C'est un dossier qui empoisonne les relations entre les départements et l'Etat. L'Assemblée des départements de France (ADF) a encore réaffirmé, par la voix de son bureau le 15 janvier, qu'elle refuserait de contractualiser les pactes financiers proposés par le gouvernement tant qu'aucune réponse concrète ne serait apportée quant à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) et des allocations individuelles de solidarité. Sur le premier point, le premier ministre, Edouard -Philippe, attend les conclusions d'une mission d'expertise, qui devrait rendre son rapport, commandé pour la mi-décembre 2017, dans la première quinzaine de février, avant d'annoncer un plan d'accompagnement.
Selon un rapport d'information du Sénat déposé en juin 2017, le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par les -conseils départementaux s'établissait à 13 000 fin 2016 et devait atteindre 25 000 fin 2017, pour un coût total de 1,9 milliard d'euros. Dans la loi de finances pour 2018, 132 millions d'euros ont été budgétisés. Les départements sont débordés, les services saturés pour faire face à l'accueil, à l'évaluation et à la prise en charge de ces mineurs étrangers, même si leur nombre est sans commune mesure avec celui des populations accueillies dans d'autres pays comme l'Allemagne. Les associations dénoncent des conditions
" indignes ".
Pourtant, révèle une étude de l'Observatoire national de l'action sociale (ODAS) rendue publique lundi 29 janvier, nombre de départements, avec les moyens du bord, malgré les contraintes financières, tentent de trouver des réponses adaptées et innovantes.
" Ces départements se mettent à la hauteur du défi, assument leurs responsabilités de prise en charge des MNA une fois qu'ils leur ont été confiés ", note Jean-Louis Sanchez, le délégué général de l'ODAS.
Les jeunes étrangers entrés sur le territoire sans référent parental font d'abord l'objet d'une évaluation et d'une mise à l'abri pendant la durée du processus. Ce n'est qu'une fois que leur minorité et leur isolement ont été avérés qu'ils sont confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département ou d'un autre département, au titre de la solidarité territoriale, par le biais d'une ordonnance de placement provisoire. La moitié, environ, des jeunes évalués sont estimés majeurs et ne sont donc pas placés.
Pour les auteurs de l'étude, un premier constat s'impose. Les jeunes mineurs étrangers arrivés en France parfois au terme d'un périple éprouvant
" n'ont pas forcément les mêmes besoins que le public de la protection de l'enfance ". Ils appellent donc, pour une bonne part d'entre eux, une prise en charge spécifique centrée sur l'insertion socioprofessionnelle et l'accompagnement à l'intégration sociale. Et ce dans un temps limité puisque ces jeunes MNA, arrivés pour la plupart -entre 16 et 18 ans, vont basculer rapidement dans la majorité.
" Volonté de bien faire "Certains départements, dans l'urgence, ont donc commencé à -développer des modes d'héber-gement spécifiquement dévolus aux MNA. Aujourd'hui, selon l'étude de l'ODAS, un tiers d'entre eux seraient ainsi hébergés dans des structures spécifiques,
" avec une grande disparité selon les départements, de 10 % à 100 % ". Les autres sont en partie accueillis en structure classique de l'ASE,
" toutefois, de trop nombreux jeunes sont encore logés en hôtel, en foyer sans accompagnement, en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, ou sont parfois à la rue ".
Ces réponses spécifiques consis-tent essentiellement en appartements partagés à deux, trois ou quatre jeunes, avec la mise en place de parcours de semi-autonomie jusqu'à l'autonomie complète et la sortie du dispositif. Le taux d'encadrement étant moins élevé qu'en structure classique, le coût est également moindre. Commence également à se développer l'accueil en familles bénévoles, avec un dispositif de formation et d'accompagnement des familles. Le département le plus avancé dans ce domaine est la Loire-Atlantique, où une vingtaine de familles sont mobilisées pour accueillir des MNA.
Pour M. Sanchez, cette étude, encore parcellaire, montre
" la volonté de bien faire des départements ".
" Quand on parle des migrants, on ne parle que des difficultés, alors qu'il y a une zone de lumière dont personne ne parle, insiste-t-il.
L'urgence conduit à générer du partenariat. Ce qu'il faut, maintenant, c'est transposer ces bonnes pratiques. "
Patrick Roger
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