31
Juil
2017
La Mort de la Vérité, par Chris Hedges
Source : Truthdig, Chris Hedges, 19-05-2017
Cet entretien a été publié la première fois le 6 mai 2013. C’est un projet commun à Truthdig et au magazine The Nation. Nous republions l’article de Chris Hedges paru dans Truthdig, alors que la Suède vient d’abandonner l’enquête pour viol visant Julian Assange.
LONDRES – Un petit bout du vaste réseau souterrain d’agences de renseignement gouvernementales, qui sur la planète entière cherchent à détruire Wikileaks et à arrêter son fondateur, Julian Assange, émerge devant le bâtiment de briques rouges de Hans Crescent Street qui abrite l’ambassade d’Équateur. Assange, le plus célèbre des réfugiés politiques, a trouvé refuge dans cette ambassade depuis juin dernier. La police britannique en veste de Kevlar noir est perchée nuit et jour sur les marches menant au bâtiment, et d’autres attendent dans le hall situé juste devant la porte de l’ambassade. Un officier se dresse au coin d’une rue transversale faisant face à l’emblématique magasin Harrods, à un demi-bloc de Brompton Road. Un autre officier surveille de la fenêtre d’un immeuble voisin, à quelques mètres de la chambre d’Assange, à l’arrière de l’ambassade. La police occupe 24h/24 une camionnette de télécommunications bardée d’un réseau d’antennes qui interceptent probablement toute forme de communication électronique provenant de l’appartement d’Assange, au rez-de-chaussée.
Le Metropolitan Police Service (MPS), ou Scotland Yard, annonce que le coût estimé de sa présence autour de l’ambassade d’Équateur, depuis le 19 juin 2012, quand Assange est entré dans le bâtiment, jusqu’au 31 janvier 2013, représente environ 4,5 millions de dollars.
La Grande-Bretagne a rejeté une demande de l’Équateur visant à assurer une liberté de mouvement d’Assange jusqu’à l’aéroport. Il est dans des limbes. C’est comme vivre, dit-il, dans une « station spatiale ».
« Le statu quo, pour eux, est un échec », a déclaré Assange en évoquant la campagne menée contre lui par les États-Unis, alors que nous étions assis dans son petit bureau, encombré de câbles et de matériel informatique. Ses cheveux étaient entièrement gris, sa barbe de plusieurs jours grisonnait et il portait une chemise blanche brodée traditionnelle en Équateur. « Le Pentagone a menacé WIkiLeaks et moi personnellement, nous a menacés devant le monde entier, a demandé que nous détruisions tout ce que nous avions publié, demandé que nous cessions de « solliciter » de nouvelles informations de la part de lanceurs d’alertes du gouvernement américain, exigeant, en d’autres termes, la totale disparition d’un éditeur. Il a été dit que si nous ne nous détruisions pas nous-mêmes de cette façon, nous serions « contraints » à le faire. »
« Mais ils n’y sont pas parvenus », a-t-il poursuivi. « Ils ont décidé des règles du jeu pour gagner. Ils ont perdu sur tous les fronts qu’ils avaient eux-mêmes définis. Leur échec est total. Nous avons remporté le gros lot. Ils ne peuvent pas perdre davantage la face. Le Pentagone a renouvelé ses menaces le 28 septembre de l’année dernière. Cette fois, nous avons rigolé. Les menaces ont rapidement grandi. Désormais, le Pentagone, la Maison-Blanche et le département d’État ont l’intention de montrer au monde quels perdants vindicatifs ils font en persécutant Bradley Manning, moi-même et plus généralement l’organisation. »
Assange, Manning et WikiLeaks, en rendant publics en 2010 un demi-million de documents internes issus du Pentagone et du département d’État, avec une vidéo de 2007 montrant des pilotes d’hélicoptère américains abattant nonchalamment des civils irakiens, dont des enfants et deux journalistes de Reuters, ont effectivement révélé l’hypocrisie de l’empire, sa violence aveugle et son usage de la torture, ses mensonges, sa corruption et ses tactiques brutales d’intimidation. WikiLeaks a éclairé certains aspects obscurs des agissements internes de l’empire – le rôle le plus important de la presse – et pour cela, est devenu une proie de l’empire. Tous ceux sur Terre qui ont des compétences informatiques pour découvrir les secrets de l’empire sont désormais ceux que l’empire craint le plus. Si nous perdons cette bataille, si ces rebelles sont vaincus, cela nous mènera à la nuit noire d’un totalitarisme institutionnel. Si nous l’emportons, si l’État institutionnel est démasqué, il pourra être détruit.
