Mettez-vous dans la peau d’un écrivain reconnu ayant un livre à promouvoir. Vous êtes invité à parler sur les plateaux télé et à rencontrer vos lecteurs en librairie. Vous n’avez pas à vous soucier du décor. Vous êtes le clou du décor. Au mieux faut-il que vous soyez présentable – encore que le cliché de l’artiste trop bohème pour trouver son chemin jusqu’à la salle de bains peut ajouter une sorte de crédibilité. Dans tous les cas, vous n’êtes pas là pour parler des meubles. A l’âge de Zoom, c’est presque l’inverse. Vos meubles parlent pour vous. Capté par votre webcam, votre environnement doit refléter votre infinie sagesse, votre fine analyse de la société et des débats qui la traversent, voire votre meilleur pronostic quant à la date du vaccin contre le Covid.
Certains écrivains se sont prêtés à l’exercice de l’interview à distance avec brio, trouvant un équilibre de bon aloi entre Marie Kondo et Pic de La Mirandole. L’excellente initiative
« 1 endroit où aller », lancée par des libraires pour perpétuer les rencontres avec des auteurs pendant le confinement, a ouvert une fenêtre sur un florilège de pièces à vivre, d’étagères plus ou moins ordonnées et d’éclairages insuffisants. S’il fallait s’inspirer du barème du compte Twitter
@RoomRater, à qui distribuerions-nous les bons points ?
Sans doute pas à
Joël Dicker. L’écrivain suisse à succès vit probalement dans un très bel appartement. Mais il ne veut pas qu’on le voit. Mais il veut quand même qu’on sache qu’il vit dans un très bel appartement. C’est pourquoi il a choisi un fond d’écran représentant un chalet design et luxueux. Nous voilà davantage transportés dans une annonce immobilière de prestige que dans un échange sérieux sur la littérature. A ce compte-là, on préfère les palmiers insolents de Pierre Assouline
lors de la remise du prix Goncourt.
Alexandre Jardin donne ses entretiens à la coule, affalé dans son canapé en cuir, sous un panorama de Paris en noir et blanc. C’est bien, ça ressemble à chez Monsieur-tout-le-monde, car Alexandre Jardin est avant tout un écrivain populaire. Composition inhabituelle chez
Virginie Langlois, qui partage l’écran avec une imposante figurine de poule. La coautrice de « Dessine-moi un chat de Schrödinger » est dans l’ombre, tandis que sa créature, tout droit sortie d’un cauchemar primitif flamand, se situe dans la lumière, comme si elle allait donner son avis à tout moment. Un intéressant Jérôme Bosch 2.0.
Passons à
Miguel Bonnefoy, remarqué en cette rentrée pour « Héritage », sa fresque d’inspiration sud-américaine. Fauteuil club engageant, plante verte en pleine santé, bibliothèque à l’arrière-plan. On est cosy, on imagine déjà le plaid et le thé fumant, mais on n’oublie pas qu’on est là pour parler de livres. Enfin, l’experte en matière d’élégance, c’est
Christine Orban. Excellente bibliothèque, variée en éditeurs et en genres (sans oublier les beaux-livres), lumière élégante avec deux lampes, livre de l’intéressée discrètement mais judicieusement exposé, coussin tigré qui marque le côté racé. Grrraou/10.
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