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dimanche 29 octobre 2023

Médiapart - - Dimanche 30 octobre 2023

 

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LA CHRONIQUE  
Le RN, l’antisémitisme et la mémoire courte  

Par Ellen Salvi, journaliste et responsable du pôle politique de Mediapart

Jordan Bardella n’a visiblement pas envie de s’attarder sur le sujet. Il reprend une gorgée d’eau, répond « Oui, Madame le juge » à la journaliste de France Info qui le questionne, explique que ce n’est pas une « problématique essentielle pour la vie des gens » et rappelle en souriant que l’ancienne ministre Nathalie Loiseau a, elle aussi, appartenu au Groupe Union Défense (GUD) dans sa jeunesse.

C’est ainsi que le président du Rassemblement national (RN) a voulu clore, mardi 25 octobre, la polémique ravivée depuis quelques jours autour des liens de proximité anciens qui unissent le parti d’extrême droite avec plusieurs ex-membres de ce groupuscule aux méthodes violentes, qui ont accompagné l’ascension de Marine Le Pen et ont été au cœur des campagnes électorales du mouvement, jusqu’à récemment.

Invité sur LCI le dimanche précédent, le député RN Jean-Philippe Tanguy avait déjà assuré, contre les faits et l’histoire du parti qu’il a rejoint en 2020, que « le GUD est un ennemi historique du Rassemblement, même du Front national ». Assis derrière lui, ses soutiens ne savaient même plus dans quel sens opiner du chef tant ces propos sont mensongers.

Prenant à témoin les journalistes, l’élu d’extrême droite a aussi défendu, ce jour-là, le « combat politique » de Marine Le Pen contre l’antisémitisme : « Vous connaissez Marine Le Pen, vous la suivez, vous l’interviewez depuis longtemps, vous savez que ses positions sur ces sujets sont extrêmement claires », a-t-il affirmé, évoquant notamment sa prétendue « reconnaissance des tragédies de notre histoire ».

Pourtant, le temps où l’ancienne candidate à la présidentielle qualifiait d’« erreur » la reconnaissance, par Jacques Chirac, de la responsabilité de l’État français dans la rafle du Vél’ d’Hiv, n’est pas loin – c’était en 2017. Tout comme celui où elle participait à un bal viennois, organisé par plusieurs corporations dont l’une est interdite aux juifs.

Héritage jamais renié d’un parti créé avec d’anciens collaborationnistes, positionnement fluctuant sur Israël, déclarations antisémites de nombreux candidat·es aux élections intermédiaires... Depuis dix jours, les responsables du RN, et avec eux nombre de commentateurs à la mémoire courte, agissent comme si l’extrême droite n’avait aucun passé – ni présent – en la matière.

Contrairement à ce qu’il laisse entendre, le Front – devenu Rassemblement – national est loin d’en avoir fini avec l’antisémitisme, y compris de la part de ses sympathisant·es, comme en atteste cette étude réalisée en 2015 par la sociologue Nonna Mayer, directrice de recherche émérite au CNRS, avec la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).

La chercheuse, qui étudie l’extrême droite depuis quarante ans, y souligne que « l’image négative de la religion juive et le sentiment que les Juifs forment un groupe à part » a continué de progresser chez les sympathisants du parti, après l’arrivée de Marine Le Pen aux commandes en 2011. Elle note en outre que les « préjugés anti-juifs » y sont « beaucoup plus fréquents [...] que chez ceux des autres partis ».
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LES EXTRÊMES DROITES SOUS ENQUÊTE
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Dès 2013, Mediapart révélait que des eurodéputé·es français·es embauchaient des cadres de leur parti comme assistants parlementaires. Parmi eux, un grand nombre d’élu·es du Front national – dont Marine Le Pen, qui avait attiré l’attention des services du Parlement en recrutant, pendant la campagne présidentielle, en 2011, ses deux vice-présidents comme assistants.

Dix ans plus tard, cette dernière est renvoyée, avec 26 autres eurodéputé·es et assistants du RN, devant le tribunal correctionnel pour « détournement de fonds publics ». Les enquêteurs estiment que le parti a mis en place « un système organisé frauduleux » pour rémunérer ses cadres sur fonds publics « par le biais d’emplois fictifs d’assistants parlementaires » – ce que le RN dément.

L’affaire est importante, car outre une peine de prison et une amende, Marine Le Pen risque une peine d’inéligibilité, qui l’empêcherait de concourir à la présidentielle de 2027. Nul doute qu’elle suit de près le procès, qui s’est ouvert le 16 octobre, du patron du MoDem François Bayrou, accusé des mêmes faits.

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MAIS QUI EST... JAVIER MILEI ?
Par Ludovic Lamant
Image Mais qui est... Javier Milei ?

Un homme de 52 ans qui a donné à ses chiens des prénoms d’économistes libertariens, et s’est surtout qualifié, dimanche 22 octobre, pour le deuxième tour de la présidentielle en Argentine. Mais il n’est arrivé que deuxième (30 % des suffrages exprimés), quand les sondages le donnaient en tête. Et il n’a gagné que 500 000 voix par rapport aux primaires d’août. Il n’est plus le favori du deuxième tour.

Pure création des plateaux télé, hyper-agressif quand un·e journaliste se permet de lui porter la contestation, Javier Milei a bouclé sa campagne comme il l’avait commencée : armé d’une tronçonneuse, qu’il veut utiliser pour réduire en lambeaux les administrations de l’État. Cet économiste de formation veut aussi fermer la Banque centrale d’Argentine pour en finir avec le peso au profit du dollar, cesser le commerce avec la Chine, privatiser l’école et la santé ou encore déroger à la loi sur l’avortement.