Des officiels du gouvernement américains, selon des câbles diplomatiques australiens obtenus par The Saturday Age, décrivent la campagne contre Assange et WikiLeaks comme « sans précédent à la fois par sa nature et sa taille ». L’envergure de l’opération a également été appréciée au travers de déclarations faites durant l’audition avant le procès de Manning. Le département américain de la Justice paiera apparemment le sous-traitant ManTech de Fairfax, à Vancouver, plus de 2 millions de dollars cette année, simplement pour un système informatique qui, selon l’appel d’offres, semble conçu pour gérer les documents d’accusation. Le poste de budget gouvernemental correspondant ne mentionne qu’une « maintenance du software et du hardware de WikiLeaks ».
Le procureur en chef du gouvernement dans le dossier Manning, le major Ashden Fein, a dit à la cour que le dossier du FBI qui traite de la fuite des documents gouvernementaux via WikiLeaks contient « 42135 pages dans 3475 documents ». Ceci ne comprend pas un important volume de documents accumulés par l’enquête du grand jury. L’affaire Manning, affirme Fein, ne représente que 8741 pages dans 636 documents différents dans ce dossier classifié du FBI.
Il n’y a aucune divergence entre les ministères du gouvernement ou les deux principaux partis politiques sur le sort prévu pour Assange. « Je pense que nous devons être clairs sur ce point. WikiLeaks et les gens qui diffusent des informations aux gens comme cela sont des criminels, d’abord et avant tout », a déclaré le secrétaire à la presse de l’époque, Robert Gibbs, porte-parole de l’administration Obama, durant une conférence de presse en 2010.
La sénatrice Dianne Feinstein, Démocrate, et le sénateur Christopher S. Bond, Républicain, ont écrit dans une lettre commune adressée au procureur général plaidant pour les poursuites contre Assange : « Si M. Assange et ses éventuels complices ne peuvent être condamnés en vertu de l’Espionage Act (ou de tout autre loi applicable), sachez que nous sommes prêts à nous joindre à vos efforts pour « combler ces lacunes » juridiques, que vous avez également mentionnées… »
La Républicaine Candice S. Miller, représentante américaine du Michigan, a déclaré à la Chambre : « Il est temps que l’administration Obama traite WikiLeaks pour ce qu’elle est, une organisation terroriste, dont les opérations permanentes menacent notre sécurité. Fermez-la. Interdisez-la. Il est temps de fermer ce site web terroriste, WIkiLeaks. Fermez-le, monsieur le procureur général [Eric] Holder. »
Au moins une dizaine d’agences gouvernementales américaines, incluant le Pentagone, le FBI, le département d’investigation criminelle de l’armée, le ministère de la Justice, le Bureau du directeur du renseignement national et le service de la sécurité diplomatique, sont affectées à l’affaire Wikileaks, tandis que la CIA et le Bureau du directeur du renseignement national sont chargés de retracer les atteintes présumées de Wikileaks à la sécurité. Cette attaque mondiale — qui a vu l’Australie menacer d’annuler le passeport d’Assange — fait partie de la terrifiante métamorphose de la « guerre contre la terreur » en une guerre plus large contre les libertés civiles. C’est devenu non pas une chasse à de vrais terroristes, mais une chasse contre tous ceux qui ont la capacité de dénoncer les crimes de plus en plus nombreux de l’élite au pouvoir.
Le coup de filet a ramassé toute personne ou organisation ayant le profil de ceux qui ont les compétences techniques et l’envie de fouiller dans les archives du pouvoir et de communiquer [l’information] au public. Il n’importe plus qu’ils commettent un crime ou non. Les Anonymous, qui ont multiplié les cyberattaques sur des agences gouvernementales, au niveau local ou fédéral, ont vu Barrett Brown — un journaliste associé aux Anonymous qui s’est spécialisé dans les entreprises prestataires militaires et de renseignement – arrêté en même temps que Jeremy Hammond, un militant politique soupçonné d’avoir transmis à WikiLeaks 5,5 millions d’e-mails échangés entre la société de sécurité Strategic Forecasting (Stratfor) et ses clients. Brown et Hammond ont été apparemment arrêtés en raison d’allégations faites par un informateur du nom de Hector Xavier Monsegur— connu sous le pseudonyme de Sabu — qui semble avoir tenté de piéger WikiLeaks alors qu’il était sous la surveillance du FBI.
Pour piéger et espionner des militants, Washington utilise un réseau d’informateurs. Adrian Lamo, qui a dénoncé Bradley Manning au gouvernement américain, en fait partie.
Les collaborateurs de Wikileaks ou ses soutiens sont régulièrement arrêtés – souvent dans des aéroports internationaux – et des tentatives sont faites pour les recruter comme informateurs. Jérémie Zimmerman, Smári McCarthy, Jacob Appelbaum, David House et l’un des avocats d’Assange, Jennifer Robinson, ont tous été approchés ou interrogés. Ces tactiques ont souvent la main lourde. McCarthy, un activiste d’Icelander et de WikiLeaks, a été détenu et interrogé en profondeur lorsqu’il est entré aux États-Unis. Peu de temps après, trois hommes qui se sont identifiés comme étant du FBI se sont approchés de McCarthy à Washington. Les hommes ont tenté de le recruter comme informateur et lui ont donné des instructions sur la façon d’espionner WikiLeaks.
