Sous le gilet jaune l' appartenance politique de certain est bien présente. Le mouvement dont le contenu social est soutenu par la majorité des français doit rester vigilant pour ne pas être entraîné dans l'impasse de la violence nourrie par l'ULTRA DROITE . La Macronie n'attend que ça pour déchaîner la répression et déconsidérer le mouvement. (BV)
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Un milicien du Donbass au service d'ordre des gilets jaunes
Par Pierre Tremblay
Lors de l'acte IX, "Le HuffPost" avait interviewé un certain "Anthony", avant que des internautes ne signalent son vrai nom, Victor Lenta.
GILETS JAUNES - C'était une première expérience pour limiter la casse. Samedi 12 janvier, les gilets jaunes arpentaient pour un neuvième samedi d'affilée les rues de la capitale.
En milieu de journée, rue de Rivoli, à mi-chemin du parcours prévu entre Bercy et l'Arc de Triompe, Le HuffPost repère un groupe de manifestants portant des brassards blancs. Ils sont quelques dizaines à diriger et encadrer le cortège de plusieurs milliers de personnes, s'interposant parfois entre les forces de l'ordre et les manifestants qui veulent en découdre.
Intrigués, nous interviewons les membres de ce service d'ordre, une première depuis le début de ces manifestations hebdomadaires souvent émaillées de violences. "Nous voulons éviter de répondre à la provocation de Macron et Castaner et que les médias présentent les gilets jaunes comme des casseurs", explique à notre micro Jean-Paul.
Un autre gilet jaune, béret militaire sur la tête et se présentant comme "Anthony", explique que le dispositif est nécessaire à toute manifestation déclarée. "Étant donné que des gens ont déposé une déclaration de préfecture, il faut un service d'ordre pour contenir les éventuelles violences", affirme-t-il, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous.
Mais après la publication de ce reportage, Le HuffPost est interpellé par des internautes signalant la véritable identité d'Anthony. L'homme s'appelle en réalité Victor Lenta. Il s'agit d'un ancien parachutiste du 3e RPIMa de Carcassonne, ancien membre du Bloc identitaire et des Jeunesses nationalistes à Toulouse.
Dans son livre "Vol au-dessus d'un nid de fachos" paru en 2014, le journaliste Frédéric Haziza affirmait que Victor Lenta a été renvoyé de l'armée pour avoir participé avec le groupuscule néonazi Languedoc War à l'incendie d'une mosquée à Colomiers (Haute-Garonne) en avril 2008. Des propos qui ont cependant valu à son auteur et l'éditeur une condamnation pour diffamation en avril 2016.
À Causeur, le Français d'origine colombienne évoque simplement des "problèmes politiques" pour expliquer son départ de l'armée et souligne avoir été impliqué "que dans une sombre affaire de rixe avec un étudiant chilien". L'homme fait référence à la violente agression de Manuel Andrès Pardo en 2012 à Toulouse, pour laquelle Mathieu Clique, ex-chef du Bloc Identitaire, a écopé de trente mois de prison dont douze avec sursis.
Victor Lenta est aussi le cofondateur du mouvement ultranationaliste "Unité continentale", organisation qui aide les "volontaires" français et européens désirant combattre aux côtés des séparatistes pro-russes dans la région ukrainienne du Donbass. En 2014, plusieurs médias avaient raconté le périple de ces Français incrustés dans la lutte armée pour la République populaire de Donetsk. Après vérifications, Victor Lenta n'est d'ailleurs pas l'unique ancien milicien à participer aux manifestations des gilets jaunes.
"Un service de protection des gilets jaunes"
Contacté par Le HuffPost quelques jours après l'acte IX, Victor Lenta rejette le vocable "service d'ordre". "On n'aime pas trop ce terme. On parle de service de protection des gilets jaunes, car il est né en réaction aux violences policières", nous explique-t-il aujourd'hui. L'homme affirme que le dispositif est formé d'une quinzaine de militaires, auxquels s'ajoutent d'autres volontaires. Selon lui, une quarantaine de personnes portaient le brassard blanc dans les rues parisiennes le 12 janvier.
Même si Victor Lenta reste évasif sur l'organisation et le recrutement de ce "service de protection", tout indique que les membres seraient choisis par simple cooptation. "Il faut d'abord avoir participé à plusieurs manifestations. (...) Et puis c'est comme toute l'organisation des gilets jaunes, il y a des assemblées générales et tous les gars qui ont des expériences de la sécurité, de l'armée ou de la police... On regarde si quelqu'un les connaît et il sont les bienvenus", explique l'ancien parachutiste.
Sur les images des actes XIII et IX, on peut apercevoir Victor Lenta en compagnie d'autres manifestants portant béret et décorations militaires, mais le fondateur d'Unité Continentale assure être le seul membre de son organisation au sein de ce "service de protection".
Des images qui font sourire Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite et directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès. "Un service d'ordre vise à l'efficacité pas à ressembler à un défilé militaire d'anciens combattants", raille le politologue au HuffPost, ajoutant que "ce n'est pas nécessairement la meilleure des manières pour passer inaperçu".
