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samedi 9 novembre 2019

HISTOIRE et MÉMOIRE - TÉMOIGNAGES La chute du mur de Berlin a marqué leur vie - le 9.11.2019


HISTOIRE et MÉMOIRE


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TÉMOIGNAGESLa chute du mur de Berlin a marqué leur vie

Christine Schneider, 60 ans, ici aux côtés de son père Werner, 96 ans, tient en main un petit morceau du mur de Berlin.   « Un souvenir de mon oncle qui vivait à Berlin-Est. »  Photo Le DL /C. H.

Christine Schneider, 60 ans, ici aux côtés de son père Werner, 96 ans, tient en main un petit morceau du mur de Berlin. « Un souvenir de mon oncle qui vivait à Berlin-Est. » Photo Le DL /C. H.


Des artistes se sont exprimés sur des “restes” du pan du mur. Carole Collas se trouvait la semaine dernière dans la capitale allemande, quelques jours avant les festivités.  Photo C. C.

Des artistes se sont exprimés sur des “restes” du pan du mur. Carole Collas se trouvait la semaine dernière dans la capitale allemande, quelques jours avant les festivités. Photo C. C.

Séverine a gardé des souvenirs de son voyage à Berlin, en 1989, dont ces petits bouts du mur.  Photo Le DL /G.D.

Séverine a gardé des souvenirs de son voyage à Berlin, en 1989, dont ces petits bouts du mur. Photo Le DL /G.D.

C’était il y a trente ans, mais pour eux c’était hier : témoignages de Nord-Isérois qui ont vécu de façon particulière cet événement historique.
Dans une boîte transparente en plastique, un caillou est protégé. Soigneusement. Une étiquette tapée à la machine mentionne “Berliner mauer 1961/89”. Ce morceau de pierre n’est pas banal, son histoire non plus. « Mon oncle, qui habitait Berlin-Est, est allé le chercher c’est un petit bout du mur de Berlin. Cela ne ressemble à rien mais c’est tout un symbole », confie Christine Schneider. Qui l’a rangé aux côtés de ses photos de famille, « de mes trésors du passé ».
Cette habitante de Merlas a grandi en France. « Mais ce mur m’a coupée en deux, je n’ai profité de ma famille allemande que trois fois trois jours dans ma vie. Je n’ai pas vu ma grand-mère paternelle avant sa mort… Alors, quand j’ai appris qu’il tombait, c’est comme si, tout d’un coup, justice était en train de se faire. Je voulais tant être sur place, c’est un de mes plus grands regrets. » À la place, elle se trouvait chez elle, dans son ex-domicile à Saint-Étienne-de-Crossey. « Scotchée à la radio. » Enceinte, elle n’avait pas pu faire le déplacement, son troisième enfant naissant quelques jours après la chute du mur. « J’avais pourtant une folle envie d’être là-bas, entourée du peuple allemand et de ma famille, pour vivre cette euphorie. » Et pour fouler à nouveau la terre de son père Werner, 96 ans, qui vit aujourd’hui à ses côtés. Après la Seconde Guerre mondiale, il avait été fait prisonnier de guerre allemand et détenu en France. Et contraint, aussi, de participer à la reconstruction du pays. Sur ce mur, il ne s’exprimera pas. Ou presque.

« Terrorisée à Checkpoint Charlie »

Christine Schneider, auteur début 2019 du livre “Sale temps pour les Allemands”, dit avoir vécu l’édification du mur comme « une injustice folle », « un sentiment d’anormalité ». « Je ne comprenais pas que des Allemands étaient libres et d’autres non, ils étaient privés de leurs familles. » Elle s’est rendue à Berlin avec ses parents, enfant, en 1961, 1966 et 1969. « Cette dernière fois, j’avais 10 ans. C’était fin juillet. J’étais terrorisée lors des contrôles, notamment au passage de Checkpoint Charlie. La banquette arrière du véhicule était démontée pour vérifier que personne ne s’y cachait, des miroirs permettaient d’inspecter le dessous de la voiture », raconte la Nord-Iséroise. Qui met aussi l’accent sur des moments marquants : « On voulait amener des petits cadeaux pour nos cousins, oncles et tantes. Mon père retirait à chaque fois quelques cigarettes d’un paquet pour ne pas montrer qu’il était neuf, il disait que c’était pour son usage privé. Par crainte d’être accusé de “contrebande”. Et c’était pareil pour le parfum, on vidait le contenu dans un flacon d’eau de Cologne… On était très fouillé. Ce mur nous a fait tellement de mal. »
Des artistes se sont exprimés sur des “restes” du pan du mur. Carole Collas se trouvait la semaine dernière dans la capitale allemande, quelques jours avant les festivités. Photo C. C.
Des artistes se sont exprimés sur des “restes” du pan du mur. Carole Collas se trouvait la semaine dernière dans la capitale allemande, quelques jours avant les festivités. Photo C. C.
« MON PROFESSEUR D'ALLEMAND PLEURAIT DE JOIE »
« Berlin est un livre d’histoire à ciel ouvert, j’ai toujours été attirée par cette ville. » Carole Collas habite à Ruy-Montceau, à plus d’un millier de kilomètres de la capitale allemande. Qu’importe. Car le lien qu’elle dit entretenir avec ce pays est « fort ». Avec sa langue aussi, qu’elle enseigne à l’Institut Robin, à Vienne. Alors, quand elle se plonge dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, les souvenirs ressurgissent. Instantanément.

