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jeudi 25 janvier 2018

Des propositions chocs pour réformer le bac......En Italie, le " colloquio ", héritage de 1968, est inscrit dans la culture


25 janvier 2018

Des propositions chocs pour réformer le bac

Grand oral, suppression des filières, plus de place au contrôle continu… Les arbitrages seront rendus au printemps

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C'est à la réforme d'un " monument national " qu'entend -s'atteler ce gouvernement. On a beau dénoncer le baccalauréat comme " chronophage ", coûteux, bradé, brocarder à chaque session sa pluie de devoirs sur table, de cœfficients et d'options, le savoir déconnecté de l'orientation dans l'enseignement supérieur – qui se décide, désormais, en amont –, il reste un verrou du système éducatif. C'est lui qui conditionne les trois années du lycée. Lui, aussi, qui peut du jour au lendemain pousser dans la rue des milliers de lycéens.
" Le supprimer, ce serait comme démonter la tour Eiffel ", avait reconnu l'ex-ministre de l'éducation Xavier Darcos, dont la tentative de réforme du lycée a été mise en échec, en  2008, face à la contestation. Son successeur Luc Chatel l'a redimensionnée… sans toucher à l'examen. Cette prudence dépasse les clivages politiques : Vincent Peillon, premier des trois ministres de l'éducation de François Hollande a, lui, réussi le tour de force d'écrire une loi d'orientation en omettant le sujet.
Depuis 1995 et la transformation des sections (A, B, C, etc.) en séries (L, ES, S…), le bac n'a pas connu de remise en jeu véritable. En tout cas pas le bac général : les bacs technologiques et professionnels évoluent, quand l'examen des cadres et des enfants de cadres demeure, lui, quasi intouchable.
Irréformable, le bac ? Le candidat Macron a fait de sa " modernisation " une promesse de campagne. La " logique " était déjà -connue : restreindre à quatre les épreuves terminales, passer les autres en contrôle continu. C'est la recette - ou proposition de recette - que devait dévoiler, mercredi 24 janvier, l'ancien directeur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot, chargé par le ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer, en concertation avec la communauté éducative, de dégager des pistes de réforme. Dans les prochaines semaines, doit s'ouvrir une étape de concertation avec les syndicats d'enseignants – qui ont commencé à fourbir leurs arguments –, après laquelle des arbitrages seront rendus au printemps. Le gouvernement joue la montre : certaines mesures relatives au lycée pourraient entrer en vigueur dès la rentrée 2018. Voici les grandes lignes qui semblent se dessiner, et les aspects qui restent à préciser.
Les propositions pour la réforme du lycée Selon la lettre de mission remise à Pierre Mathiot, le lycée doit pouvoir s'orienter " vers une plus grande personnalisation des parcours ". L'enseignement au lycée adopterait un fonctionnement " modulaire ",défendu, de longue date, par certains syndicats comme le SGEN-CFDT (gauche réformiste) mais pas par le SNES-FSU, majoritaire, pour qui un lycée " à la carte " ne saurait faire disparaître les hiérarchies et les inégalités.
Les filières L, ES et S disparaîtraient. Les lycéens pourraient choisir deux matières " majeures " et deux " mineures " (ainsi qu'une matière optionnelle), pour les années de première et de terminale. Des enseignements de tronc commun seront maintenus jusqu'en terminale. Les élèves auraient le choix entre plusieurs combinaisons de majeures possibles, au niveau national. Etaient pressentis sept couples de majeures en sciences et technologies, quatre en sciences et ingénierie, cinq en lettres, Humanité et société ". Par ailleurs, localement, les lycées devraient pouvoir proposer d'autres combinaisons, des majeures dites " d'établissement ".
En seconde, des matières deviendraient optionnelles dès le second semestre (car l'année serait organisée en semestres dès la rentrée 2018). L'élève pourrait donc commencer à dessiner son parcours de spécialité en vue du passage en première, mais il conserverait la possibilité de changer d'avis par la suite. Une des deux majeures pourrait, par ailleurs, être modifiée entre la classe de première et de terminale.
La distinction entre baccalauréat général et technologique serait maintenue, mais avec des passerelles (majeures partagées, cours communs…). Ce système de majeure-mineure s'appliquerait également aux enseignements technologiques. Un troisième module devrait être consacré à l'orientation et à la méthodologie pour le grand oral.
Les propositions pour la réforme du baccalauréat Il y aura deux épreuves en première et quatre en terminale. Les épreuves anticipées de français restent inchangées. Elles auront toujours lieu en première. En terminale, le changement proposé par le rapport Mathiot consisterait en deux épreuves au printemps (sur les deux majeures), et deux épreuves en juin, un grand oral et une épreuve écrite de philosophie. A titre de comparaison, les élèves passent entre dix et quinze épreuves aujourd'hui, en fonction de leurs options. L'ensemble pourrait peser pour 60 % de la note globale du baccalauréat, murmure-t-on dans les rangs syndicaux ; un ratio qui reste à confirmer.
Un grand oral de trente minutes en fin de terminale, où le candidat présenterait un projet interdisciplinaire lié à l'une de ses majeures, se dessine. L'examen serait mené par un jury composé de trois personnes, dont une extérieure au lycée. Il pourrait peser, lui, pour 15 % des épreuves terminales.
Les autres matières seraient évaluées en contrôle continu (avec notes de première et de terminale) ou grâce à des examens ponctuels en fin de semestre et pèseraient pour 40 % de la note finale. Les copies resteraient anonymes. Une autre piste consisterait à proposer un mélange d'épreuves ponctuelles, de type " partiel ", et de contrôle continu. Sur cet aspect sensible de la réforme, au gouvernement de trancher.
Les épreuves de rattrapage devraient disparaître, remplacées par un examen du livret scolaire de l'étudiant. En 2017, près de 96 000 lycéens dont les moyennes se situaient entre 8 et 10/20 ont passé l'oral, avec 69 % de réussite.
Les points qui restent à préciser L'introduction d'un cours de -culture et de démarche scientifique en première et en terminale, destiné à lutter contre la popularité des théories du complot chez les élèves serait envisagé. Ces questions sont déjà abordées dans le cadre de l'enseignement moral et civique introduit, à tous les niveaux de la scolarité, sous la gauche.
Le nombre d'heures consacrées à l'orientation et à la méthodologie est en cours de réflexion. A ce stade, on sait qu'un " temps hebdomadaire " est prévu pour l'orientation, l'accompagnement et la méthodologie, mais pas de précisions sur sa durée. C'est un point important : la nécessité d'accompagner les élèves pour la préparation du grand oral est déjà mise en avant par les syndicats, qui s'inquiètent de cette épreuve qui, sans préparation adéquate, pourrait se révéler " discriminante ".
La composition du tronc commun reste à détailler. Plusieurs hypothèses ont circulé. Ce tronc commun serait composé des matières suivantes : EPS, histoire-géographie, LV1, LV2, mathéma-tiques, français en première. Puis EPS, histoire-géographie, LV1, LV2, mathématiques et philosophie en terminale. Il pourrait y avoir plus d'heures de tronc commun que de spécialité en première et l'inverse en terminale. C'est sur cette question du volume horaire que les enseignants pourraient se mobiliser.
Violaine Morin
© Le Monde

