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dimanche 29 octobre 2023

La lettre de Patrick Le Hyaric du samedi 28 octobre 2023

 

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La Lettre du 28 octobre 2023
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Bonjour à chacune et chacun,

L’Humanité et L’Humanité Magazine : La presse du droit, de la justice et de la paix.
Faisons-le connaitre : des reportages de terrains, des analyses, une multitude de personnalités s’y expriment.
 
 
Ne laissons pas faire !

Les bombardements de Gaza sont amplement accompagnés d’un incessant bombardement idéologique et politique. Prenons bien garde ! Son objectif est de nous diviser. Il est la source de rivières de haine. Il défie la vérité et la raison. Loin des confrontations démocratiques, des évaluations contradictoires, de la contribution à la formation d’un esprit public, il désigne à la vindicte médiatique celles ou ceux qui ne répètent pas les mots élevés dans les laboratoires de la dominante langue artificielle. Or, les mots, le projet, le combat de l’heure devraient être pour toutes et tous : cessez-le-feu ! Paix !

Personne à gauche, ni dans les partis, ni dans le mouvement syndical ou associatif, n’a une seule seconde exonérer le Hamas de ses horribles crimes, de sa violence terroriste, qui font tant de mal aux citoyennes et citoyens israéliens. Et ce, d’autant moins que les moyens inhumains employés par le Hamas desservent la juste cause des Palestiniens.

Tout le monde à gauche condamne le terrorisme, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, quel que soit le drapeau ou la religion au nom desquels ils sont commis.

Qu’il existe des nuances, des différences, des divergences, rien de plus normal, sinon il n’y aurait qu’un seul parti. Mais personne à gauche ne soutient la construction à Gaza et dans toute la Palestine d’une théocratie. Personne ne fait vœu d’antisémitisme. Demander un État palestinien libre, laïc et indépendant n’est pas de l’antisémitisme. Il s’agit de faire vivre le droit international.

Pourtant, c’est bien ce que veulent faire croire les commissaires du prêt-à-penser évoluant sur la scène du grand cirque médiatico-politique. Leur souci principal n’est pas le sort des Israéliens et encore moins des Palestiniens, mais la division de la gauche tout en applaudissant à tout rompre les expressions de l’extrême droite sur les bancs de l’Assemblée nationale. Du même coup, cela permet de jeter un voile télévisuel sur un nouveau coup de force du pouvoir : la dix-septième utilisation de l’article bâillon 49.3, pour empêcher tout débat sur le budget de la nation et celui de la sécurité sociale, de l’année prochaine.

Casser la gauche est évidemment, pour les milieux d’affaires, la condition nécessaire pour empêcher toute perspective de transformation sociale, démocratique et écologique alors que nos concitoyens rejettent de plus en plus le pouvoir et le système qu’il promeut. C’est aussi le moyen de taire le vote majoritaire de l’Assemblée nationale, en 2014, appelant le président de la France à reconnaître officiellement l’État de Palestine.

Telle est la question fondamentale.

J’ai qualifié ici même le carnage produit par le Hamas d’action terroriste, à visée génocidaire contre les juifs. La vérité oblige à dire aussi que son essor a été voulu et financé par le pouvoir israélien dès les années 1990 pour détruire l’OLP et affaiblir l’Autorité palestinienne. Je n’y reviens pas. Il s’agit aussi de crimes de guerre, passibles de la Cour pénale internationale que notre pays et l’Union européenne s’honoreraient à saisir immédiatement. Cela obligerait également à juger les crimes de guerre perpétrés en ce moment même par l’armée israélienne à Gaza. De cela, il est pris grand soin de n’en point parler dans les fabriques de l’information alors que la colonisation s’accélère en Cisjordanie, et que les Palestiniens qui y demeurent sont pourchassés, emprisonnés, tués.