Un voyage express organisé par la faculté de Grenoble

« C’est un jeudi, je regardais la télévision chez moi. Le lendemain, je me souviens de l’émotion ressentie dans un amphithéâtre de la faculté de Grenoble. Notre professeur d’allemand, qui était Berlinoise, pleurait de joie. Ses mots sont restés. Elle disait et répétait : “Je ne sais pas si je vais pouvoir faire cours tellement je suis émue. Pour moi, c’est un moment historique”. »
La Nord-Iséroise avait 19 ans, 30 ans plus tôt. Étudiante en DEUG d’allemand, elle effectuait sa première année. Deux ou trois semaines après la chute du mur, elle se remémore aussi ce voyage express à Berlin. C’était son tout premier, avec une amie, voyage qui, depuis, en a appelé de nombreux autres, lors de séjours scolaires avec des élèves ou des personnels.
« La fac de Grenoble l’avait spontanément organisé, en 1989. Nous étions partis en bus, pendant plus de 12 heures, pour vivre ce moment en décalé. Je me souviens des contrôles, de ces grands corridors. On avait traversé la RFA, la RDA, raconte-t-elle. Il y avait encore beaucoup de monde, de l’activité. Nous avions passé toute une nuit à marcher dans Berlin, à observer, à découvrir. Des personnes venaient avec un petit marteau et tapaient sur le mur pour participer à sa destruction. Et pour en garder un petit morceau. J’en ai aussi conservé, tout est précieusement rangé chez moi. »
Séverine a gardé des souvenirs de son voyage à Berlin, en 1989, dont ces petits bouts du mur.  Photo Le DL /G.D.
Séverine a gardé des souvenirs de son voyage à Berlin, en 1989, dont ces petits bouts du mur. Photo Le DL /G.D.
En voyage linguistique à Berlin en 1989, à 17 ans
À 46 ans Séverine, résidant dans le Pays turripinois, a vécu les jours qui ont suivi la chute du mur d’une drôle de façon. En décembre 1989, âgée de 17 ans, elle a pris la direction de Berlin en car, en voyage linguistique. «  Dès le mois d’octobre, ça commençait à s’agiter du côté allemand. Les parents avaient été réunis par le lycée. On se demandait s’il fallait annuler le voyage », se souvient-elle.
Le voyage est finalement maintenu. Séverine est hébergée chez un couple, côté ouest. « Là, rien n’avait changé, comme une grande ville européenne. » La lycéenne immortalise l’époque en photos. Notamment une, où l’on voit les Trabant, célèbres voitures de l’Est, passer la frontière. « On savait que le mur était tombé le 9 novembre. Mais, trois semaines après, sur des kilomètres, le mur était toujours debout. Il y avait des endroits où l’on voyait à travers. On apercevait les policiers de l’Allemagne de l’Est derrière. L’un d’eux m’avait donné des morceaux du mur tombés de l’autre côté. »

Quartier libre à Berlin-Est

Le voyage scolaire prend une dimension historique le jour où les lycéens sont autorisés à franchir “le mur de la honte”. «  On nous avait donné quartier libre à l’Est. En 1989, c’était une punition, il n’y avait rien ! Pas de cafés modernes, que des restaurants familiaux à l’ancienne. Ce n’était pas du tout le style de 1989 pour des Européens de l’Ouest. Dans les magasins, il n’y avait rien. J’ai le souvenir de vitrines avec quelques 33 tours qui n’étaient pas du tout d’époque.  On avait vraiment le sentiment d’être là au moment où il se passait quelque chose. Des personnes étaient assez étonnées que l’on ait eu l’opportunité de vivre ça, mais c’était un pur hasard. Quand on vit ce moment-là, on ne sait pas qu’on en parlera encore 30 ans plus tard. Avec le recul, c’est facile de dire que tout s’est bien passé, mais en octobre 1989, ce n’était pas si évident.  »
Depuis, Séverine n’a toujours pas eu l’occasion de revoir Berlin. «  J’espère y retourner un jour. C’est une date qui se rattache à un événement de ma propre existence. Les années passent, j’ai de moins en moins de souvenirs [rires]. Mais, avec cette célébration, je vais acheter la presse, regarder des documentaires, en parler à mes enfants, pour me replonger dans cette atmosphère. »

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