La Fondation Abbé Pierre tire une nouvelle fois le signal d'alarme sur la France du " mal-logement " et insiste sur la résurgence du surpeuplement, dans son vingt-troisième rapport annuel publié mardi 30 janvier.
On pensait révolu le temps où des familles s'entassaient dans des logements exigus. Les Français habitent des logements de plus en plus spacieux, en moyenne par habitant de 40,3 m2 en 2013 alors qu'elle n'était que de 37,5 m2 en 2001. Mais l'enquête nationale logement, menée par l'Insee, en 2013, montre que 8,5 % des ménages vivent en surnombre dans leurs logements, soit 7,6 millions de personnes, un chiffre en hausse de 11,5 % par rapport à 2006, et 934 000 autres sont en situation de surpeuplement dit accentué, soit un bond de 17,2 % depuis 2006.
La Fondation estime même à 9,5 % la proportion de ménages vivant à l'étroit, en intégrant les étudiants en colocation, une situation plus souvent subie que choisie. Pour mesurer le surpeuplement, l'institut étudie non pas le nombre de mètres carrés par occupant, mais le nombre de pièces dévolues à chacun. Pour l'Insee, la norme minimale exige une pièce à vivre (séjour) et une chambre par couple ou par adulte ou enfant de plus de 15 ans (une pièce pour deux enfants de moins de 7 ans ou une chambre pour deux grands enfants s'ils sont de même sexe). Ainsi, une famille avec deux enfants, garçon et fille, de plus de 15 ans, doit disposer d'un séjour et de trois chambres. Il y a surpeuplement lorsqu'il manque une chambre et surpeuplement accentué s'il en manque deux.
Ne pas avoir un espace de rangement ni prendre les repas ensemble autour d'une table, être obligé de dégager la douche pour se laver, ne pas faire de réserves de nourriture faute de place pour les stocker, ne pas pouvoir s'isoler pour se reposer ou faire ses devoirs, manquer d'espace pour que les plus petits jouent, ne jamais inviter personne à dîner… Tous ces critères sont facteurs de stress, accentuent les tensions, l'irritabilité et la culpabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants.
" De nombreuses études scientifiques montrent les effets délétères multiples du surpeuplement et de la privation d'intimité ", précise Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.
" Coûts sociaux "Le surpeuplement peut rester invisible et sous-estimé, surtout aux yeux des élus qui le renvoient parfois à un " choix de vie " ou un " phénomène culturel ". Mais grandir dans un tel environnement peut
" laisser une cicatrice à vie ", selon le rapport qui chiffre à 3,8 millions le nombre d'enfants subissant ces conditions de vie.
" On ne mesure pas assez les coûts sociaux du surpeuplement pour la collectivité en termes d'échec scolaire, de risques de santé – asthme, allergies, incendies, saturnisme – de conflits dans la famille même, avec le voisinage, le propriétaire ", insiste l'auteur de l'étude de la Fondation Abbé Pierre.
Les personnes les plus touchées sont, sans surprise, les pauvres, dont un peu plus de la moitié (351 680 ménages) de ceux dont le statut dans l'habitat est précaire (locataire en meublé, en garni ou sous-locataire). Le surpeuplement touche aussi 939 700 personnes dans le parc locatif privé, dont 80 000 en surpeuplement accentué, comme c'est le cas des 7 000 chambres de bonne de Paris dont la surface est inférieure à 9 m2. Le parc social n'y échappe pas. Près de 17 % de locataires vivent à l'étroit, soit 767 000 ménages. C'est dans ce parc que la hausse est la plus inquiétante, particulièrement en Ile-de-France où 57,3 % des familles nombreuses (trois enfants et plus) sont concernées.
Le surpeuplement est aussi là où on l'attend le moins : 466 000 ménages en sont victimes parmi les propriétaires.
" C'est souvent lors de la naissance d'un ou plusieurs enfants ou du regroupement de familles recomposées que la situation de surpeuplement apparaît ", commente M. Domergue. La Fondation Abbé Pierre propose plusieurs solutions : mieux mobiliser le parc HLM en répondant aux 36 000 ménages déjà installés et qui souhaitent déménager vers un logement moins grand ; produire davantage de petits logements à loyer accessible ; concevoir des habitats évolutifs, qui suivent la taille de la cellule familiale ; renforcer la priorité accordée aux demandeurs HLM vivant déjà en suroccupation accentuée.
Isabelle Rey-Lefebvre
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