Nous sommes toutes des femmes américaines. Ces 23 et 24 juin sont à marquer de deux pierres noires pour la démocratie occidentale. Coup sur coup, la Cour suprême des Etats-Unis a rendu un arrêt, visant à faire jurisprudence, qui autorise les citoyens de l’Etat de New York à circuler armés dans tout l’espace public et, surtout, abrogé l’arrêt historique Roe versus Wade, fondateur en 1973 du droit constitutionnel à l’avortement. Preuve du caractère démesurément politique du pouvoir judiciaire américain, cette décision signe le retour des ténèbres pour les femmes, au premier rang desquelles les femmes pauvres et de couleur, et bientôt pour d’autres titulaires de liberté, comme l’a annoncé le juge Clarence Thomas.
La moitié des Etats, et certains l’ont déjà fait, pourraient ainsi interdire le recours à l’IVG, y compris, pour beaucoup d’entre eux, dans les cas de viol, d’inceste ou de danger vital pour la femme, mineure ou non. Cette victoire de la droite la plus dure et de ses juges qui ont bien mérité leur nouveau surnom de « talibans de l’Occident » est le résultat direct de la politique de Donald Trump, qui durant sa présidence a nommé trois législateurs ultraconservateurs à la plus haute instance judiciaire américaine, et dont on connaît de mieux en mieux la folie personnelle grâce au témoignage d’une jeune femme qui n’a pas eu peur de témoigner devant la commission d’enquête parlementaire sur l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Mais elle est aussi, plus profondément, le fruit amer d’un patient travail de sape des institutions américaines. Des décennies de labourage de crâne, de manipulation d’opinion et de stratégie souterraine organisée par le camp républicain et ses alliés religieux ont conduit à ce désastre.
Bien qu’annoncé depuis plusieurs mois, ce bond de cinquante ans en arrière a provoqué la stupeur.
« Une tragique erreur », a commenté le président Joe Biden. Une véritable
« guerre contre les femmes », dit à l’Obs l’américaniste Sylvie Laurent, qui explique l’ampleur de la régression et le phagocytage du pays par une minorité fanatique. La fiction de Margaret Atwood, « La Servante écarlate », est en passe de devenir une réalité, déplore
l’historienne Joan W. Scott, qui nous exprime toute sa détresse devant la puissance de la vague réactionnaire.
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