Mais si la cour médiatique et des politiciens du pouvoir, de la droite et de l’extrême droite était si soucieuse des mots pourquoi ne disent-ils pas que le président Sarkozy avait, dans les années 2008-2009, défendu la nécessité de « parler » avec le Hamas ? Pourquoi, à l’époque, le chef du Hamas était-il interrogé dans Le Figaro* pour demander au chef de l’État français de « donner une impulsion vitale à la paix » ? Pourquoi se réjouit-on en haut lieu du rôle central que joue le Qatar, financier du Hamas, pour la libération des otages ? C’est au Qatar qu’est installée la direction politique du Hamas ainsi que sa représentation extérieure avec un statut proche de celui d’une antenne diplomatique. Ce même Qatar avec qui nos dirigeants multiplient les partenariats économiques, financiers, militaires, sportifs, culturels. Il faut, certes, bien trouver des canaux de dialogue, même avec ses pires ennemis, pour libérer les otages et tenter d’empêcher le pire, mais alors pourquoi jeter l’opprobre sur la gauche, jusqu’à cette lettre d’un sénateur à la Première ministre demandant « la dissolution » de La France insoumise ? Et qui, demain ?

Voilà qui rappelle aux communistes, dont je suis, de tristes périodes de notre histoire. Attention ! Le bulldozer politico-médiatique ne s’arrêtera pas là.

Voilà que le pouvoir interdit des manifestations pour une paix juste et durable au Proche-Orient.

Voici que le sinistre ministre de l’Intérieur accuse, sans produire aucune preuve, le footballeur Karim Benzéma d’être en « lien notoire avec les Frères musulmans » alors qu’il est aujourd’hui sportif dans l’un des pays – l’Arabie saoudite – où les Frères musulmans sont interdits et classés comme organisation terroriste. « Agent de propagande du Hamas » et « Français de papier », a même clamé la dame Morano qui cherche une place sur une liste pour être réélue députée européenne. Omar Sy et Killian Mbappé sont aussi poursuivis par la patrouille de la bien-pensance, accusés de « ne rien dire ». Parce qu’elles viennent en soutien aux réfugiés, plusieurs associations ont été menacées de ne plus pouvoir accéder aux crédits publics pour leurs activités comme la Cimade, RESF, le MRAP ou encore France Terre d’asile. Un équipage de policiers encagoulés est venu à six heures du matin cueillir le secrétaire départemental de la CGT du département du Nord, ainsi que la secrétaire administrative de cette même union départementale. Un responsable de l’Union juive française pour la paix (UJFP) a été interpelé en Alsace lors d’une manifestation.

On ne compte plus les saillies racistes, anti-musulmanes, dans les médias depuis plus d’une semaine jusqu’à cette sortie de M. Frantz Olivier Giesberg dans son éditorial du magazine Le Point** accusant la gauche de Fabien Roussel et de Jean-Luc Mélenchon d’avoir « dans les yeux en guise d’étoiles, des voiles, des croissants, des minarets. Face aux collabos de l’islamisme et à ses vitrines légales à l’Assemblée, notre gouvernement se doit de mener un combat idéologique »*. Ce même journaliste menait combat avant cela pour que les partis communistes, socialistes et les forces de libération nationale au Proche-Orient disparaissent. Ce même journaliste qualifiait hier Yasser Arafat de « terroriste ».

Voilà leur œuvre : avoir ouvert la voie royale à l’islamisme politique. Si on suivait cette meute, même le secrétaire général de l’ONU appelant « à la paix » et le pape François seraient aujourd’hui poursuivis pour complicité avec le terrorisme lorsque ce dernier appelle « à prier pour nos frères réfugiés et pour la paix ». Du reste c’est ce que demande Israël, ne supportant pas que M. Guterriez appelle à la protection des populations de Gaza. Même la Cour européenne des droits de l’homme est désormais dans le collimateur de ministres. Au Royaume-Uni, c’est la BBC qui est attaquée conjointement par le pouvoir du Royaume-Uni et celui d’Israël. L’autrice palestinienne Adania Shibli est privé du prix LIBératurpreis pour lequel elle a été distinguée, il y a un an, pour la seule raison qu’elle est Palestinienne…

Et, l’Humanité est accusée d’avoir lors de l’une de ses fêtes participé à l’appel international pour la libération de Marwan Barghouti, en présence de son épouse et avocate, alors même que le dirigeant palestinien n’est pas au Hamas, mais peut être le député palestinien susceptible de relancer un processus de négociation pour la justice et la Paix.

Oui, j’insiste, le fond de l’air se couvre d’une acre fumée. La chasse contre toutes les voix jugées discordantes, contre celles et ceux qui veulent manifester pour la paix, contre celles et ceux qui souhaitent défendre et protéger nos frères et sœurs en humanité, contre les syndicalistes et militants de la justice et du progrès, est ouverte.

