Au premier jour de son procès d'assises, Ivo Poppe, baptisé " le diacre flamand de la mort ", a glacé le public des assises de Bruges, en Belgique. Cet ancien infirmier, spécialisé dans l'accompagnement des mourants, a avoué, lundi 22 janvier, qu'il avait tué " vingt personnes au maximum " entre 1978 et 2011. En 1996, il est aussi devenu diacre, une fonction d'assistance au prêtre, assumée en principe par une personne dont les qualités morales ont été unanimement reconnues.
Ivo Poppe, 61 ans, crâne dégarni et lourd chandail de laine sur les épaules, a été longuement interrogé par le président, Bart Meganck, qui s'est étonné de sa mémoire sélective. L'accusé se souvient, en effet, de nombreux détails sur son métier à l'hôpital Saint-Joris de Menin, près de la frontière française, de -séjours dans les Ardennes, du numéro d'une chambre, mais pas du nombre de patients qu'il a euthanasiés. Ou de leur nom. Il sait seulement qu'il a commis
" des erreurs ", en n'impliquant pas ses collègues lorsqu'une personne était gravement malade ou en phase terminale.
En 2013, il s'est rendu chez un psychiatre, invoquant des troubles du sommeil et une dépression. Il a affirmé au médecin qu'il avait tué
" des dizaines de personnes ". Mardi 23 janvier, les enquêteurs chargés de l'affaire ont produit devant la cour les photos de 55 patients, âgés de 60 à 90 ans, morts dans des -conditions potentiellement suspectes. Leurs noms figuraient dans l'agenda du suspect au moment de son arrestation, en mai 2014. C'est l'une des rares preuves matérielles produites lors des investigations.
Ivo Poppe aurait délibérément exagéré le nombre de ses victimes parce qu'il avait un besoin urgent de soins, affirme-t-il aujourd'hui.
" Quand on va chez le médecin, on ne lui dit pas que l'on a seulement 37,5 °C de fièvre ", argumente-t-il
. Le premier psychiatre qui l'a reçu a prévenu la justice, qui a lancé une enquête au cours de laquelle le diacre a reconnu d'autres
" sottises ". Par exemple, sur la méthode qu'il utilisait pour tuer les grabataires ou sur le décès de la grand-mère d'un de ses collègues.
Dieu, " un juge, un maître d'école "Ses souvenirs ne sont précis que pour quelques cas. La mort provoquée de deux de ses oncles, de son beau-père, ou de sa propre mère, en 2011. Il jugeait insupportable, explique-t-il, que cette dernière ait à souffrir après s'être consacrée aux autres tout au long de son existence.
Les audiences devraient durer toute la semaine et permettre au jury d'apprécier l'état mental de l'accusé, sur la base du témoignage de plusieurs psychiatres. Ivo Poppe affirme que le fait qu'il assume une fonction dans l'Eglise l'a transformé, le soumettant désormais à l'autorité de Dieu,
" un juge, un maître d'école ".
La Belgique s'est dotée en 2002 d'une loi dépénalisant l'euthanasie dans certains cas. Et à certaines conditions, dont le fait que le patient doit exprimer une demande préalable, ou être conscient et capable pour le faire. Il doit être dans
" une situation médicale sans issue " ou souffrir
" de manière constante, -insupportable et inapaisable ". L'euthanasie reste punissable si elle n'est pas accomplie par un médecin ou si les conditions de la loi ne sont pas respectées.
Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, correspondant)
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