Translate

vendredi 3 janvier 2025

L'actualité littéraire HEBDO avec BIBLIOBS - vendredi 3 janvier 2025

 




BibliObs

Vendredi 3 janvier 2025

Bonne année ! Maintenant que les vœux sont faits, noircissons directement l’ambiance. L’année 2025 s’ouvre sur un triste anniversaire : les dix ans de l’attentat contre « Charlie Hebdo », sur lequel revient « le Nouvel Obs » dans son numéro de la semaine. Cette triste commémoration va être l’occasion de brasser à nouveau bien des traumas et des débats épineux. Quid de la liberté d’expression, du terrorisme, de la laïcité… ? Qu’a jamais voulu dire « être Charlie » ? Pourquoi avoir donné tant d’importance à ce slogan qui n’était au départ qu’un simple signe de soutien créé sous le coup de l’émotion par le directeur artistique Joachim Roncin ? Parmi les sorties notables du moment autour de ces sujets, citons « Ainsi soient-ils » de Riss (Les Echappés), actuel directeur de publication du journal satirique ou « L’art menacé du dessin de presse » de Julien Sérignac (L’Observatoire), ex-directeur général. Dans le même temps, les rééditions des victimes affluent, de « Ni dieu, ni eux » de Tignous (Hachette Comics) au « Bonheur est un métier » de Wolinski (Glénat) en passant par « Toujours aussi cons ! » de Cabu (Le Cherche-midi).

Dans l’océan de grands discours sur les idéaux de la République et hommages contrits à venir, il est une publication qui nous semble détonner. Contrairement à certains exégètes autoproclamés de cet événement tragique, Aurel a le mérite de savoir de quoi il parle. Cet auteur de BD et réalisateur (« Josep », son film d’animation, a remporté le César 2021 dans sa catégorie) a été caricaturiste avant et après 2015. Ex-collaborateur au « Monde », à « Politis » et toujours au « Canard enchaîné », il peut témoigner de première main comment ceux qui font ce métier, touchés en plein cœur de leur activité, ont vécu et vivent encore ces remous. Il dresse un excellent bilan de la situation dans « Charlie quand ça leur chante », court pamphlet publié dans la nouvelle collection « Paroles » des éditions Futuropolis (on y a déjà lu l’implacable « Guerre à Gaza » de Joe Sacco).

On sent bien qu’Aurel marche sur des œufs, tant son livre est bardé de parenthèses, de notes de bas de page et d’apartés explicatifs. Il n’empêche qu’il s’y pose des questions tout à fait légitimes, du type : comment faire rire dans un monde qui n’a plus du tout envie de rire ? Le dessin de presse est soumis aux mêmes contradictions que l’ensemble de la société : être pris en étau entre ceux qu’Aurel nomme les « néo-réac », éditorialistes soi-disant progressistes qui camouflent mal leurs opinions rances, et la nouvelle génération « woke », qui n’a plus les mêmes canons d’humour que ses aînés. Si les premiers en prennent pour leur grade, Aurel ne fustige pas le deuxième groupe, qui selon lui, permet de « réfléchir » à un nouveau cadre, à « être de meilleurs humoristes politiques, de plus fins analystes de la société ». D’ailleurs, « ces “woke” n’auraient-ils pas été les lecteurs et les lectrices de “Charlie” dans les années 1970 ? », se demande-t-il.

Étau, certes. C’est même la métaphore graphique qu’a choisie Aurel pour illustrer sa couverture. Sauf qu’il y a une troisième source de pression. C’est la sénescence du métier, entamée bien avant janvier 2015. Les dessinateurs de presse sont dépendants pour vivre de… la presse, qui − ça ne vous aura pas échappé − va mal. Dans ce marasme, les dessinateurs sont souvent oubliés, et quand ils ne le sont pas, mal rétribués avec des tarifs de pige qui stagnent et les parents pauvres des négociations syndicales. « L’humour d’actualité au sens large se meurt », note Aurel. Et avant les guerres idéologiques, c’est peut-être bien la précarité qui pourrait tuer le métier.

Amandine Schmitt

Notre sélection
Films, romans, BD, séries, musique : on retient quoi de l’année 2024 ?
La suite après cette publicité
 
   
  
 
   
 
   
  
 
   
Contribuez à l'information durable, découvrez nos offres d'abonnement

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire