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dimanche 10 janvier 2016

Comment la Place de la République s'est forgé en un an et plusieurs attaques meurtrières un statut d'exception


Le Huffington Post

Comment la Place de la République s'est forgé en un an et plusieurs attaques meurtrières un statut d'exception

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PLACE REPUBLIQUE
Comment la Place de la République s'est forgé en un an et plusieurs attaques meurtrières un statut d'exception | AFP


TERRORISME - Ce n'est ni la plus belle place de la capitale, ni un site incontournable du Paris haussmanien. A peine un lieu central vers lequel convergent des grands axes et des lignes de métros. Un point de restauration et de flânerie avant d'emprunter les Grands Boulevards, de redescendre sur Bastille ou de rejoindre le canal Saint-Martin. Elle n'a même jamais été directement touchée par les attentats.
En l'espace d'un an et de plusieurs attaques meurtrières, la place de la République s'est pourtant forgé un statut d'exception dans l'imaginaire collectif parisien. Son nom, comme la place Tahrir au Caire avant elle, s'est imposé dans les conversations mondiales des réseaux sociaux. Tant et si bien que c'est au pied de la statue de Leopold Morice et non devant les anciens locaux de Charlie Hebdo ou du Bataclan, qu'artistes et chefs d'Etat, d'Angela Merkel à Madonna, ont parfois préféré venir se recueillir.
Interrogez la maire de Paris Anne Hidalgo sur l'image qu'elle retient de 2015: c'est la place de la République. "On peut dire qu’elle a changé de statut ou qu’elle a vraiment trouvé le sien, pour le meilleur et pour le pire. Et malheureusement, cela a été pour le pire", confiait l'édile à Libération. Le 11 janvier, la place démontre que Paris peut "accueillir le monde entier" même si c'est boulevard Richard-Lenoir, en contrebas, que les grands de la planète défileront, réservant à la République sa nouvelle fonction d'agora du peuple de Paris.
"Les gens ont besoin d'espaces qui ne leur dictent pas leur manière de vivre"
Car si la place de la République a acquis ses lettres de noblesse devant l'Histoire, c'est d'abord et avant tout aux Parisiens qu'elle le doit. Ces Parisiens qui, sans mot d'ordre politique, ont spontanément convergé vers la place au carrefour des IIIe, Xe et XIe arrondissements ce 7 janvier 2015, dans la foulée de l'assassinat des dessinateurs de Charlie Hebdo à quelques centaines de mètres plus loin. Ces Parisiens qui, marchant pour la République ce dimanche 11 janvier à l'appel de leurs gouvernants, stationneront de longues heures sur cette place sur laquelle le monde braquait alors ses regards. Ces mêmes Parisiens qui, au lendemain du 13 novembre, improviseront un mémorial au pied de Marianne et grafferont la belle devise de Paris "Fluctuat nec mergitur" sur la palissade du café en ruine "Mondes et médias". Comme un cri de ralliement et de résistance toujours sous le haut patronage de la République.
"La République était d'avantage un point de départ qu'un lieu de rassemblement. Le 7 janvier, il fallait se frayer un chemin pour accéder à la statue. Les Parisiens lui ont conféré un imaginaire politique tout à fait inattendu", salue le maire socialiste du Xe arrondissement limitrophe, Rémi Féraud.
Pourquoi ici et pas ailleurs? "Charlie n'était pas loin. Le réaménagement de la place permettait désormais de se rassembler sans interrompre la circulation. Et puis il y a ce symbole de la République", se souvient l'élu.
Ce processus "spontané" aurait-il été en effet possible si la place, jadis un rond-point inaccessible pollué par la circulation, n'avait pas été profondément transformée entre 2011 et 2013? A l'époque, le cabinet d'architecte TVK propose de replacer la statue au centre d'une esplanade large et épurée, ouverte aux piétons et mettant en valeur les façades alentours. "Nous voulions donner une unité à la place de la République pour en faire un lieu véritablement public, disponible et ouvert sur le futur", se souvient aujourd'hui l'architecte et co-concepteur du lieu Pierre Alain Trévelo. Une page à écrire par les Parisiens eux-mêmes.
Les Bâtiments de France (et d'autres) affichent leur scepticisme: pas assez de verdure, pas de pelouse, trop impersonnel. L'espace est en effet inhabité, le mobilier urbain réduit au strict nécessaire. « Il ne faut pas surdessiner l'avenir", maintiennent les architectes. Les Parisiens trancheront, et de quelle manière. Un succès inespéré qui émeut Pierre Alain Trévelo: "Dès son ouverture, j'ai vu des gens s'emparer du lieu, des familles s'allonger par terre. Les gens ont besoin d'espaces qui ne leur dictent pas leur manière de vivre".
Le défi d'un espace en perpétuelle mutation
Rançon de la gloire, la nouvelle place de la République n'appartient plus à ses concepteurs. Appartiendra-t-elle encore aux Parisiens demain? Dès le lendemain des attentats de janvier, les projets ont fleuri pour inscrire dans la pierre des dalles le prodigieux souvenir de la marche républicaine. Autour de la maire de Paris, un groupe de travail se met en place pour préparer les commémorations à venir. Le groupe radical propose de changer l'éclairage, volontairement tamisé par les architectes, pour "sublimer la statue de Marianne". On propose de rebaptiser le café "Mondes & Médias", ravagé par un incendie accidentel, en "Café Charlie", puis "Café du 11 janvier". Ce sera finalement le résonnant "Fluctuat nec mergitur" du 14 novembre.
Après Charlie, on envisage d'y planter 17 oliviers en mémoire des victimes. Puis survient la double attaque du Bataclan et de Saint-Denis et son cortège de 130 morts. On implantera finalement un chêne, "arbre du souvenir" et une stèle, loin des platanes qui ceinturent la nouvelle place.
"Notre défi en tant que municipalité est d'accompagner mais aussi d'encadrer ce processus spontané", explique Rémi Féraud, confronté aux impératifs de l'état d'urgence autant qu'aux demandes des riverains. Partagés entre la fierté de voir "leur" place au centre du monde et l'effroi des graffitis sur la statue, ceux-ci réclament un coup de balai.
"La statue de la République n'a pas vocation à devenir le mémorial des attentats", leur concède la municipalité qui insiste toutefois sur sa volonté de respecter le temps du deuil. D'ici à quelques mois, c'est au pied du grand chêne que devront être entreposés hommages et souvenirs. Qui seront à leur tour enlevés et recueillis par les Archives de Paris.
Au risque d'enrayer cet élan citoyen de Paris qui ne s'est pas tari depuis janvier dernier ? "Il faut faire confiance au temps, plaide l'architecte Pierre Alain Trévelo. L'espace tout entier est le réceptacle de cette mémoire collective. Que la vie continue à s'exprimer.

http://www.huffingtonpost.fr/2016/01/09/place-de-la-republique-statut-exception-attentats-.... 

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