Difficile, à ce stade, de le rapprocher d’autres extrêmes droites sur le continent : à l’inverse de Jair Bolsonaro au Brésil, José Antonio Kast au Chili ou Donald Trump aux États-Unis, il est un nouveau venu dans le monde politique, qui avance sans véritable structure partisane derrière lui. Ce qui rend encore plus imprévisible une éventuelle présidence Milei.

REVUE DE PRESSE

 
Par Youmni Kezzouf
Quelques jours après l’attentat d’ArrasLe Télégramme racontait comment une dizaine de militants masqués du groupe néofasciste Oriflamme Rennes ont dégradé le local rennais du Parti communiste français (PCF), en l’aspergeant de peinture rouge et en placardant des affiches « Communistes, traitres à la patrie ». Depuis le drame, de nombreux et nombreuses militant·es et responsables politiques d’extrême droite accusent le PCF, mais aussi d’autres élu·es de gauche et des associations de soutien aux réfugié·es, d’être responsables de la non-expulsion, en 2014, de la famille du terroriste Mohammed Mogouchkov.

À Rennes (Ille-et-Vilaine), deux conseillers municipaux écologistes, dont une adjointe à la maire socialiste Nathalie Appéré, ont été directement ciblés par Gilles Pennelle, directeur général du RN et conseiller régional de Bretagne, dans un communiqué« La gauche et l’extrême gauche rennaise portent une immense responsabilité dans ce nouvel attentat islamiste », a écrit l’élu d’extrême droite, bientôt suivi par Charles Compagnon, conseiller municipal et référent local du parti Horizons, qui est allé jusqu’à reprendre à son compte le concept de « guerre civilisationnelle contre la démocratie occidentale ».

À NE PAS MANQUER

 
 
Le député RN Laurent Jacobelli est dans le collimateur des responsables de la majorité après ses propos tenus à l’encontre de leur collègue Belkhir Belhaddad. Vendredi, il lui avait demandé des nouvelles du Hamas, avant de le traiter de « racaille ».

L’ITALIE SOUS MELONI
Par Karl Laske
Image L'Italie sous Meloni

On reparle justement de la « GUD connection », mais cette fois-ci de l’autre côté des Alpes, où l’un des contacts à Rome de Frédéric Chatillon, ex-chef du GUD longtemps proche de Marine Le Pen, a défrayé la chronique cet été. Ancien parlementaire, jusqu’alors directeur de la communication de la région du Lazio, Marcello De Angelis a défendu l’innocence des néofascistes condamnés à perpétuité pour l’attentat de la gare de Bologne qui avait fait 85 morts et 200 blessés, le 2 août 1980.

Mais c’est pour le texte d’une chanson antisémite qu’il a démissionné des services de la région, fin août. Dans les années 1990, Marcello De Angelis avait animé un groupe de rock identitaire, le « 270 bis » – qui désigne l’article de loi qui réprime l’association subversive en Italie –, prisé des skinheads qui faisaient le salut fasciste quand il chantait.

En cavale et sous le coup d’un mandat d’arrêt en 1980 pour « association subversive et appartenance à une bande armée », il s’est constitué prisonnier en 1989 et a été condamné à 5 ans et demi d’emprisonnement. Il avait intégré le groupuscule Terza Posizione, dont l’un des membres a été mêlé à l’attentat de Bologne. Dans un message amical posté sur Facebook, il a récemment rappelé à Frédéric Chatillon qu’il avait participé aux 25 ans du GUD à la Mutualité en 1993.

CÔTÉ PARLEMENT
Fin septembre, le RN a fait son grand retour au Sénat avec trois nouveaux élus. Le parti d’extrême droite a ainsi confirmé sa progression dans les zones rurales, où il a recueilli les voix de milliers d’élu·es locaux, souvent sans étiquette revendiquée.

UN ŒIL SUR LA RECHERCHE

 
Par Fabien Escalona
« La ruse suprême du diable est de faire croire qu’il n’existe pas », peut-on lire en introduction du dossier du dernier numéro de la revue Esprit. Intitulé « Nommer l’extrême droite », cet ensemble d’articles revient sur les tactiques et les complaisances qui ont contribué à euphémiser, dans l’espace public, la nature d’une force politique dont l’« imaginaire inégalitaire » est pourtant resté intact. 

Y figure une conversation entre trois universitaires – Cécile Alduy, Annie Collovald et Jean-Yves Pranchère – ayant tous travaillé, sous différents angles, sur la langue réactionnaire. L’échange permet notamment de bien cerner ce qui contribue à l’attraction du RN, en dépit de son héritage historique infamant, bien ancré dans un nationalisme de droite. 

D’abord, le RN brouille les repères en reprenant à la surface des termes relativement consensuels (« féminisme », « laïcité »…), pour leur donner dans le détail un contenu nationaliste et identitaire. Ensuite, explique Cécile Alduy, « la grande trouvaille du discours frontiste est de brancher les angoisses individuelles (le ressentiment, la colère, la peur) sur un discours concernant la disparition de collectifs »

« La force de ce récit, poursuit la chercheuse, est qu’il repose sur un schéma archétypal » supposant l’intervention d’un sauveur pour nous ramener à un âge d’or. Quoique fantasmé, cet âge d’or ne semble pas si loin : il est celui de la société consumériste, et beaucoup plus homogène culturellement, des Trente Glorieuses.

Autrement dit, l’extrême droite contemporaine capture à son profit des valeurs diffusées par les élites nationalistes et capitalistes qui ont façonné nos États et nos sociétés. Loin de l’héroïsme et de la révolution anthropologique prônée par les fascistes du siècle passé, elle « propose, à des sujets frustrés par le néolibéralisme, de rester des “consommateurs souverains”, bénéficiant de compensations nationalistes au détriment des populations minoritaires », note Jean-Yves Pranchère.

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