Le 24 août 2011, six agents du FBI et deux procureurs ont atterri en Islande dans un jet privé. L’équipe a raconté au gouvernement islandais qu’un plan des Anonymous visant à attaquer des ordinateurs du gouvernement islandais avait été découvert. Mais il a vite été évident que l’équipe était venue dans un tout autre but. Les Américains ont passé les quelques jours suivants, en violation flagrante de la souveraineté islandaise, à interroger Sigurdur Thordarson, un jeune militant de WikiLeaks, dans diverses chambres d’hôtel de Reykjavik. Après que l’équipe a été découverte par le ministère de l’Intérieur islandais et expulsée du pays, Thordarson a été emmené à Washington pour quatre jours d’interrogatoire supplémentaires. Thordarson semble avoir décidé de coopérer avec le FBI. Selon la presse islandaise, il se serait rendu au Danemark en 2012 et aurait vendu au FBI des disques durs volés sur des ordinateurs de WikiLeaks pour la somme de 5 000 $ environ.
Il y a eu des ordres secrets pour obtenir des informations de fournisseurs de services en ligne, dont Twitter, Google et Sonic, et également une saisie d’informations sur Assange et WikiLeaks opérée dans la société Dynadot, un registre de noms de domaine et hébergeurs Internet.
La valise et l’ordinateur d’Assange lui ont été volés sur un vol Suède Allemagne le 27 septembre 2010. Ses cartes bancaires ont été bloquées. Son compte principal de donations Moneybookers a été ferméaprès avoir été placé sur liste noire en Australie et sur une « liste de surveillance » aux États-Unis. Les sociétés de services financiers, incluant Visa, MasterCard, PayPal, Bank of America, Western Union et American Express, à la suite de la dénonciation de Wikileaks par le gouvernement américain, ont blacklisté l’organisation. Le mois dernier, la Cour suprême d’Islande a déclaré illégale la mise sur liste noire et ordonné qu’elle soit levée en Islande le 8 mai. L’infrastructure de Wikileaks a subi de fréquentes et massives attaques par déni de service.
Il y a aussi une campagne bien orchestrée de diffamation contre Assange, dont la fausse caractérisation sous la forme d’une accusation d’actes sexuels inappropriés, portée contre lui par la police suédoise. Assange n’est pas formellement accusé de crime. Les deux femmes impliquées ne l’ont pas accusé de viol.
L’héroïsme de Bradley Manning va jusqu’à son refus inébranlable, en dépit de ce qui apparaît comme une pression incroyable, d’impliquer Assange pour espionnage. Si Manning prétendait qu’Assange lui a donné des instructions sur la manière de dénicher des documents classifiés, les Américains pourraient en effet essayer d’accuser Assange d’espionnage.
Assange a trouvé refuge dans l’ambassade d’Équateur, après avoir épuisé ses possibilités d’éviter l’extradition du Royaume-Uni vers la Suède. Lui et ses avocats disent qu’une extradition vers la Suède entraînerait une extradition vers les États-Unis. Si la Suède refusait de se plier aux exigences des États-Unis au sujet d’Assange, l’enlèvement ou la « restitution exceptionnelle » resteraient une option pour Washington.
L’enlèvement a reçu un cadre légal dans un mémorandum de 1989 émanant du ministère de la Justice et selon lequel « le FBI a la possibilité d’utiliser son autorité statutaire pour enquêter et arrêter des individus ayant violé la loi des États-Unis, même si les actions du FBI contreviennent au droit coutumier international » et « une arrestation qui est incompatible avec des lois étrangères ou internationales ne viole pas le quatrième amendement ». C’est un exemple stupéfiant du double langage orwellien de la Sécurité et de la surveillance d’État. La persécution d’Assange et de WikiLeaks et la pratique de la restitution extraordinaire incarnent la mise en pièces du quatrième amendement, qui a été conçu pour nous protéger d’enquêtes et d’arrestations arbitraires et requiert que tout mandat soit judiciairement approuvé et soutenu par un motif valable.
Deux Suédois et un Britannique ont été arrêtés par les États-Unis en août dernier quelque part en Afrique – on suppose que c’était en Somalie – et détenus sur un de nos sites secrets. Ils sont soudainement réapparus – avec le Britannique déchu de sa nationalité – dans un tribunal de Brooklyn en décembre, accusés de terrorisme. La Suède, au lieu de protester contre l’extradition de deux de ses ressortissants, a abandonné les charges suédoises contre les prisonniers, pour permettre leur restitution. Ces prisonniers ont été, d’après le Washington Post, secrètement inculpés par un grand jury fédéral deux mois après leur arrestation.
