Assemblée générale de Renault: le gouvernement remporte son bras de fer face à Carlos Ghosn
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ÉCONOMIE - Le bras de fer entre Renault et l'Etat a connu son épilogue ce jeudi 30 avril avec un vote de l'assemblée générale des actionnaires sur l'application ou non d'une loi anti-spéculation, voulue par le gouvernement mais rejetée par la direction du groupe automobile. À l'issue du vote, c'est l'Etat finalement qui s'est imposé via une manœuvre qui a provoqué la colère de Carlos Ghosn.
L'assemblée générale annuelle de l'entreprise, à laquelle participaient des centaines de détenteurs d'actions, a été ouverte jeudi à 15h15 au Carrousel du Louvre à Paris par le PDG de l'entreprise. L'événement a donc pris cette année une signification particulière, vu l'épreuve de force qui oppose depuis près d'un mois le gouvernement socialiste et Carlos Ghosn.
La "loi Florange" dans le viseur de Renault
A l'origine de ce contentieux: la "loi Florange" de mars 2014, qui prévoit que tout actionnaire, y compris l'Etat, se voit automatiquement attribuer un droit de vote double à l'issue d'une période de deux ans de détention continue des titres. Seule l'assemblée générale peut empêcher l'application de ces dispositions, via un vote d'une résolution à la majorité des deux tiers.
Or, une telle résolution a été introduite par Renault dans l'ordre du jour de jeudi, plus précisément la 12e. Elle stipule que Renault appliquera dans ses futures assemblées générales le principe "une action, une voix". Dans l'esprit du gouvernement, la loi Florange est censée lutter contre la spéculation et favoriser une stabilité de l'actionnariat.
Dans le cas de Renault, le gouvernement a sorti une botte secrète pour repousser la 12e résolution: faire monter sa part du capital de 15 à 19,74%, via un rachat d'actions pour un montant situé entre entre 814 et 1.232 millions d'euros. L'Etat a abordé du coup l'AG de jeudi fort de 23,2% des droits de vote exerçables. Vu l'éclatement de l'actionnariat et l'abstention habituellement observée (quelque 35% en 2014), l'Etat était quasi assuré d'une minorité de blocage d'un tiers des votes exprimés.
Cette manoeuvre aurait été fort peu appréciée par Carlos Ghosn, qui a convoqué en urgence le conseil d'administration de Renault le 16 avril. Celui-ci s'est séparé sur une déclaration de soutien à la 12e résolution. Le groupe Renault a réaffirmé sa position jeudi peu avant l'ouverture de l'AG, tout en concédant que la montée de l'Etat au capital "réduit fortement la probabilité de l'adoption de la résolution n°12". Toutefois, "cela ne change pas l'analyse de fond faite par la très large majorité du conseil d'administration", selon la même source.
"Contexte historique"
La situation est compliquée par la présence d'un troisième acteur: Nissan. L'entreprise automobile japonaise, alliée de Renault depuis 1999 et elle aussi dirigée par Carlos Ghosn, contrôle 15% du capital de Renault, tandis que la firme française détient 43,4% de son partenaire nippon. Au titre de règles sur "l'autocontrôle", les parts de Nissan ne lui confèrent pas de droit de vote à l'assemblée générale. Mais la société a tout de même dit soutenir "à l'unanimité" la position de Renault.
La situation est compliquée par la présence d'un troisième acteur: Nissan. L'entreprise automobile japonaise, alliée de Renault depuis 1999 et elle aussi dirigée par Carlos Ghosn, contrôle 15% du capital de Renault, tandis que la firme française détient 43,4% de son partenaire nippon. Au titre de règles sur "l'autocontrôle", les parts de Nissan ne lui confèrent pas de droit de vote à l'assemblée générale. Mais la société a tout de même dit soutenir "à l'unanimité" la position de Renault.
"Nissan a fait savoir que cela perturberait l'équilibre de l'alliance; Daimler, qui participe aussi à l'alliance, a exprimé la même préoccupation; d'autres actionnaires ont également fait connaître leur opinion défavorable à l'abandon du principe 'une action-une voix'", a affirmé Renault jeudi dans son communiqué.
Depuis le début de ces aller-retours, les membres du gouvernement ont défendu leur décision d'imposer la loi: "quand on est un actionnaire de long terme, il est normal que l'on ne soit pas traité comme un actionnaire de court terme ou spéculatif", a ainsi affirmé lundi le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron.
La question de la place de l'Etat chez Renault s'inscrit dans un contexte chargé. Nationalisée à la Libération, l'entreprise est devenue une société anonyme au début des années 1990. Le gouvernement a promis qu'il revendrait les actions Renault nouvellement acquises dès l'assemblée générale passée. Mais comme les votes doubles ont été adoptés ce jeudi, l'Etat sortira renforcé, même avec 15% des parts.
L'Etat a en effet réussi à imposer le principe des droits de vote contre la volonté de la direction du constructeur automobile français.Les détenteurs de titres du groupe au Losange ont voté à 60,53% en faveur d'une résolution soutenant le principe "une action, une voix", mais une majorité qualifiée des deux tiers était requise par la loi pour qu'elle soit adoptée; 39,39% ont voté contre. Le taux de participation était de 72,45%, soit sept points de plus qu'en 2014.
Le gouvernement est donc sorti victorieux de son bras de fer avec Carlos Ghosn.
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