LE PORTRAIT DU DIMANCHE - DANTE LOCATELLI, BOUQUINISTE À VOIRON DEPUIS 1981Dante, heureux en son paradis
Évacuons tout de suite l’évidence. Dante, prénom prédestiné pour un bouquiniste… sauf que non. Les parents de Dante Locatelli, d’origine modeste, ne connaissaient pas l’auteur de la Divine Comédie. Lui-même a essayé de le lire, mais a vite arrêté (lire par ailleurs). Pourtant, les deux hommes ont deux points communs : ils sont connus grâce à leur paradis de papier et sont nés en Italie.
« Mon père était bûcheron, il est venu travailler en Chartreuse quand j’avais trois ans, en 1958 », raconte le sexagénaire aux cheveux gris en bataille. « On s’est installés à Saint-Laurent-du-Pont. Chez moi, c’est la Chartreuse », dit-il, tout en avouant n’avoir demandé et obtenu sa naturalisation qu’il y a deux ans. « Peut-être par fidélité au père… » Il n’en dira pas plus.
De la Nat à l’Arabie Saoudite
On pourrait croire que Dante est amoureux des livres depuis toujours, qu’il a suivi un cursus littéraire : on se tromperait. « Jusqu’à la sixième, ma scolarité ne se passait pas bien.
Et puis une prof m’a donné le goût de la lecture et d’être bon élève. Il y avait une bibliothèque au fond de la classe : je piochais dedans… »
Élève à la Nat à Voiron, il a décroché un CAP de couvreur-zingueur avant de reprendre la filière plus classique du lycée, jusqu’à l’obtention d’un brevet de technicien en génie civil. « J’adorais l’architecture à l’époque. J’aurais aimé être un bâtisseur… » Il l’a été, d’une certaine façon.
En 1977, après avoir bossé à Voiron dans le bâtiment pendant un an ou deux, il est parti… en Arabie Saoudite ! « C’était l’Eldorado ! J’ai très bien gagné ma vie pendant deux ans. Je dirigeais une équipe de chantier. »
De retour en France, il a changé d’univers : « J’ai fait une saison à Tignes comme cuisinier. C’était surtout pour faire la fête avec mes copains… » Après cette parenthèse, il fallait bien faire face à la grande question : que faire de sa vie ? Poursuivre dans le bâtiment ? Monter un bar musical ? Une bouquinerie ? « Ça me paraissait très facile d’acheter et de revendre des livres, c’était dans mes cordes ! Ma femme, plus littéraire que moi, m’a poussé dans cette voie. » Le 15 décembre 1981, il ouvrait son échoppe, rue Porte-de-La-Buisse.
« Ça s’est fait tranquillement, l’expérience est venue, mes connaissances se sont développées. » Dante a vendu ses livres d’occasion, des vieux documents, mais aussi des disques, sans trop de souci pendant longtemps.
Mais les mœurs ont évolué et internet est arrivé. « Ça change tout, on est en concurrence avec des milliers de libraires dans le monde entier. »
Alors le bouquiniste voironnais s’est adapté : il travaille avec Amazon depuis une demi-douzaine d’années. Ce qui ne suffit pas à enrayer la « perte de vitesse » de la bouquinerie, même s’il reste « encore une belle clientèle à Voiron, dont certains fréquentent le magasin depuis le début ».
Dans son cocon de papier, entouré, presque submergé sous les piles de ses quelque 20 000 livres – ou plus ! –, pas forcément rangés, Dante aura 60 ans bientôt et le droit de toucher sa pension de retraite. Mais pas question de fermer la boutique ! Il aime trop ça…
Bio express1955 : naissance en Italie.1958 : arrivée en France, à Saint-Laurent-du-Pont.1969-1973 : élève à la Nat (lycée Ferdinand-Buisson).1971 : obtient son CAP de couvreur-zingueur.1975 : décroche le brevet de technicien en génie civil.1977-1979 : travaille dans le bâtiment en Arabie Saoudite.1981 : ouverture de son échoppe de bouquiniste.2009 : commence à travailler avec le site Amazon.2013 : naturalisé français.2015 : retraité… mais il continuera à tenir son magasin.
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