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dimanche 10 janvier 2016

UNE FAMILLE DE JARNAC TRAUMATISÉE PAR UNE PERQUISITION


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JARNAC

UNE FAMILLE DE JARNAC TRAUMATISÉE PAR UNE PERQUISITION


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Une famille de Jarnac a été perquisitionnée le 19 novembre dernier. Depuis, elle est «dévorée» par la peur et l’incompréhension.

«Pourquoi ne francisez-vous pas votre nom?» Depuis deux mois et la perquisition de leur domicile le 19 novembre dernier à Jarnac au nom de l’état d’urgence, voilà la seule réponse que Mansour et sa famille ont reçue. Quelques mots «soufflés» par un gendarme pendant l’opération. Un autre a ajouté: «Si des gens vous importunent à la suite de cette visite, portez plainte!» Depuis ce débarquement qui n’a rien donné, c’est le silence. Assourdissant. Dévastateur.
Aucune réponse aux huit lettres envoyées au maire de Jarnac, François Raby, au procureur de la République, au ministre de l’Intérieur… «Aujourd’hui, j’ai l’impression que quelque chose s’est brisé, s’est désinscrit de mon histoire, de notre histoire.»
Trop près du cimetière ?
Du côté de la préfecture, les perquisitions menées dans le cadre de l’état d’urgence ne font l’objet d’aucun commentaire. Le 27 novembre, Salvador Pérez, le préfet de la Charente, avait seulement précisé que dix perquisitions administratives avaient été réalisées, «sans aucun incident», et que les résultats étaient «en cours d’exploitation». Il ajoutait qu’elles avaient«donné lieu à une interpellation suivie d’une garde à vue» et qu’aucune assignation à résidence n’a été prononcée dans le département. Sur la perquisition de Jarnac, pas plus de commentaires.
Des sources avancent toutefois que la proximité du cimetière de Jarnac –à 150mètres du domicilede la famille–, où le président François Hollande est envisite ce vendredi, serait le motif de la perquisition. Difficile à croire. Le seul document que la famille a pu lire lors de la perquisition disait en substance ceci, résumé par Mansour: «Ils avaient de bonnes raisons de croire que nous cachions des individus ou des armes en rapport avec des activités terroristes.»Il lèveles yeux. «Quelle honte! Quelle infamie!»
Mansour a 53 ans. Il est marié, a trois enfants. Tous vivent à Jarnac depuis seize ans. Leur histoire, il la résume en quelques mots: «Nous sommes français, nous sommes fiers de l’être et souhaitons le rester. Mon grand-père s’est battu pour la France en 39-45.» Il ajoute, presque gêné d’avoir à le dire: «Nous ne pratiquons aucune religion et nous n’avons pas de casier judiciaire.»
Lui est né en Algérie (française) en 1962, est arrivé en France quand il avait 12 ans, avec sa famille, a grandi notamment à Angoulême, a fait des études supérieures et travaille dans l’informatique. Il est même investi dans le milieu associatif cognaçais où il côtoie des magistrats, des gendarmes, des chefs d’entreprise. Autant de notables qui sont ses amis. Mansour a toujours été français. Sa femme, d’origine kabyle, est aussi française, travaille dans la grande distribution. Leurs trois enfants, tous scolarisés à Jarnac, sont d’excellents élèves.
«Une trentaine de gendarmes»
Mais cette vie banale et tranquille s’est interrompue le 19 novembre. «Une trentaine de gendarmes casqués, lourdement armés, avec des chiens ont débarqué à 5 heures du matin. Ils ont fouillé partout, ont tout renversé, ont provoqué des dégâts matériels en abîmant les murs… J’ai demandé à pouvoir réveiller mes enfants pour ne pas les affoler, un gendarme armé m’a suivi», se remémore avec beaucoup d’émotion Mansour qui lâche: «C’est comme un viol!»
Le père de famille ne noircit pas le tableau. Dans sa lettre il a pesé chaque mot.«Ils n’ont fait que leur travail, sans zèle. Il nous reste à ranger la maison, réparer les dégâts, à se sentir abîmés, à gérer la tristesse et peur de nos enfants, à essuyer nos larmes, rassurer mon épouse et à nous poser des questions: qu’est-ce donc être français? Où sont la liberté et la fraternité dans cette situation?»
Passé le temps de la «sidération» lors de la perquisition, les questions se bousculent: «Pourquoi? Pourquoi nous? Pourquoi sommes-nous devenus une cible? Est-ce que j’ai fait l’erreur d’aller en Algérie quelques jours enterrer mon père? Est-ce que je n’aurais pas dû laisser pousser ma barbe? A-t-on été victime d’une dénonciation? Va-t-on perquisitionner chez tous ceux qui portent un nom arabe ou africain?»
À ces questions, Mansour réclame une réponse pour «calmer la peur», adoucir cette tristesse qui l’a saisi, lui, sa femme, leurs trois enfants «fortement choqués»depuis le 19 novembre. «On a consulté une psychologue. Je ne veux pas les laisser seuls avec ce traumatisme.»
Il y a quelques jours, sa femme a été verbalisée par les gendarmes: 90 euros parce que leur plus jeune fils n’était pas attaché sur son siège auto. «En fait, quand il a vu les gendarmes, il s’est détaché et caché entre les sièges, explique Mansour, lui-même dans un état second depuis quelques semaines. J’ai tout repeint à la maison pour masquer les traces de la perquisition, mais aussi pour effacer ce moment. Inconsciemment, c’est un peu comme si je remettais la maison en état pour la quitter. On se pose beaucoup de questions, on pense partir. Loin, peut-être même dans un autre pays...»
JARNAC ETAT D'URGENCE ACTUALITÉ

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