La détermination de WikiLeaks, en dépit de l’avalanche d’attaques, est remarquable. En 2012, le site a publié des extraits des 5,5 millions de documents envoyés ou reçus par la société privée de sécurité Stratfor. Les documents, connus comme les « dossiers du renseignement mondial », contiennent un e-mail daté du 26 janvier 2011, émanant du vice-président de Stratfor, Fred Burton, qui indique : « Texte à ne pas divulguer. Nous [le gouvernement US] avons un acte d’accusation officiel contre Assange. Svp, gardez secret. »
Le dernier essai de révélation totale de WikiLeaks porte sur les dossiers Kissinger, via la Bibliothèque publique WikiLeaks sur la diplomatie américaine. Les fichiers, pourvus d’un moteur de recherche remarquable, donnent accès à 1,7 million de communications diplomatiques autrefois confidentielles, mais maintenant du domaine public, qui ont été envoyées entre 1973 et 1976. Henry Kissinger, secrétaire d’État de septembre 1973 à janvier 1977, est l’auteur de nombre de ces 205 901 câbles en lien avec ses activités.
Dans les dossiers, il apparaît que l’ancien Premier ministre Rajiv Gandhi pourrait avoir été recruté par le groupe suédois Saab-Scania pour l’aider à vendre son avion de chasse Viggen à l’Inde lorsque sa mère, Indira Gandhi, était Premier ministre.
En 1975, Kissinger au cours d’une conversation avec l’ambassadeur américain en Turquie et deux diplomates turc et chypriote assura à ses hôtes qu’il pouvait contourner un embargo officiel sur les armes, alors en vigueur. Voici ses propos, cités dans les documents : « Avant la loi sur la liberté d’informer, j’avais coutume de dire lors des réunions : « L’illégal, nous pouvons le faire maintenant, l’inconstitutionnel prend un peu plus de temps ». (rires). Mais depuis la loi sur la liberté d’informer, j’ai peur de dire des choses comme cela. »
Les documents, qui détaillent aussi la collaboration avec les dictatures militaires d’Espagne et de Grèce, montrent que Washington a créé une exception à la torture pour permettre au gouvernement militaire du Brésil de recevoir l’aide américaine.
Les documents proviennent de l’Administration des rapports et archives nationales (NARA) et ont requis une année de préparation pour être accessibles dans un format numérique. « C’était la tâche principale d’Aaron Swartz, de rendre disponibles des documents qui jusqu’à présent étaient difficiles d’accès ou accessibles seulement via des intermédiaires », a précisé Assange au cours de l’entretien.
Swartz est le militant d’Internet arrêté en janvier 2011 pour avoir téléchargé plus de 5 millions d’articles universitaires de JSTOR, un centre de diffusion en ligne pour les revues savantes. Swartz a été mis par les procureurs fédéraux sous le coup de deux chefs d’accusation pour fraude électronique et de onze violations de la loi sur les fraudes et infractions informatiques. Les accusations représentaient la menace d’une amende de 1 million de dollars et de 35 années de prison. Swartz s’est suicidé le 11 janvier dernier.
Assange, 41 ans, travaille la majeure partie de la nuit et dort en fin d’après-midi. Même s’il s’éclaire avec des lampes à lumière ultraviolette, il est pâle, ce qui n’est pas surprenant pour quelqu’un qui n’est pas sorti à la lumière du jour depuis presque un an. Il donne rarement des entretiens. Un tapis de course est posé contre un mur dans son appartement. Il dit qu’il le déplie et essaie de courir entre cinq et huit kilomètres tous les jours. Il reçoit la visite d’un entraîneur personnel, avec lequel il fait de la gymnastique et de la boxe. Il a une allure dégingandée avec son 1,89 m et il émane de lui une énergie brute, nerveuse. Il saute, parfois de manière déconcertante, d’un sujet à un autre, d’une idée à une autre, ses mots se précipitant pour suivre le flot de ses pensées. Il travaille avec une petite équipe et voit défiler de nombreux visiteurs, incluant des personnalités comme Lady Gaga. Quand l’ambassadrice équatorienne Ana Alban Mora et Bianca Jagger sont venues un après-midi, Assange a sorti des verres et servi à chacune du whisky d’un stock de bouteilles qu’il garde dans un petit buffet. Ses visiteuses ont discuté autour d’une petite table ronde, assis dans des fauteuils en simili-cuir. Jagger voulait savoir comment protéger son site Web de hackers. Assange lui a dit de « faire beaucoup de copies de sauvegarde ».
C’est de cette pièce qu’Assange et ses soutiens ont monté une campagne électorale pour un siège de député au Parlement d’Australie. Les enquêtes d’opinion publique de l’État de Victoria, où Assange est candidat, indiquent qu’il a de bonnes chances de gagner.