Les militants de la justice et de la paix en Israël seraient ici désignés à la vindicte générale et l’émouvante tribune de Neta Heiman serait clouée au pilori. Mme Heiman est membre du mouvement Femmes pour la paix, elle est la fille de Ditza Heiman (84 ans) qui a été kidnappée par le Hamas dans le kibboutz Nir Oz. L’appel publié dans le journal israélien Haaretz*** serait passible ici du grand tribunal médiatique. « Ma mère, âgée de 84 ans, a été prise en otage. C’est aussi en son nom que je plaide : ne détruisez pas Gaza ! Ne détruisez pas la bande de Gaza ; cela n’aidera personne et ne fera qu’entraîner un cycle de violence encore plus féroce la prochaine fois. Et, lorsque le moment des négociations sur un cessez-le-feu arrivera, profitez-en pour conclure un accord entre les deux parties – pas un arrangement – mais un véritable accord de paix. L’histoire a prouvé que c’était possible. Les accords de cessez-le-feu conclus après la guerre du Kippour de 1973 ont conduit à la visite d’Anouar el Sadate en Israël et à la paix en Égypte, une paix qui dure depuis 45 ans. Ce n’est pas une paix idéale, mais c’est tout de même une paix. »**.

Le même quotidien Haaretz écrivait dès le lendemain des attentats du Hamas, soit le 8 octobre dernier, dans un éditorial aussi clair que puissant que « cette nouvelle guerre était clairement imputable à une seule personne : Benyamin Netanyahu », Premier ministre qui a « établi un gouvernement d’annexion et de dépossession » et qui a « adopté une politique étrangère qui ignorait ouvertement l’existence et les droits des Palestiniens ».

Ces courageuses voix réfutent la politique de la force, le « droit à la vengeance » comme méthode de gouvernement – loin de ceux qui, ici et à la présidence de la Commission européenne, répètent, au mépris du droit international, leur « soutien inconditionnel » au gouvernement israélien.

Ces voix de la paix refusent de nous laisser enfermer dans une funeste tenaille entre fanatisme islamiste et extrême droite, soit entre deux versions d’un proto-fascisme en maturation. Le capitalisme occidental a besoin de ce manichéisme entre « le bien et le mal », de la théorie de « la guerre de civilisations » pour fermer l’accès à tout espoir, au moment où ce système dévastateur perd tant de terrain et de crédit auprès des peuples. Dans ce contexte, le projet de « grand Israël », conçu comme pointe avancée de cet Occident et rouage décisif de la construction d’un « grand Moyen-Orient » pour dominer les peuples et écouler toujours plus de marchandises des multinationales des pays du Nord, devient un enjeu crucial. En témoigne le nombre de banques et de sociétés transnationales à base occidentale impliquées dans la colonisation au nom de l’amélioration de leurs taux de profit. En témoignent aussi les déploiements des forces militaires nord-américaines dépêchées sur place en quelques jours.

Les tentatives d’imposer une lecture religieuse de ces graves événements criminels visent à obliger de choisir entre deux fondamentalismes alors que les progressistes, les héritiers des Lumières, militent pour la justice, la concorde et la paix – impossibles sans l’application du droit international prévoyant une nation, un État pour le peuple palestinien au côté de l’État Israélien. Il va de soi qu’un État n’a de sens que s’il est viable, avec une continuité territoriale, pas des bantoustans dont on laisserait la gestion à une fantomatique Autorité palestinienne. Il ne suffira donc pas de demander l’arrêt de la colonisation. Il faudra agir pour une décolonisation.

Ces questions sont incontournables. Tant qu’elles n’auront pas trouvé leur résolution, le sort du peuple palestinien restera cette arête en travers de la gorge de notre humanité commune.

C’est le grand mouvement populaire unitaire entamé dans notre pays, aux côtés de ceux des pays arabes et aux États-Unis qui fera taire le feu destructeur des armes et pousser ceux de la justice et de la paix impliquant la reconnaissance de deux peuples, deux États vivant côte à côte en paix, en harmonie, en solidarité et en sécurité.

Loin de la haine qui se déchaîne contre les forces de progrès, loin du déni de ce droit supérieur qui devrait nous être commun : la grande paix humaine.

