touche par ailleurs maintenant près de 3 millions d'enfants.


Qui sont les familles pauvres ?

Il y a des profils très variés. Nous constatons, par exemple, une précarisation croissante des seniors qui représentent, en  2016, 10  % de notre public, contre 5  % en  2000 : les carrières heurtées, incomplètes, et les temps partiels expliquent leurs faibles retraites. Les femmes veuves, divorcées ou séparées ont des pensions de réversion misérables et elles se retrouvent dans un profond isolement. Nous voyons aussi de plus en plus de familles, notamment monoparentales – trois ménages sur dix –, et des couples avec enfants : ils représentent 24  % de nos bénéficiaires (22  % en  2010).
Les étrangers sont très présents, ils représentent 40  % des personnes que nous rencontrons, soit 10 points de plus qu'en  2010, avec une proportion grandissante de femmes. Ils sont sans papiers (20  %, le double d'il y a cinq ans), en attente d'un statut, réfugiés (40  %) ou européens, essentiellement des familles Roms en provenance de Roumanie ou de Bulgarie. -Contrairement aux idées reçues, ces familles ont très peu recours aux aides : seules 29  % touchent le revenu de solidarité active (RSA) alors que, étant européennes, elles y auraient toutes droit.


Que pensez-vous de la politique du gouvernement envers les pauvres ?

Je constate une sorte de politique anti-pauvres, avec des signes négatifs : baisse des allocations logement, suppression de 200 000 contrats aidés… Le minimum vieillesse et l'allocation pour adulte handicapé ont été rehaussés, pas le RSA, une manière de dire que les pauvres, sauf s'ils sont vieux ou handicapés, n'ont qu'à travailler. Vis-à-vis des riches, en revanche, les signaux positifs se multiplient et les dizaines de milliards d'euros de l'évasion et de la fraude fiscales me mettent en colère, alors qu'il suffirait d'un petit milliard d'euros pour, par exemple, rétablir les contrats aidés.


Où en est la concertation lancée, le 17  octobre, par l'exécutif pour refonder l'action sociale ?

Au point mort. Aucune réunion de travail n'a été organisée. On nous avait annoncé la nomination imminente d'un délégué interministériel à la lutte contre la pauvreté et puis plus rien… Plusieurs personnes pressenties auraient refusé la mission, sans doute devant l'incertitude des moyens et de la feuille de route. Pourtant, il y a urgence.


Que préconisez-vous pour -sortir les familles de cette pauvreté qui s'enkyste ?

L'action sociale doit s'intéresser aux familles, sous tous les aspects, logement, santé, emploi et formation ; 40  % de notre public a un niveau d'école primaire et a besoin de formation, mais seul 1  % en bénéficie. Nous attendons avec impatience la réforme sur la formation. Le gouvernement promet 40 000 places en pensions de famille ou en maisons relais, tout en baissant de 1,5  milliard le budget logement 2018 et en supprimant les aides à la pierre pour des logements très sociaux : il y a, selon moi, un manque de cohérence.


Y a-t-il des mesures spécifiques à prendre pour les étrangers ?

Oui, ce public est frappé par la très grande pauvreté. Il faut avoir le courage de régulariser, notamment les familles qui n'ont pas le droit de travailler ou de se loger. Plusieurs milliers d'entre elles vivent depuis des années à l'hôtel, avec des problèmes de santé, de promiscuité et de déscolarisation. Ce ne sont pas de gros effectifs, quelques dizaines de milliers de personnes, mais cela donnerait un peu d'air à notre système d'hébergement, actuellement asphyxié.


Souhaitez-vous une refonte des aides sociales ?

Depuis 1945, on a empilé les différentes aides et atteint une grande complexité, avec pas moins de dix minima sociaux ! Le système est illisible pour les travailleurs sociaux comme pour les bénéficiaires, dont certains, d'ailleurs, renoncent à leurs droits pour cette raison. Il est aussi mal accepté par les Français qui travaillent et galèrent et ont l'impression que les pauvres profitent du système, ce qui est faux. Tout cela nuit gravement à la cohésion sociale et nous appelons, par exemple, à fusionner, simplifier ces aides. On sait ce qu'il faut faire. Maintenant, il faut des actes.
propos recueillis par Isabelle Rey-Lefebvre
© Le Monde

10 novembre 2017.

Le Samusocial alerte sur la situation des femmes

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Des femmes qui dorment dehors. En France, c'est une réalité quotidienne, qui concerne 22 % des personnes isolées sans domicile. " A Paris, nous ne trouvons pas de solutions à trois demandes sur quatre, pire que pour les hommes dont la moitié des demandes sont satisfaites ", explique Christine Laconde, la directrice du Samusocial de la capitale. En  2016, cette antenne a reçu 5 400 appels de femmes seules. Mercredi 8  novembre, elle a lancé sa plate-forme " La rue avec elles " pour récolter des dons et réunir des moyens pour ce dispositif.
Pascaline Koua est dehors depuis maintenant huit mois. Cette Ivoirienne de 43 ans a quitté son pays pour fuir la guerre et soutenir sa famille. " J'appelle le 115, mais on me dit qu'il n'y a pas de place. Alors je me réfugie à la gare de Lyon mais impossible de dormir avec le bruit, la foule, la peur… C'est dangereux. "
Un pis-aller est d'attendre, chaque jour vers 15 heures, à La  Villette, un bus bondé jusqu'au centre d'hébergement et d'assistance aux personnes sans abri de Nanterre (Hauts-de-Seine). Le voyage peut durer une heure : " Mais on ne peut pas s'asseoir et on se fait agresser, toucher par des hommes ", témoigne Pascaline. Sans compter que ce centre est l'un des lieux les plus redoutés des personnes sans abri : " Il n'y a pas de -sécurité. Il y a des fous, des bagarres. Et le lendemain matin, à 8 h 30, le bus nous ramène à La  Villette. " Le seul répit, pour Pascaline, est de se rendre au centre de jour La Halte Femmes, géré par l'association Aurore, situé près de la gare de Lyon, où elle peut petit-déjeuner, se laver, se reposer et se soigner.
" Ces femmes se rendent invisibles car la rue est beaucoup plus dangereuse pour elles que pour les hommes, observe Mme Laconde. Il faut créer des places d'accueil d'urgence pour elles, avec des bus qui leur sont réservés, et renforcer les maraudes pour aller à leur rencontre. "
I. R.-L.
© Le Monde

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