Assange communique avec son réseau international d’associés et de supporters jusqu’à 17 heures par jour, avec des téléphones cellulaires et toute une série d’ordinateurs portables. Il crypte ses communications et déchiquette soigneusement tout ce qui a été écrit. Il a du mal à dormir à cause des mouvements fréquents du cordon de police sous ses fenêtres. Et son fils, qu’il a élevé seul, lui manque. Il a peut-être également une fille, mais il ne parle pas publiquement de ses enfants, refusant de donner leur âge et l’endroit où ils vivent. Sa famille, dit-il, a reçu des menaces de mort. Il n’a pas revu ses enfants depuis que ses ennuis judiciaires ont commencé. Le coût émotionnel est aussi élevé que le coût physique.
D’après Assange, le rôle principal de WikiLeaks est de porter la voix des victimes des guerres américaines et des guerres menées par alliés interposés, en utilisant les documents divulgués pour raconter leur histoire. La publication de données sur l’Afghanistan et l’Irak, dit-il, révèle, pour les civils, l’importance du nombre de morts et l’intensité des souffrance ainsi que les mensonges pléthoriques du Pentagone et de l’État pour dissimuler le coût en vies humaines. Les données, selon Assange, révèlent également la faillite de la presse traditionnelle et sa soumission au rôle de propagandiste de guerre.
« Il y avait 90 000 enregistrements dans les registres de la guerre d’Afghanistan », dit Assange. « Nous avons dû considérer le matériel sous différents angles pour déterminer le nombre de civils qui ont été tués. Nous avons étudié les rapports. Nous avons trié les événements de différentes manières. Je me demandais si nous allions découvrir le plus grand nombre de civils tués en un seul événement. Il s’est avéré que cela s’est produit lors de l’opération Méduse, menée par les forces canadiennes en septembre 2006. Le gouvernement local soutenu par les États-Unis était complètement corrompu. Les Talibans étaient, en effet, des opposants politiques et ils étaient largement soutenus. Les habitants se sont dressés contre le gouvernement. La plupart des jeunes hommes de la région, d’un point de vue politique, étaient des Talibans. La répression du gouvernement a rencontré une forte résistance. L’ISAF [Force internationale d’assistance à la sécurité dirigée par l’OTAN] a donné un grand coup de balai. Elle a fait du porte-à-porte, maison par maison. Alors, un soldat américain a été tué. Ils ont fait appel à un AC-130 armé. Il s’agit d’un avion cargo C-130 réaménagé avec des canons sur le côté. Il tournait au-dessus d’eux en déversant une pluie d’obus. Les journaux de guerre disent que 181 « ennemis » ont été tués. Les rapports disent aussi qu’il n’y a eu aucun blessé ni prisonnier. C’était un vrai massacre. Ce jour, qui a vu le plus grand nombre de morts en Afghanistan, n’a jamais été étudié correctement par les médias traditionnels. »
L’opération Méduse, qui s’est déroulée à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Kandahar, a coûté la vie à quatre soldats canadiens et a impliqué environ 2 000 soldats de l’OTAN et d’Afghanistan. Cela a été l’une des plus grosses opérations militaires de l’ISAF dans la région de Kandahar.
Assange a recherché des comptes rendus de journalistes présents sur les lieux. Ce qu’il a découvert l’a horrifié. Il a vu un journaliste canadien embarqué, Graeme Smith du Toronto Globe and Mail, utiliser ces termes sur un site Web militaire canadien pour décrire son expérience au cours de l’opération Méduse :
« En septembre 2006 j’ai vécu l’une des expériences les plus fortes de ma vie. J’étais aux avant-postes de quelque chose appelé Opération Méduse. C’était une offensive canadienne de grande ampleur contre les Talibans qui étaient massés aux portes de la ville Kandahar. Les Talibans creusaient des tranchées et menaçaient les habitants, alors les Canadiens décidèrent de s’y déployer en masse et de les chasser par la force. Et moi je voyageais avec un peloton qui s’était baptisé « Les Nomades ». C’étaient des gars qui avaient été envoyés partout en quelque sorte, je veux dire partout sur une poche de 50 000 kilomètres carrés jusqu’aux portes de Kandahar, et donc ils étaient constamment en mouvement. Ils ne dormaient jamais deux fois au même endroit et ils avaient même conçu de petits écussons pour leurs uniformes, sur lesquels on pouvait lire « Nomades ». Les Nomades m’ont accueilli parmi eux et m’ont adopté comme l’un des leurs d’une certaine manière. Ce qui devait être un reportage de deux ou trois jours s’est prolongé deux semaines. Je n’avais pas de sous-vêtements de rechange, pas de chemises de rechange. Je me souviens que je me douchais tout habillé, pour laver d’abord les vêtements que je portais et ensuite je me déshabillais et je me lavais le corps, et tout ça avec un seau d’eau pour ma douche. C’était une expérience forte. J’ai dormi de nombreuses nuits avec mon gilet pare-balles. On était sous le feu ennemi ensemble, vous voyez, on entendait le sifflement des