Jean-Luc Mélenchon se sera fait désirer. Silencieux depuis le soir du premier tour de la présidentielle, dimanche, le chef de file de La France insoumise a finalement pris la parole vendredi 28 avril, en fin d'après-midi. Fidèle à sa campagne, celui qui a obtenu 19,6 % des voix a choisi de s'exprimer dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube.
Dimanche soir, le député européen n'avait pas donné de consigne de vote pour le second tour, renvoyant à une consultation de ses partisans. Critiqué de toutes parts, il avait depuis laissé ses lieutenants marteler que
" pas une voix " ne devait aller à Marine Le Pen.
" Franchement, est-ce qu'il y a une seule personne parmi vous qui doute du fait que je ne voterai pas Front national - FN -
? Tout le monde le sait ! ", a lancé M. Mélenchon, en pointant du doigt le triangle rouge accroché au revers de sa veste, symbole des déportés politiques pendant la seconde guerre mondiale.
L'ex-socialiste a cependant refusé de faire connaître son choix personnel afin de ne braquer personne dans son électorat.
" Ce que je vais voter, je ne vais pas vous le dire, il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour deviner ce que je vais faire, mais je ne le dis pas pour que vous puissiez rester regroupés ", a-t-il déclaré à ses soutiens, semblant ainsi laisser penser qu'il votera pour Emmanuel Macron.
" Des fois, elle prend nos habits "Au début de cette vidéo d'une trentaine de minutes, M. Mélenchon est revenu sur sa journée de dimanche, critiquant une
" ambiance un peu malsaine " et un week-end médiatique qui était
" carrément la République bananière ". Par ces mots, il a eu l'air de vouloir justifier son attitude au soir de ce premier tour où, déçu et amer, il avait semblé ne pas accepter les résultats annoncés à 20 heures.
" Ça s'est joué dans un mouchoir de poche, à 620 000 voix près, on était au second tour, a-t-il insisté.
Néanmoins, c'est perdu… "
Contrairement à dimanche, il n'a pas complètement renvoyé dos à dos les deux finalistes. Attaquant
" l'extrême finance " d'Emmanuel Macron qui
" va - nous - raboter ce qu'il - nous - reste d'acquis sociaux ", il a jugé que l'extrême droite de Mme Le Pen
" est encore pire ", elle qui
" va aller fouiller dans les berceaux, qui est français, qui ne l'est pas (…)
en plus de la charge sociale qu'elle porte contre les salariés ".
Le premier, en meeting vendredi soir à Châtellerault (Vienne), lui a répondu vertement. Reprochant à M. Mélenchon de négliger leur attachement commun à débattre de leurs désaccords dans un cadre républicain, Emmanuel Macron a estimé :
" C'est notre vraie différence avec le FN et il l'a oublié et c'est une faute grave, lourde. "La deuxième faute de M. Mélenchon est
" de trahir les siens, a-t-il ajouté
. La plupart se sont battus, ont payé pour lutter contre les extrémismes, pour se rappeler cette vertu morale qu'il est en train d'oublier ". L'ancien ministre de l'économie a au passage déploré qu'il n'y ait pas eu de front républicain contre le FN, après le premier tour.
Quant à Marine Le Pen, elle avait décidé de prendre de court M. Mélenchon pour mieux poursuivre son offensive destinée à séduire les " insoumis ", ou du moins à encourager leur abstention. Dans une vidéo postée, vendredi en début d'après-midi, sur son compte Twitter, Mme Le Pen avait jugé que le candidat de La France insoumise avait mené une campagne de premier tour
" respectable " avec ses
drapeaux tricolores et ses
Marseillaise." Mettons les querelles et divergences de côté (…),
il n'est pas possible de laisser les manettes de la France " au
" banquier Macron ", avait-elle lancé à ses électeurs.
La réplique était déjà prête.
" Des fois, elle se déguise, des fois, elle prend nos habits et elle remue comme nous, elle essaie de faire du Mélenchon, en disant comme ça, on va duper les gens ", a tancé le cofondateur du Parti de gauche.
Dans un communiqué, les communistes, soutiens de M. Mélenchon à la présidentielle, ont pour leur part réprouvé
" une manœuvre minable de récupération " de la part de la candidate d'extrême droite et ils ont appelé à la
" battre " le 7 mai.
" Il n'y a pas à tergiverser, avec le seul bulletin à disposition, celui d'Emmanuel Macron, en disant clairement que nous le combattrons avec détermination dès le 8 mai ", écrit le PCF.
Envoyé juste après la mise en ligne de la vidéo de M. Mélenchon, ce communiqué avait aussi vocation à se différencier de la position du député européen. Lundi, ce dernier sera à Paris, sur un point fixe, lors du passage du défilé syndical du 1er-Mai organisé par la CGT, FSU, Solidaires et FO. Le lendemain est attendu le résultat de sa consultation lancée le 25 avril. Trois choix sont proposés : voter pour M. Macron, voter blanc ou s'abstenir.
L'ex-sénateur de l'Essonne a prévenu : cela ne vaudra pas
" décision ". Ces derniers jours, sur le forum de discussion de ses partisans, " Discord insoumis ", la tendance semblait favoriser l'abstention jugée plus efficace que le vote blanc.
" Diriger la manœuvre "Plusieurs de ses membres rappelaient en effet qu'au soir du second tour c'est le chiffre de participation qui sera retenu.
" Vu le niveau de l'abstention et le score de Le Pen au premier tour, Mélenchon joue avec le feu, c'est assez irresponsable ", estime un dirigeant du PS.
L'ancien trotskiste a enfin appelé les siens à rester
" unis " car,
" quel que soit le résultat du deuxième tour ", les deux candidats portent, selon lui, un projet qui va aboutir à
" une situation totalement instable ". Dans son entourage, certains spéculent sur le fait qu'un Emmanuel Macron mal élu ne pourrait pas forcément terminer son quinquennat. Ce qui permettrait au leader de la gauche radicale de se poser en recours.
" Prévoir ça ou une pluie de météorites, c'est pareil ", se désole un élu PCF. En attendant, le député européen, qui a terminé très loin devant le PS, espère envoyer un maximum de députés à l'Assemblée nationale pour incarner l'opposition au futur locataire de l'Elysée.
Au même moment, Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF, rencontrait La France insoumise pour tenter de débloquer le sujet des législatives, où les deux forces sont en concurrence. Si le PCF a jugé la réunion
" intéressante ", le directeur de campagne de M. Mélenchon, Manuel Bompard, a noté que
" ça n' - avait -
pas beaucoup avancé ".
L'entourage du sénateur de Paris évoquait, jeudi, l'idée d'un désistement réciproque dans une quinzaine de circonscriptions chacun. M. Bompard avance, lui, que le PCF demanderait
" trente-sept circonscriptions contre quinze " pour son mouvement, ce qu'il ne juge
" pas très raisonnable ".
Quant à M. Mélenchon, il n'a pas précisé ses intentions pour juin mais a indiqué qu'il allait
" diriger la manœuvre " aux législatives pour
" transformer tout ça en une force conquérante ". Et qu'on se le dise, il va bien, a-t-il assuré, malgré une
" petite anginette " :
" Ma santé est bonne. Je ne me retire pas de la vie politique, je ne pars pas en retraite, je ne suis pas dépressif, je suis au combat et j'y reste. "
Raphaëlle Besse Desmoulières
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