Avec les premiers frimas de l’automne arrive ce moment tragique où le critique littéraire se trouve confronté à sa monumentale inculture, celle qu’en temps normal il tente tant bien que mal de dissimuler derrière le masque de l’arrogance et de la mauvaise foi. Mais face à la liste des auteurs pressentis pour le prix Nobel de littérature, le masque tombe. Et ça fait mal. Comme chaque année, les paris des bookmakers sur l’identité du futur élu de l’Académie suédoise donnent des sueurs froides. A la lecture des noms, qui lui sont pour beaucoup inconnus, un frisson de honte parcourt l’échine du journaliste qui prétend avoir fait de la littérature sa spécialité.
Ainsi, Xi Xi. Avouons-le toute honte bue, nous n’avons jamais entendu parler de cette écrivaine chinoise de Hong-Kong, née en 1938, et donnée gagnante à 33 contre 1. Et le poète polonais Ryszard Krynicki, auteur du recueil « Drugi projekt organizmu zbiorowego » et surtout du poignant « Jeżeli w jakimś kraju » ne nous est pas beaucoup plus familier, malgré sa cote de 16 contre 1. C’est dans ces moments d’extrême solitude et de profonde remise en question existentielle que l’on envisage une reconversion dans le toilettage canin ou les loisirs créatifs.
Mais, même si l’époque s’y prête, tentons de ne pas tout repeindre en noir et, comme Brian sur sa croix, dans le film des Monty Python - gloire à eux pour les siècles des siècles - tentons de voir le
« bright side of life », le côté lumineux de la vie. Cette année, on se sent un peu moins ignare en étudiant fébrilement les profils des possibles successeurs d’Abdulrazak Gurnah, le romancier tanzanien
couronné en 2021. Peut-être grâce à la présence importante d’écrivains francophones.
Sur le site anglais de paris en ligne NicerOdds, figurent en effet parmi les Nobel potentiels Scholastique Mukasonga, Maryse Condé, Hélène Cixous, Pierre Michon, Annie Ernaux et… Michel Houellebecq, à 7 contre 1 ! Il est vrai que la prose de notre Michou national colle parfaitement à ce qu’Alfred Nobel souhaitait voir récompensé, à savoir une œuvre qui « a fait la preuve d’un puissant idéal ». La fiabilité de ces prédictions est de toute façon toute relative. Hilary Mantel et Javier Marias, bien que favorablement cotés, ont peu de chances de faire un discours de remerciement à Stockholm : ils sont décédés. On parie en tout cas que, jeudi 6 octobre, jour de l’annonce du prix Nobel de littérature, on ne fera pas les malins.
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