roquettes qui arrivaient. Un jour je me tenais là, à l’arrière d’un transport de troupes, et on se détendait d’une certaine façon – c’était un moment où on n’avait pas le moral – et je crois que des gars prenaient un café et ils restaient là, et j’ai entendu un claquement bruyant à côté de mon oreille droite. C’était comme si quelqu’un s’était faufilé derrière moi et m’avait fait un peu comme une farce en tapant dans ses mains à côté de mon oreille. Je me suis retourné pour dire : « Hé, je trouve pas ça vraiment drôle, ça fait du bruit ». Et tous les soldats étaient allongés par terre parce qu’ils savent quoi faire quand un nouveau sniper commence à tirer, mais moi je ne savais pas (rires) parce que c’était ma première épreuve du feu. Donc je me suis jeté à terre aussi. D’une certaine manière, je suis devenu l’un des leurs, et ils m’ont donné un petit écusson « Nomades » que j’ai fixé sur mon gilet pare-balles et, vous savez, en tant que journaliste, on essaie de ne pas suivre comme un mouton, mais je me sentais vraiment comme l’un de ces gars. »
« Le comportement physique de cet homme, la façon qu’il avait de décrire les grands espaces, me faisaient comprendre qu’il était quelqu’un qui n’avait jamais ni boxé, ni pratiqué l’escalade,ni joué au rugby, ni pratiqué aucune des activités masculines classiques », disait Assange. « Maintenant, pour la première fois, il se sentait un homme. Il était allé à la bataille. C’est là l’un des nombreux exemples de l’échec des reporters « embarqués » pour rapporter la vérité. Il faisait partie du jeu. »
Assange a raison. La presse d’une nation en guerre, dans tous les conflits que j’ai couverts, est une partie enthousiaste de la machine, célébrant les massacres et produisant infatigablement des mythes en l’honneur de la guerre et des militaires. Les rares renégats dans la presse qui refusaient d’agiter le drapeau ou de célébrer servilement les troupes, qui ne les dotaient pas de toutes les vertus du monde, héroïsme, patriotisme et courage, ont été traités comme des parias dans les salles de presse et violemment attaqués par l’État, comme Assange et Manning.
En tant que journaliste au New York Times, j’espérais obtenir des informations venant de sources proches des organes du pouvoir, y compris des informations top-secret. Les Pentagon Papers, diffusés par le Times en 1971, et la révélation par le Times, qui lui a valu le prix Pulitzer en 2005, pour les écoutes téléphoniques sans mandat des citoyens américains par le Conseil de sécurité nationale utilisaient des documents « top secret » — une classification plus élevée que celle de niveau inférieur « secret » désignant les documents publiés par WikiLeaks. Mais comme la presse traditionnelle s’atrophie à une vitesse vertigineuse — émasculée efficacement par l’utilisation par Barack Obama de la procédure d’acte d’espionnage une demi-douzaine de fois depuis 2009 pour cibler les lanceurs d’alerte comme Thomas Drake — il est laissé aux renégats, des gens comme Assange et Manning, le soin de briser les barrières et d’informer le public.
Les câbles que WikiLeaks a révélés, aussi troublants qu’ils soient, présentent toujours un biais pro-groupe ou pro-américain sur les événements. La réalité en guerre est généralement moins rose. Ceux qu’on compte comme combattants ennemis morts sont souvent des civils. Les unités militaires écrivent leurs propres rapports après l’action et tentent donc de justifier ou de cacher leur comportement. Malgré la rhétorique intense de l’État, personne n’a pu prouver qu’une révélation de WikiLeaks ait coûté des vies. Le secrétaire à la Défense d’alors, Robert Gates, dans une lettre de 2010 au sénateur Carl Levin, a concédé ce point. Il a écrit à Levin : « L’évaluation initiale ne fait ressortir en aucun cas des risques pour la sécurité nationale. Ainsi l’examen à ce jour n’a pas révélé qu’une source ou une méthode de renseignements sensibles aient été compromises par la divulgation. »
Le New York Times, le Guardian, El Pais, Le Monde et Der Spiegel ont repris des résumés de certains des fichiers WikiLeaks et ont rapidement jeté Assange et Manning aux requins. Ce n’était pas seulement moralement répugnant, mais aussi d’une incroyable courte vue. Ces organismes d’information croient-ils que si l’État interdit des organisations telles que WikiLeaks et emprisonne Manning et Assange, les organes de presse traditionnels resteront à part ? Ne peuvent-ils faire le lien entre les poursuites du gouvernement contre les lanceurs d’alerte en vertu de la loi sur l’espionnage, les écoutes téléphoniques sans mandat, le suivi des communications et la persécution de Manning et d’Assange ? Ne craignent-ils pas que, lorsque l’État en aura fini avec Manning, Assange et WikiLeaks, les organes de presse atrophiés seront les suivants ? Ne se rendent-ils pas compte qu’il s’agit de la guerre d’une élite d’entreprises mondiales, non pas contre une organisation ou un individu, mais contre la liberté de la presse et la démocratie ?
