Comment réagir face à un excès de bienveillance ? Je me suis posé la question lors d’une scène assez inédite. Nous connaissons tous des gens qui ne disent jamais « bonjour », malgré des opportunités quotidiennes. Cette attitude me choque toujours. Sans être ni naïf, ni trop candide, j’apprécie la simple courtoisie. Même un signe de tête peut suffire, voire une porte retenue pour vous faciliter la tâche. Mais, l’autre matin, c’est allé beaucoup trop loin.
Je venais de rentrer dans l’ascenseur avec une collègue, nous parlions d’un sujet de boulot, lorsqu’un « bonjour » a vaguement retenti dans mes oreilles. Oui, j’aurais sans doute dû interrompre sur-le-champ ma conversation pour répondre. Car, ensuite, c’est-à-dire deux ou trois secondes plus tard, soit un temps infini qui aurait dû me permettre de réagir, deux autres « bonjour » ont retenti, et du deuxième on peut dire qu’il a été presque crié.
Cette première surprise, déclenchée par le volume sonore de la formule de politesse, a été doublée d’une seconde en découvrant le profil de son autrice, une jeune femme, alors que j’aurais plus volontiers imaginé une personne d’un âge mûr, légèrement acariâtre, prompte à s’agacer du manque de politesse des plus jeunes, ce qui au passage m’aurait flatté.
Je suis resté calme dans mon expression, expliquant tout de même à l’autrice de cette bienveillance terroriste que j’avais l’habitude de dire « bonjour » mais que, très exceptionnellement, pris par une conversation de travail, j’avais eu un peu de retard à l’allumage, mais cette bienveillance terroriste m’a prodigieusement énervé. Voire inquiété sur notre seuil de tolérance face à l’attitude d’autrui. Le reste de la journée s’est correctement déroulé.
Fabrice Tassel
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