25 janvier 2018

En Italie, le " colloquio ", héritage de 1968, est inscrit dans la culture

L'épreuve d'oral du baccalauréat porte sur deux disciplines, dont une choisie par l'élève, et compte pour près de 50 % de l'évaluation globale

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Le 8  avril 1341, Pétrarque est récompensé par la couronne de laurier d'Apollon. Pour recevoir cette distinction, le poète florentin se soumet, publiquement, au jugement du roi Robert Ier de Naples. Pendant trois jours, l'érudit est interrogé sur la métaphysique, les phénomènes naturels ou encore l'utilité de la poésie. C'est dire à quel point l'examen oral est inscrit dans la culture italienne.
La " maturità ", le baccalauréat local, comporte, outre un examen écrit, un " colloquio ", c'est-à-dire un grand oral pluridisciplinaire. Au cours de cet entretien, les élèves répondent à des questions sur différentes matières. Ils présentent un petit mémoire pluridisciplinaire devant un jury composé de professeurs issus de leur lycée mais aussi d'un président et de professeurs venus d'autres établissements.
Le colloquio est un héritage du mouvement étudiant de 1968. A l'époque, l'épreuve orale du baccalauréat italien, modelé sous le fascisme, répond à un esprit policier, répressif. " C'était la chasse aux insuffisances de l'élève ", raconte Nicola d'Amico, auteur de Storia e storie della scuola italiana (Histoire et histoires de l'école italienne). Les jeunes demandent une prise en compte de l'originalité de l'individu. Les examinateurs cèdent à leur requête : l'examen oral portera dorénavant sur deux disciplines, dont une sera choisie par l'élève. " Cela permet aux candidats d'exprimer leur personnalité ", raconte Fabrizio Dal Passo, professeur d'histoire à l'université Sapienza, à Rome.
" Evaluer la maturité des jeunes "Cet examen, conçu comme une solution provisoire, restera en place près de trente ans. Avant que la réforme Berlinguer, en  1997, ne vienne redessiner les contours de l'épreuve orale, en introduisant notamment le mémoire pluridisciplinaire et une prise en compte du parcours scolaire de l'élève lors des précédentes années. " Il s'agit d'évaluer la maturité non seulement cognitive, mais aussi personnelle des jeunes ",explique Nicola d'Amico. Les légères modifications successives confirmeront cet objectif, en intégrant des activités extrascolaires comme le sport ou les pratiques artistiques.
C'est ce qui vaut à cette épreuve d'être taxée de discriminante. " Si un élève n'a pas fait d'activités extrascolaires, il aura une moins bonne note ", résume Vanessa Polito, qui enseigne le français dans plusieurs lycées romains. Selon la professeure, le " colloquio ", qui dure entre dix et quinze minutes et compte pour près de 50  % dans l'évaluation globale, est l'épreuve la plus redoutée par les élèves.
" Ils s'y préparent en travaillant sur leur mémoire et en s'interrogeant entre eux. Mais ils ne sont pas habitués à parler devant un jury de plusieurs personnes, ils peuvent paniquer. C'est pourquoi il y a toujours des professeurs internes dans la commission, c'est rassurant. "
La professeure franco-italienne se réjouit que la France réfléchisse à l'introduction d'un oral pluridisciplinaire dans le baccalauréat. Mais à condition que les élèves français y soient préparés : " Les Italiens sont soumis dès le plus jeune âge aux interrogations orales ", rappelle-t-elle. Pour passer un examen oral, il faut maîtriser ses émotions, souligne de son côté Fabrizio Dal Passo, auteur de La scuola italiana (L'école italienne). " Mais dans une société où la confrontation directe, supplantée par les réseaux sociaux, se raréfie, c'est de plus en plus difficile. "
Margherita Nasi
© Le Monde

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