Et pourtant, Assange est étonnamment optimiste, du moins à court et à moyen terme. Il pense que le système ne peut pas se protéger complètement de ceux qui grignotent peu à peu ses défenses numériques.
« L’État national sécuritaire peut essayer de réduire notre activité », a-t-il déclaré. « Il peut nous serrer un peu plus le cou. Mais il y a trois forces qui s’y opposent. La première est la surveillance massive nécessaire pour protéger ses communications, et notamment son mode de chiffrement. Dans l’armée, tout le monde a maintenant une carte d’identité avec une puce pour qu’on sache qui est connecté à quoi. Un système aussi vaste est sujet à la détérioration et aux pannes. Deuxièmement, il existe une connaissance généralisée non seulement de la manière de faire des fuites, mais d’en faire sans se faire prendre, et d’éviter même tout soupçon de fuite. Les systèmes militaires et de renseignement collectent une grande quantité d’informations et les déplacent rapidement. Cela signifie qu’on peut également les extraire rapidement. Il y aura toujours des gens à l’intérieur du système qui ont le projet de défier l’autorité. Oui, il y a bien des mesures générales de dissuasion, par exemple lorsque le ministère de la Justice (DOJ) poursuit et met en accusation quelqu’un. Ils peuvent décourager les gens de s’engager dans ce comportement. Mais le contraire est également vrai. Lorsque ce comportement est couronné de succès, il devient un exemple. Il encourage les autres. C’est pourquoi ils veulent éliminer tous ceux qui font naître cet encouragement. »
« La perspective à moyen terme est très bonne », a-t-il déclaré. « L’éducation des jeunes se déroule sur Internet. Vous ne pouvez pas embaucher une personne qualifiée dans n’importe quel domaine sans qu’elle ait été éduquée par Internet. L’armée, la CIA, le FBI, n’ont plus d’autre choix que de recruter auprès d’un bassin de personnes éduquées par Internet. Cela signifie qu’ils embauchent nos taupes en grand nombre. Et cela signifie que ces organisations verront leur capacité de contrôler l’information diminuer à mesure que de plus en plus de personnes ayant nos valeurs seront embauchées. »
Le long terme, cependant, ne sera peut-être pas aussi heureux. Assange a récemment terminé un livre avec trois coauteurs: Jacob Appelbaum, Andy Müller-Maguhn et Jérémie Zimmermann : « Cypherpunks : la liberté et l’avenir de l’Internet ». Ce livre prévient que nous « galopons dans une nouvelle dystopie transnationale ». Internet est devenu non seulement un outil pour éduquer, mais aussi le mécanisme pour mettre en place une « dystopie de surveillance postmoderne » qui est supranationale et dominée par le pouvoir des multinationales. Ce nouveau système de contrôle global « fera fusionner l’humanité en une seule grille géante de surveillance et de contrôle de masse ». C’est seulement par le cryptage que nous pouvons nous protéger, disent les auteurs, et c’est seulement en traversant les murs numériques de secret érigés par l’élite au pouvoir que nous pouvons éventer les secrets d’État. « Internet, notre plus grand outil d’émancipation », écrit Assange, « a été transformé en facilitateur du totalitarisme le plus dangereux que nous ayons jamais vu. »
Les États-Unis, selon l’un des avocats d’Assange, Michael Ratner, semblent prêts à arrêter Assange au moment où il sortira de l’ambassade. Washington ne veut pas faire partie des deux demandes d’extradition concurrentes auprès de la Grande-Bretagne. Mais Washington, avec un acte d’accusation du grand jury préparé contre Assange, sous scellés, peut le capturer une fois que l’imbroglio suédois sera résolu, ou si la Grande-Bretagne prend la décision de ne pas l’extrader. Neil MacBride, qui a été mentionné comme un chef possible du FBI, est un avocat américain pour le district oriental de la Virginie, qui a mené l’enquête du Grand Jury, et il semble avoir terminé son travail.
Assange a déclaré : « Le Grand Jury a été très actif à la fin de 2011, attirant des témoins, les obligeant à témoigner, produisant des documents. Il a été beaucoup moins actif en 2012 et 2013. Le ministère de la Justice semble prêt à reprendre l’accusation immédiatement après le procès Manning. »
Assange a parlé à plusieurs reprises de Manning, avec une préoccupation évidente. Il voit dans le jeune contractuel de l’Armée un reflet de sa propre situation, ainsi que les conséquences draconiennes du refus de coopérer avec l’État de sécurité et de surveillance.
Le procès militaire de 12 semaines de Manning devrait commencer en juin. L’accusation appelle 141 témoins, y compris un Navy SEAL anonyme qui faisait partie du raid qui a tué Oussama ben Laden. Assange a appelé le Navy SEAL la « diva de la « comédie musicale de 12 semaines de Broadway » mise en scène par l’État. Manning est aussi dépourvu qu’Assange du soutien de l’establishment.
