Vendredi 20 juin – #70 : La de Meo attitude
BONJOUR ! Il n’est jamais trop tard pour se réinventer. La preuve par Luca de Meo. A 58 ans, le DG de Renault passe du volant aux volants : inédit, il quitte l’industrie auto pour devenir DG du groupe de luxe Kering ; inédit encore, un patron du CAC40 en remplace un autre. C’est le transfert de l’année dans le monde du business, écrit notre spécialiste Muriel Motte. Pas un simple transfert de compétence managériale, mais un choc de culture et de philosophie entrepreneuriales. Il démontre que, oui, l’expérience est un actif ; que oui, les dénommés « seniors » ont une valeur extrême ; que oui, les choix atypiques et risqués ne sont pas réservés aux jeunes fous. Les lecteurs de GenXO ne peuvent que s’exclamer : Grazie Luca !
Incarnation. D’abord, les faits : selon l’APEC, 25 % des recruteurs redoutent encore d’embaucher un candidat de plus de 50 ans. Ensuite, la question : Luca de Meo préfigure-t-il un « new trend » ? Pas d’emballement, les RH doutent toujours de la capacité d’adaptation des quinquas. De Meo est un cas, son choix aussi. Rodolphe Monnet, executive talent advisor chez Beyond associés, cabinet de conseil en recrutement de dirigeants, apporte une autre analyse : « Cette nomination semble confirmer une tendance mise en lumière par notre baromètre des CEO du Stoxx 600 : les groupes familiaux sont plus ouverts à des profils seniors. Sur les 10 CEO les plus âgés du baromètre, 9 sont issus de groupes familiaux. En tout cas, l'âge moyen des CEO européen est de 56 ans. »
Compétences. Le Financial Time soulève une question clé, d’intérêt plus général : le manque d’expérience de de Meo dans la vente de sacs à main aidera-t-il ou entravera-t-il sa relance de Kering ? Avec Christophe Tellier, associé fondateur de Beyond, Rodolphe Monnet a une idée : « Si l’entreprise doit réinventer son business model, son mode de fonctionnement, passer un cap technologique critique, se restructurer, adresser de nouveaux marchés, changer d’actionnaires de référence, alors l’apport d’un dirigeant venant d’une industrie reconnue pour avoir mené ces changements de façon positive doit être envisagé comme une source de valeur ajoutée potentielle. Et seulement potentielle. »
Vétéran. François-Henri Pinault, 63 ans, qui travaillait sur une dissociation des fonctions de président et de DG de Kering depuis trois ans, a justifié son choix ainsi : « De Meo n’est pas seulement un grand développeur [...], mais aussi très opérationnel avec une compréhension profonde de la chaîne de valeur ». Recruté par le cabinet Jouve, le vétéran italien est réputé pour son efficacité et son audace, sa culture de la performance, sa capacité à fédérer les équipes, son aptitude à dégager une vision claire. « Son arrivée est un symptôme des mutations qui traversent nos économies, où les compétences managériales sont de plus en plus transversales », analyse Muriel Motte.
CV. Gérer un groupe familial ? Luca de Meo devrait savoir s’y prendre, lui qui a su négocier avec l’Etat, actionnaire de 15% de Renault. Passer d’une industrie à gros volumes et faible marge à un secteur de niches à forte marge ? Il peut faire valoir qu’il est un « brand builder », capable de réveiller de belles endormies comme la R5 ou l’Alpine. Un analyste de Kepler Chevreux assure dans Challenges: « Le marché souhaitait un outsider, capable de challenger le statu quo et de porter un regard différent ». Le CV vaut aussi pour ce qu’il révèle de vos aptitudes... A l’annonce, l’action Kering a gagné 12 %.
Elan. Pour la Gen XO qui brûle de vivre à fond l’acte III de sa carrière, l’exemple de Luca de Meo pour particulier qu’il soit n’en reste pas moins inspirant, non ? Cette évolution invite à revoir la façon dont on envisage la dernière décennie de sa vie professionnelle. Plus qu’une phase de « ralentissement », ces années peuvent être celles de la consolidation, de l’impact et même, donc, de la réinvention. Les entreprises cherchent désormais des leaders capables de penser large, de prendre du recul, et de transmettre un cap. Autant de qualités qui s’affinent avec le temps.
Bonus. Les Echos ont publié en accès libre un article inspiré du business case de Harvard sur la méthode de Meo. Titre : « Ne me coupez pas la tête, aidez-moi à faire la révolution ». Exemple : à son arrivée, l’Italien envoie aux patrons du groupe un schéma avec son mode de fonctionnement : pas plus de douze personnes en réunions ; pas plus de dix slides pour les présentations ; s’ennuie au bout de quatre heures ; répond sur WhatsApp ; travaille 65 heures et six jours par semaine ; accessible, généreux et souriant mais ne gâchez pas son temps : « Ne tombez pas dans le panneau, les blagues sont ma manière de vous dire la vérité ! »
AH, UNE DERNIERE CHOSE ! Juste avant la fin du conclave sur les retraites, François Bayrou a proposé aux syndicats et au patronat l’idée d’« une prime » pour les salariés seniors qui « décident de rester au travail », en leur versant « une partie de [leur] retraite en plus de [leur] salaire ». Rejeté lors de l’avant dernière réunion par les partenaires sociaux. A suivre.
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Rémi Godeau, rédacteur en chef de l’Opinion
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