"Quand ont veut faire un service d'ordre, il n'est pas nécessaire de trimballer sa batterie de décoration et son béret de parachutiste, tout ça est parfaitement grotesque", affirme Jean-Yves Camus.
De son côté, Victor Lenta assure que son implication est strictement à titre individuel et non en tant que membre d'"Unité continentale"."Je participe en tant que citoyen français qui partage les même revendications sociales que les gilets jaunes et le même constat que le système est à bout de souffle", affirme-t-il. Sur sa page Facebook, l'ex-milicien au gilet jaune partage des vidéos d'Éric Drouet et d'Étienne Chouard, tout en citant l'Abbé Pierre ou l'écrivain collaborationniste Pierre Drieu La Rochelle.
"L'atmosphère révolutionnaire du Donbass"
En plus de Victor Lenta, au moins deux autres anciens combattants français dans le Donbass ont participé aux manifestations parisiennes des gilets jaunes. On retrouve d'abord Sergei Munier, Français né à Lougansk en 1992, arrivé en France à l'âge de 10 ans, puis reparti en 2014 dans son pays d'origine pour rejoindre "l'Armée orthodoxe russe" et combattre "les traîtres de l'Ukraine libre".
Sur ses pages Facebook et VK (un réseau social russe), de nombreuses photos et vidéos le montrent en action sur le terrain, comme ici en train de manipuler un fusil anti-char récupéré de l'armée ukrainienne.
Cinq ans plus tard, le jeune homme se réjouit sur son compte Facebook de voir en France un "soulèvement populaire presque comparable à cette atmosphère révolutionnaire du Donbass au printemps 2014".
"Ce que j'ai vu dans les blocages (des gilets jaunes), ce sont d'authentiques Français. Une espèce en voie de disparition, l'arrière-garde de la société moderne. Celle que l'on saigne au profit de tous genres de parasites. Aussi bien ceux qui arrivent par milliers en bateaux que ceux qui siègent à l'assemblée et dans les conseils d'administration des banques", explique Sergei, dans une publication du 27 décembre.
Depuis quelques semaines, le jeune homme publie des photos de lui sur les Champs-Élysées, au coeur des manifestations des gilets jaunes, dont un cliché alors qu'il arbore le drapeau de la République populaire de Donestk (RPD).
Sur l'image ci-dessus, un autre ex-milicien français (à gauche) accompagne Sergei Munier. Plus discret sur les réseaux sociaux, il apparaît sur de nombreuses photos prises en Ukraine, aux côtés de Victor Lenta et d'autres combattants français.
Utilisant le prénom Mischa (la traduction russe de Mickael) sur ses comptes Facebook et VK, cet ancien salarié de Carrefour sans passé militaire était décrit comme le "prolétaire" du groupe de miliciens français dans un récit de l'envoyée spéciale de Libération à Donestk en août 2014. Partisan du régime syrien de Bashar al-Assad, il a lui aussi milité au sein de l'organisation "Unité continentale" ces dernières années.
En plus de Victor, Mickael et Sergei, d'autres miliciens s'intéressent aussi à la crise des gilets jaunes, même si leur engagement armé les retient bien loin des pavés parisiens. Dans un long message publié le 23 novembre sur sa page Facebook, Erwan Castel, une figure française de la lutte séparatiste pro-russe toujours active dans le Donbass (selon un blog qu'il met régulièrement à jour), invitait les gilets jaunes a penser d'abord "militairement et non politiquement" le combat.
L'ex-militaire breton de 56 ans proposait aux gilets jaunes quelques idées d'actions: "bloquer les centres névralgiques, les sorties des casernes de gendarmerie et commissariats, les accès aux voies rapides, les dépôts énergétiques, les aéroports et ports internationaux, pour pousser le pouvoir dans une escalade de la violence contre son peuple".
Au HuffPost, Victor Lenta avoue lui aussi que "l'ambiance des premiers temps" du mouvement des gilets jaunes lui a rappelé son séjour dans le Donbass. "Lors des trois premiers actes, on voyait des barricades se faire, des gens sur les ronds-points, il y avait les mêmes images en Ukraine", raconte l'ex-milicien, avant de préciser que, même si on retrouve une même méfiance à l'égard de l'Union européenne, les raisons du soulèvement sont très "différentes".
Ils ont bénéficié d'un effet d'opportunité.Jean-Yves Camus, politologue
Même si la présence de ces ex-miliciens et activistes ultranationalistes dans les manifestations de gilets jaunes reste un épiphénomène, elle révèle une autre facette d'un mouvement protéiforme qui permet à certains groupuscules de s'insérer hors de leur cercle restreint de militants. Pour Jean-Yves Camus, ces mouvements bénéficient d'un "effet d'opportunité" avec les gilets jaunes.
"Ils ont une détestation du système, ils veulent le renverser. Ils sont engagés depuis longtemps à l'ultra-droite et ils trouvent une occasion de se montrer avec une foule beaucoup plus conséquente que ce à quoi que les groupes auxquels ils ont appartenu peuvent rêver", explique le politologue.
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