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FIL INFO BARCELONE
La percée historique de l’extrême-droite en Espagne
Vox devient un des partis d’extrême-droite les plus puissants d’Europe en remportant 52 députés au parlement espagnol. Comment le parti en est arrivé là. Décryptage.
Vox est une excision de la droite parlementaire en Espagne. En 2014, une poignée de dirigeants du Partido Popular -l’équivalent espagnol du parti français les Républicains- trouvent le premier ministre de l’époque Mariano Rajoy trop centriste et se lancent dans leur propre aventure en fondant le mouvement Vox. Un parti qui est censé défendre les supposées valeurs traditionnelles de l’Espagne. Opposé à l’immigration, au multiculturalisme, à l’Europe et à l’avortement, Vox s’inscrit dans la pure ligne de l’extrême-droite et fut l’unique mouvement espagnol à soutenir Marine Le Pen lors des dernières présidentielles. Marine Le Pen lui rend bien, en félicitant régulièrement le parti sur les réseaux sociaux.
Cependant, les débuts du mouvement furent compliqués. La sauce ne prend pas, le parti réalise un ridicule score de 0,23 % aux élections législatives de 2016. Effectivement, même si le Premier ministre conservateur de l’époque Mariano Rajoy est un pragmatique sans colonne vertébrale idéologique, il sait faire cohabiter au sein du Partido Popular les différentes familles de la droite espagnole : centriste, conservatrice, monarchiste, catholique ou nationaliste.
Lassitude
En 2017, en pleine rébellion catalane qui prépare son référendum d’indépendance, l’aile la plus radicale de la droite commence à se lasser de la gestion du conflit par Mariano Rajoy. Des mesures plus musclées sont demandées par un certain nombre de secteurs conservateurs qui commencent à écouter Vox d’une oreille plus attentive. Le parti d’extrême-droite est le premier à évoquer de sévères peines de prison pour le gouvernement de Carles Puigdemont, la fermeture de la chaîne publique TV3 jugée comme propagandiste indépendantiste, la dissolution de la police catalane les Mossos d’Esquadra, le démantèlement des institutions de la Generalitat et restreindre l’usage du catalan.
Des paroles aux actes, Vox devient partie civile dans le procès judiciaire du gouvernement Puigdemont. Une vitrine médiatique qui se traduira par un résultat inédit aux élections régionales andalouses de décembre 2018 avec l’obtention de 12 députés locaux. Une première depuis la chute du franquisme. Dans cette région, le Partido Popular et les libéraux de Ciutadans font alliance avec Vox pour former une majorité et diriger la région d’Andalousie.
Une absence de cordon sanitaire qui met un certain malaise en Europe, notamment en France, où Emmanuel Macron fut le parrain politique de Ciudadanos.
A droite toute
Aux législatives d’avril, Vox a empoché une vingtaine de parlementaires, là aussi une première dans l’histoire démocratique espagnole. Un mois plus tard lors des élections municipales et régionales, toujours sans cordon sanitaire, le PP et Cuidadanos se sont alliés avec Vox pour prendre le contrôle de la mairie et du conseil régional de Madrid.
Le parti qui ne représentait que 0,23 % des voix il y a seulement trois ans, il a atteint 15% lors de ces législatives et se dote d’un groupe de 52 députés devenant de surcroît la troisième force politique en Espagne. Vox a aspiré l’électorat de Ciudadanos qui passe de 60 à 10 députés entre avril et novembre. Comme l’écrivait en janvier dernier sur Equinox, le professeur Christian Hoarau, le profil type de l’électeur de Vox ressemble à celui de Ciudadanos: homme, âgé entre 35-55 ans, résidant dans une ville de plus de 50.000 habitants, en activité et appartenant à la classe moyenne, et idéologiquement situé plutôt à la droite de l’échiquier politique. Les variables socio-démographiques montrent un électorat de Vox similaire à celui de Ciudadanos et éloigné du stéréotype de l’électeur traditionnel de droite : des femmes, des retraités et des ruraux. Celui-ci reste fidèle au PP.
Le professeur Christian Hoarau explique les principales raisons du vote en faveur de Vox avancées par ses électeurs : l’identité espagnole ou la signification qu’ils attribuent à la notion « être espagnol », l’unité de l’Espagne, le problème territorial et l’immigration. La remise en cause des lois sur les violences de genre n’apparaît pas dominante dans les motivations du vote alors qu’elle est très présente dans l’idéologie et le discours des responsables de ce parti d’extrême droite.
La question de l’unité de l’Espagne et la remise en cause de son modèle d’organisation territoriale au profit d’une plus grande centralisation de l’État sont prédominantes dans le vote en faveur de Vox. À cet égard, le conflit catalan joue un rôle de catalyseur du nationalisme espagnol voire du national populisme espagnol. Selon une enquête de l’Institut 40 dB auprès des électeurs qui ont voté Vox lors des élections andalouses, près de 34 % ont choisi ce parti pour « défendre l’unité de l’Espagne » ; 28 % « pour arrêter le mouvement d’indépendance » et près de 25 % pour « mettre fin à l’État des autonomies ». Les électeurs de Ciudadanos face aux émeutes barcelonaises qui ont suivi l’annonce du verdict dans le procès indépendantiste ont franchi le pas et ont choisi majoritairement le bulletin Vox.
Les secteurs les plus radicaux de l’indépendantisme rejettent cette théorie et préfèrent expliquer que l’Espagne est un pays dont l’ADN est fasciste pour ne pas avoir totalement tourner la page du franquisme depuis 1975. Dimanche soir, dans son discours de victoire le leader de Vox, Santiago Abascal a annoncé qu’il utiliserait son groupe parlementaire pour lutter contre l’indépendantisme catalan, notamment en saisissant le conseil constitutionnel chaque fois que le gouvernement de Catalogne fera un pas en avant vers la République. Au même moment, au siège électoral de la gauche Républicaine catalane, les militants scandait le slogan anti-fasciste “No Pasarán“.
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