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samedi 8 décembre 2018

La mort d’une militante secoue l’Ukraine le 8.11.2018



La mort d’une militante secoue l’Ukraine
Kateryna Gandziouk menait une guerre sans merci contre la corruption
L’onde de choc provoquée par la mort de Kateryna Gandziouk, dimanche 4 novembre, trois mois après l’attaque à l’acide dont elle a été victime, continue de secouer l’Ukraine. Avant ses funérailles, mercredi, dans sa ville natale de Kherson, la disparition de Mme Gandziouk, une militante anticorruption qui dénonçait les malversations de la police, occupait l’essentiel des actualités télévisées et des conversations. « Peut-être que nous avons sous-estimé combien les choses étaient graves », écrivait, mardi, sur les réseaux sociaux, l’une de ses compagnes militantes, comme si la sidération provoquée par ce décès brutal pouvait servir d’électrochoc.
Kateryna Gandziouk, 33 ans, a été attaquée le 31 juillet, à proximité de son domicile, à Kherson. Un inconnu l’avait aspergée d’un litre d’acide sulfurique, brûlant 40 % de son corps. Durant les trois mois où elle est restée hospitalisée, consciente la majeure partie du temps, les médecins ont mené onze opérations de greffe de peau. Elle est morte dimanche d’un accident vasculaire.
Toutes les autorités du pays ont condamné cet assassinat, à commencer par le président Petro Porochenko, qui a demandé que justice soit faite. Plusieurs organisations internationales lui ont emboîté le pas, alors que des rassemblements, au cours desquels les hommages le disputaient à la colère, ont été organisés à Kiev et dans d’autres villes. Mardi, le procureur général, Iouri Loutsenko, a fait mine de proposer sa démission, refusée par le parti au pouvoir.
Mme Gandziouk était emblématique de ces dons Quichottes qui, jusque dans les plus petites villes d’Ukraine, mènent la fronde contre les pouvoirs locaux corrompus. Soutien de la « révolution de Maïdan », engagée dans la création de médias critiques, à Kherson, elle avait réussi à devenir conseillère du maire de cette ville de près de 300 000 habitants, située à l’est d’Odessa. Elle avait notamment accusé le chef d’un département régional de la police de réclamer 3 % sur tous les contrats et appels d’offres passés dans la région.
Outre la brutalité de l’agression, le déroulement de l’enquête avait déjà mis l’Ukraine en émoi durant l’été. L’attaque avait d’abord été considérée comme un « acte de délinquance » par la police. En août, le procureur général, Iouri Loutsenko, avait également avancé la piste d’une implication d’organisations séparatistes désireuses de déstabiliser la région – une hypothèse qui avait convaincu peu de monde, tant le sud de l’Ukraine est, de notoriété publique, sous la coupe de groupes criminels souvent associés aux autorités locales.

« Le silence tue »

Sur les quelque quarante attaques recensées en Ukraine contre des militants depuis début 2017 (sans que, à de rares exceptions, les auteurs soient arrêtés), un tiers ont eu lieu à Odessa, la grande ville portuaire du sud, voisine de Kherson. Dernier cas en date, le 22 septembre, Oleg Mykhaïlyk, engagé contre les constructions illégales dans la ville, avait été blessé par balles en pleine rue. Dans la foulée, un mouvement nommé « Le silence tue » s’était mis en place, et des actions avaient été organisées partout en Ukraine.
Cinq suspects, tous anciens combattants de la guerre dans le Donbass et proches de groupes ultranationalistes, ont été arrêtés au mois de septembre. L’un d’eux, Serhiy Torbin, est suspecté d’avoir organisé l’attaque contre Mme Gandziouk, mais aucune information n’a été divulguée quant à l’identité du commanditaire. Dès le mois d’août, ses camarades militants demandaient que l’enquête soit confiée aux services de sécurité plutôt qu’à la police. Leur requête n’a finalement été satisfaite qu’après sa mort.
Mercredi, dans une lettre ouverte, soixante-quinze organisations de la société civile ont réclamé la démission de l’ensemble de la direction de la police de Kherson, mais aussi du ministre de l’intérieur et du procureur général, accusés d’avoir « saboté » la réforme de la police et de la justice en Ukraine, et d’avoir contribué à faire de ceux « qui se rebellent contre des décennies de corruption et de crimes » des cibles.

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