« Les médias traditionnels ont tenté de nier ses prétendues qualités héroïques », a déclaré Assange à propos de Manning. « Un acte d’héroïsme exige de faire un acte conscient. Ce n’est pas l’expression irrationnelle de la folie ou de la frustration sexuelle. Il faut faire un choix – un choix que d’autres peuvent suivre. Si vous faites quelque chose uniquement parce que vous êtes un homosexuel fou, il n’y a pas de choix. Personne ne peut choisir d’être un homosexuel fou. Alors ils l’ont dépouillé ou tenté de le dépouiller de toute sa complexité. »
« Ses actions présumées sont un événement rare », a ajouté Assange. « Et pourquoi un événement rare se produit-il ? Que savons-nous de lui ? Que savons-nous de Bradley Manning ? Nous savons qu’il a gagné dans trois compétitions scientifiques. Nous savons que le gars est brillant. Nous savons qu’il s’intéressait à la politique très jeune. Nous savons qu’il est très structuré et très franc. Nous savons qu’il n’aime pas les mensonges. (…) Nous savons qu’il était compétent dans son travail d’analyste du renseignement. Si les médias cherchaient vraiment une explication, ils auraient pu insister sur cette combinaison de capacités et de motivation. Ils auraient pu insister sur ses talents et sa vertu. Ils ne devraient pas insister sur le fait qu’il soit gay et issu d’un foyer brisé, sauf peut-être en passant. Dix pour cent des militaires américains sont homosexuels. Bien plus de 50 pour cent proviennent de foyers brisés. Prenez ces deux facteurs ensemble. Cela monte, disons, à 5% — 5% du total. Il y a 5 millions de personnes disposant d’autorisations de sécurité actives, alors cela donne jusqu’à 250 000 personnes. Il faut encore passer de 250 000 à un. On ne peut expliquer Bradley Manning que par ses vertus. Des vertus dont d’autres peuvent s’inspirer. »
Après avoir quitté l’ambassade, j’ai marché un bon moment dans Sloane Street. Les bus rouges à étage et les automobiles bouchonnaient tout du long. Je suis passé devant des vitrines exposant du Prada, du Giorgio Armani, du Gucci. J’ai été bousculé par les acheteurs avec des sacs pleins à ras bord de marchandises haut de gamme. Eux, ces consommateurs, me paraissaient béatement inconscients de la tragédie qui se déroulait à quelques pâtés de maisons. « À cet égard, nos citadins étaient comme tout le monde, renfermés sur eux-mêmes, en d’autres termes ils étaient humains : ils n’ont pas cru à la peste », a écrit Albert Camus dans « La peste ». « La peste n’est pas une chose faite à la mesure de l’homme, donc nous nous disons que la peste est un simple épouvantail de l’esprit, un mauvais rêve qui va passer loin. Mais il ne passe pas toujours loin, et d’un mauvais rêve à l’autre, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes d’abord, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. »
Je me suis arrêté devant les quatre colonnes blanches qui donnent accès à l’hôtel Cadogan, avec sa tourelle de briques. Cet hôtel est le lieu où Oscar Wilde a été arrêté, chambre 118, le 6 avril 1895, avant d’être accusé de « commettre des actes d’indécence flagrante avec d’autres hommes ». John Betjeman a imaginé le choc de cette arrestation, qui a ruiné la vie de Wilde, dans son poème « L’arrestation d’Oscar Wilde à l’hôtel Cadogan ». En voici un fragment:
Un boum et un murmure de voix,
(« Oh pourquoi doivent-ils faire un tel vacarme ? »)
C’est alors que la porte de la chambre s’est ouverte
Et que deux policemans en uniforme sont entrés :
« M. Wouilde, nous sommes venus vous chercher
Là où vivent les traîtres et les criminels :
Nous devons vous demander de venir tranquillement avec nous
Car c’est l’Hôtel Cadogan. »
Le monde a été renversé. La peste du totalitarisme des entreprises se répand rapidement sur la Terre. Les criminels ont pris le pouvoir. Au final, ce n’est pas seulement à Assange ou à Manning qu’ils en veulent. C’est à tous ceux qui osent défier le récit officiel, pour exposer le grand mensonge de l’État mondial des entreprises. La persécution d’Assange et de Manning est le présage de ce qui va venir, la montée d’un monde amer où des criminels en costumes Brooks Brothers et des gangsters en uniformes militaires enrubannés – soutenus par un vaste appareil de sécurité interne et externe, une presse complice et une élite politique moralement en faillite – surveillent et écrasent ceux qui s’opposent. Les écrivains, les artistes, les acteurs, les journalistes, les scientifiques, les intellectuels et les travailleurs seront forcés d’obéir ou d’être jetés aux fers. J’ai peur pour Julian Assange. J’ai peur pour Bradley Manning. J’ai peur pour nous tous.
Source : Truthdig, Chris Hedges, 19-05-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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