(24 octobre 2023)
*Le Figaro du 5/10/2008
**Le Point du19 octobre 2023
*** 16 octobre 2023 cité à France Inter
 
 
Un entretien du conseiller du ministre des Affaires étrangères du Qatar, M. Majef Al-Ansari à nos confrères du Parisien est instructive. Lisons :

À propos des aides de l’émirat à Gaza :
 
« Toute notre aide est entièrement coordonnée avec Israël, les Nations-Unies et les États-Unis… Elle est distribuée par l’intermédiaire des Nations-Unies. Nous fournissons aussi du carburant pour l’électricité. Il est acheté en Israël par l’ONU avant d’entrer à Gaza. »

À la question du Parisien : Allez-vous prendre vos distances avec le Hamas et ses dirigeants qui résident sur votre territoire après l’attaque du 7 octobre ?
 
Réponse du conseiller ministériel : « la présence d’un bureau du Hamas au Qatar ne signifie pas une approbation, mais établit un canal de communication important, souvent utilisé dans des efforts de médiation cruciaux. Il a été ouvert à la demande des États-Unis afin d’établir des lignes de communication indirectes avec le groupe ».
 
 
Texte paru dans les pages tribunes de L’Humanité du 26 octobre 2023 en réponse à la question : « Comment sortir de l’engrenage de la guerre ? »
 
 
Comment sortir de l’engrenage de la guerre ?

Les paradigmes de sortie de l’engrenage de la haine et de la guerre au Proche-Orient sont connus. Ils s’affichent noir sur blanc dans plus de 400 résolutions des Nations unies : deux États – israélien et palestinien – vivant côte à côte dans des frontières décidées en 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale des deux États.

Seul un puissant mouvement mondial de masse pour la justice et la paix, comme il se développe dans les capitales d’Europe occidentale et dans les pays arabes, peut obliger les États-Unis et l’Union européenne à transformer leur complicité et leur « soutien inconditionnel » au pouvoir israélien en soutien actif d’une solution de paix sur la base du droit international. Les mouvements aux États-Unis, particulièrement ceux de jeunes juifs américains comme Jewish Voice for Peace ou IfNotNow, ou ceux des intellectuels participent d’une lueur d’espoir pour modifier le rapport de force. Le feu des armes, les rivières de sang doivent laisser la place à l’humanité des palestiniens comme des Israéliens. Il n’y a de solutions que dans le traitement de l’origine du désastre : la colonisation et l'occupation.

Dans l’immédiat, la France qui occupe le poste de directeur du département des opérations de paix de l’Onu, devrait, avec les chancelleries du monde, s’attacher à bâtir une « coalition pour la paix » agissant sans délai pour un cessez-le-feu sous contrôle des Nations-Unis, favoriser l’aide humanitaire pour Gaza et empêcher les déplacements de populations, la libération des otages et préparant une force de protection des Palestiniens par les Casques bleus sous l’égide de l’ONU. La reconnaissance par notre pays, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU de « l’État de Palestine » constituerait un acte de courage politique qui lui ferait retrouver du crédit dans le monde arabe et, plus généralement, dans le « Sud global ». Le mouvement populaire d’ampleur, digne, responsable en construction pour la justice et la paix est la condition pour faire bouger la diplomatie Française.

L’action politique immédiate pour la délivrance des otages devrait se combiner avec la libération des enfants et des femmes palestiniennes détenus par Israël, auxquels il faudrait ajouter la libération des prisonniers politiques avec, à leur tête, Marwan Barghouti dont la popularité peut constituer le moyen d’une relance de l’Autorité palestinienne, qui doit retrouver l’intégralité de ses prérogatives en vue d’un gouvernement pour un État souverain et viable. Ce dernier terme est de capitale importance, car il ne peut y avoir d’État, de nation palestinienne viable sur ce qu’il reste « des territoires palestiniens ». Un processus de décolonisation devra donc s’enclencher comme cela a déjà pu se réaliser avec le démantèlement des huit colonies du Sinaï en 1982 et de celles de Gaza, en 2005.

Liberté, sécurité, émancipation, développement commun ne se gagneront pas sur la macabre ronde des crimes de guerre, mais sur le droit de l’humaine communauté. Cette cause hurle désormais d’impatience.
 
 
 
Consultez sur le Blog les articles du 17 octobre « Clamer la justice et la paix » et du 10 octobre « Attisons la paix, pas la guerre »
 
 
En vous remerciant de votre lecture, je vous adresse, mes amicales salutations.
 
Patrick Le Hyaric
 
 
 
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